24 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-25.433

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C200644

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie - Envoi à l'employeur - Critères - Détermination - Portée

Il résulte de la combinaison des articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale que, lorsque la décision de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de prolonger l'instruction ne résulte pas de la nécessité de l'envoi d'un questionnaire ou de la réalisation d'une enquête, la caisse est seulement tenue d'informer les parties en temps utile du report de sa décision et de les informer, une fois l'instruction achevée, de la faculté pour elles de consulter le dossier. L'arrêt relève que l'envoi d'un questionnaire n'est prévu qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si la caisse l'estime nécessaire, que l'employeur n'a émis aucune réserve lors de l'établissement de la déclaration d'accident du travail, que la caisse n'a pas estimé nécessaire de diligenter une enquête et que la société ne s'est pas déplacée pour venir consulter le dossier, comme il lui a été proposé par courrier de la caisse du 18 février 2014. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, faisant ressortir que la prolongation du délai, décidée par la caisse, n'avait pas eu pour objet de procéder à une mesure d'instruction au sens de l'article L. 411-11 du code de la sécurité sociale, en a exactement déduit que la caisse n'était pas tenue d'envoyer un questionnaire ou de procéder à une enquête auprès des intéressés

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 juin 2021




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 644 F-B

Pourvoi n° 19-25.433







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2021


1°/ la société Keolis Bordeaux métropole, société anonyme,

2°/ la société Keolis Bordeaux, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° 19-25.433 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Keolis Bordeaux métropole et Keolis Bordeaux, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 octobre 2019), la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) a pris en charge le 11 mars 2014, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime l'un des salariés de la société Keolis Bordeaux (l'employeur), le 8 janvier 2014, puis la nouvelle lésion mentionnée sur le certificat médical de prolongation établi le 17 février 2014.

2. L'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale pour contester l'imputation à son compte employeur des conséquences financières de la prise en charge de l'accident litigieux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours et de lui déclarer opposable la totalité des soins et arrêts de travail prescrits ensuite de l'accident du travail du 8 janvier 2014 et de le débouter de sa demande relative à l'irrégularité de la procédure d'instruction du dossier, alors :

« 1°/ que lorsqu'une CPAM prend l'initiative d'instruire une déclaration d'accident du travail, elle est tenue, avant d'arrêter sa décision, de solliciter l'avis de l'employeur sur les circonstances ou les causes de celui-ci ; que l'envoi à l'employeur d'un avis de clôture de l'instruction destiné à l'inviter à consulter les pièces du dossier constitué par la CPAM établit l'existence d'une instruction ; qu'au cas présent, la société Keolis Bordeaux sollicitait l'inopposabilité de la décision prise en charge en faisant valoir que la caisse n'avait pas pris attache auprès d'elle au cours de l'instruction ; que pour rejeter cette prétention, la cour d'appel, après avoir relevé que la caisse avait constitué un dossier d'instruction et adressé un avis de clôture d'instruction à l'employeur, a estimé que la caisse avait arrêté sa décision de prise en charge d'emblée sans procéder à une instruction de la déclaration et n'était donc pas tenue de respecter le principe du contradictoire ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'organisme de sécurité sociale avait procédé à une instruction en constituant un dossier et en adressant un avis de clôture à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale issue du décret du 29 juillet 2009 ;

2°/ que lorsqu'une CPAM prend l'initiative d'instruire une déclaration d'accident du travail, elle est tenue, avant d'arrêter sa décision, de solliciter les observations de l'employeur sur les circonstances ou les causes de celui-ci ; que, selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le délai imparti à la caisse pour statuer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie ne peut être prolongé que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire ; qu'il s'ensuit que lorsque la caisse décide de prolonger le délai pour prendre sa décision, elle procède nécessairement à une instruction et doit soit adresser à l'employeur un questionnaire, soit prendre contact ; qu'au cas présent, la société Keolis Bordeaux sollicitait l'inopposabilité de la décision prise en charge en faisant valoir que la caisse
n'avait pas pris attache auprès d'elle au cours de l'instruction ; qu'elle rappelait avoir été destinataire d'un courrier de prolongation de l'instruction adressée par la CPAM daté du 10 février 2014 ; qu'en rejetant la prétention de l'employeur au motif que la caisse avait arrêté sa décision de prise en charge d'emblée sans procéder à une enquête, sans rechercher si le courrier de prolongation du 10 février 2014 ne caractérisait pas l'existence d'une instruction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

5. Aux termes de l'article R. 441-14, premier alinéa, du même code, dans sa rédaction issue du décret susmentionné, applicable au litige, la caisse doit informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque la décision de la caisse de prolonger l'instruction ne résulte pas de la nécessité de l'envoi d'un questionnaire ou de la réalisation d'une enquête, la caisse est seulement tenue d'informer les parties en temps utile du report de sa décision et de les informer, une fois l'instruction achevée, de la faculté pour elles de consulter le dossier.

7. L'arrêt relève que l'envoi d'un questionnaire n'est prévu qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si la caisse l'estime nécessaire, que l'employeur n'a émis aucune réserve lors de l'établissement de la déclaration d'accident du travail, que la caisse n'a pas estimé nécessaire de diligenter une enquête et que la société ne s'est pas déplacée pour venir consulter le dossier, comme il lui a été proposé par courrier de la caisse du 18 février 2014.

8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, faisant ressortir que la prolongation du délai, décidée par la caisse, n'avait pas eu pour objet de procéder à une mesure d'instruction au sens de l'article L. 411-11 du code de la sécurité sociale, en a exactement déduit que la caisse n'était pas tenue d'envoyer un questionnaire ou de procéder à une enquête auprès des intéressés.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne les sociétés Keolis Bordeaux métropole et Keolis Bordeaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Keolis Bordeaux métropole et Keolis Bordeaux

Le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir débouté la société Kéolis Bordeaux de son recours et de lui avoir déclaré opposable la totalité des soins et arrêts de travail prescrits ensuite de l'accident du travail dont Madame [N] [U] a été victime le 8 janvier 2014 et d'avoir débouté la société Kéolis de sa demande relative à l'irrégularité de la procédure d'instruction dossier de Mme [U] ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la régularité de la procédure. En cause d'appel, la société Kéolis soutient que la caisse a méconnu le principe du contradictoire lors de l'instruction du dossier de Mme [U] car elle ne lui a adressé aucun questionnaire en violation de l'article R 441-11 III du code de la sécurité sociale. Mais, conformément aux dispositions de ce texte, l'envoi d'un questionnaire n'est prévu qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si la caisse l'estime nécessaire. Or, en l'espèce, l'employeur n'avait émis aucune réserve lors de l'établissement de la déclaration d'accident du travail et la caisse n'a pas estimé nécessaire de diligenter une enquête. Force est de constater, par ailleurs, que la société Kéolis ne s'est pas déplacée pour venir consulter le dossier ainsi que la caisse lui a proposé par courrier du 18 février 2014. Il ne peut être reproché, dans ses conditions, à la caisse d'avoir omis l'envoi d'un questionnaire à l'employeur. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé » ;

1. ALORS QUE lorsqu'une CPAM prend l'initiative d'instruire une déclaration d'accident du travail, elle est tenue, avant d'arrêter sa décision, de solliciter l'avis de l'employeur sur les circonstances ou les causes de celui-ci ; que l'envoi à l'employeur d'un avis de clôture de l'instruction destiné à l'inviter à consulter les pièces du dossier constitué par la CPAM établit l'existence d'une instruction ; qu'au cas présent, la société Keolis Bordeaux sollicitait l'inopposabilité de la décision prise en charge en faisant valoir que la caisse n'avait pas pris attache auprès d'elle au cours de l'instruction ; que pour rejeter cette prétention, la cour d'appel, après avoir relevé que la caisse avait constitué un dossier d'instruction et adressé un avis de clôture d'instruction à l'employeur, a estimé que la caisse avait arrêté sa décision de prise en charge d'emblée sans procéder à une instruction de la déclaration et n'était donc pas tenue de respecter le principe du contradictoire ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'organisme de sécurité sociale avait procédé à une instruction en constituant un dossier et en adressant un avis de clôture à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale issue du décret du 29 juillet 2009 ;

2. ALORS QUE lorsqu'une CPAM prend l'initiative d'instruire une déclaration d'accident du travail, elle est tenue, avant d'arrêter sa décision, de solliciter les observations de l'employeur sur les circonstances ou les causes de celui-ci ; que, selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le délai imparti à la caisse pour statuer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie ne peut être prolongé que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire ; qu'il s'ensuit que lorsque la caisse décide de prolonger le délai pour prendre sa décision, elle procède nécessairement à une instruction et doit soit adresser à l'employeur un questionnaire, soit prendre contact ; qu'au cas présent, la société Keolis Bordeaux sollicitait l'inopposabilité de la décision prise en charge en faisant valoir que la caisse n'avait pas pris attache auprès d'elle au cours de l'instruction ; qu'elle rappelait avoir été destinataire d'un courrier de prolongation de l'instruction adressée par la CPAM daté du 10 février 2014 ; qu'en rejetant la prétention de l'employeur au motif que la caisse avait arrêté sa décision de prise en charge d'emblée sans procéder à une enquête, sans rechercher si le courrier de prolongation du 10 février 2014 ne caractérisait pas l'existence d'une instruction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regarde de l'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009.

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