31 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-14.547

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00285

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2021




Cassation partielle


Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président



Arrêt n° 285 F-D

Pourvoi n° E 19-14.547







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

La société Comptoir agricole d'achat et de vente, société civile agricole, dont le siège est [...] , venant aux droits des sociétés Appro du Piemont, d'Appro du Piemont et Alsace Appro, a formé le pourvoi n° E 19-14.547 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Verallia France, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Saint-Gobain emballage, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Comptoir agricole d'achat et de vente, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Verallia France, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2019), la société Saint Gobain emballage, devenue la société Verallia France (la société Verallia), spécialisée dans la fabrication de bouteilles en verre destinées notamment au secteur viticole, a confié la distribution de ses produits aux sociétés coopératives agricoles Alsace Appro et d'Appro du Piémont et à la société Appro du Piémont.

2. Au cours de l'année 2012, ces trois sociétés ayant décidé de regrouper leurs achats au sein de la société Vitisphère Alsace, la société Verallia a fait connaître son opposition au projet qui s'est concrétisé en 2013.

3. Par courriels des 26 novembre 2013 et 9 décembre 2013, les sociétés coopératives agricoles Alsace Appro et d'Appro du Piémont ont informé la société Verallia de la cessation de la distribution de ses produits à compter du 1er janvier 2014, tandis que la société Appro du Piémont a cessé tout approvisionnement à compter de cette même date.

4. Après mise en demeure restée infructueuse, la société Verallia a assigné les sociétés coopératives Alsace Appro et d'Appro du Piémont et la société Appro du Piémont, aux droits desquelles vient la société Comptoir agricole d'achat et de vente, en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie. Cette dernière a formé une demande reconventionnelle en réparation de son préjudice pour refus de vente.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.




Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. La société Comptoir agricole d'achat et de vente fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice économique, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour rejeter la demande d'indemnisation de son préjudice économique formée par la société Comptoir agricole d'achat et de vente, la cour d'appel a retenu que la rupture n'était pas imputable à la société Verallia, à l'encontre de laquelle n'était démontrée aucune faute ; que cependant, les deux moyens précédents ont montré que c'était à tort que la cour d'appel avait statué en ce sens, de sorte que la cassation à intervenir sur le fondement de ces moyens justifiera la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Le chef du dispositif critiqué par le troisième moyen n'ayant pas de lien de dépendance nécessaire avec celui visé par le premier moyen, et le deuxième moyen étant rejeté, le moyen est sans portée.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Comptoir agricole d'achat et de vente fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, alors « que la rupture n'est imputable à l'auteur d'une modification de la relation d'affaires, refusée par l'autre partie, que si cette modification est substantielle ; que la cour d'appel a jugé que la rupture de la relation d'affaires était imputable aux trois sociétés coopératives, lesquelles avaient imposé à la société Verallia un nouveau contractant, la société Vitisphère Alsace, ce qui constituait une modification unilatérale et substantielle ; qu'en statuant par des tels motifs, tirés du seul changement d'identité du co-contractant, impropres à eux seuls à caractériser le caractère substantiel de la modification, d'autant qu'il était soutenu que la relation contractuelle n'avait jamais été conclue intuitu personae et que la relation devait continuer aux mêmes conditions commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause. »




Réponse de la Cour

Vu l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable :

9. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout commerçant, de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Constitue une telle rupture le fait d'imposer à un partenaire une modification substantielle d'une relation commerciale établie.

10. Pour juger que les sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont ont imposé à la société Verallia France une modification substantielle de la relation commerciale caractérisant une rupture brutale, l'arrêt relève que, souhaitant regrouper leurs achats au sein d'une société d'union d'achats et de services de sociétés coopératives agricoles, ces sociétés ont constitué la société Vitisphère Alsace, ouverte à tous autres coopérateurs, ont invité leurs fournisseurs dont la société Verallia France à facturer la société Vitisphère Alsace et cessé leurs approvisionnements propres auprès de la société Verallia France, ce changement de cocontractant constituant une modification substantielle des conditions contractuelles que la société Verallia France était libre de refuser.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le caractère substantiel de la modification de la relation commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement du 2 mai 2017 du tribunal de commerce de Paris, il condamne la société Comptoir agricole d'achat et de vente à payer à la société Verallia France la somme de 516 807 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture brutale de la relation commerciale établie, l'arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Comptoir agricole d'achat et de vente.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Comptoir agricole d'achat et de vente à régler à la société Verallia une somme de 516 807 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales,

AUX MOTIFS QUE l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ; que la relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel ; que le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis ; que par ailleurs la modification unilatérale des conditions contractuelles peut caractériser une rupture brutale de la relation commerciale si cette modification est substantielle ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Verallia France fournissait des bouteilles en verre aux sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont depuis le début des années 1990 ; qu'en outre, il est établi que le flux d'affaires entre ces sociétés était conséquent puisque le chiffre d'affaires moyen réalisé par la société Verallia France entre 2009 et 2013 s'élevait à 1 719 416,80 euros avec la société Alsace Appro, 881 773 euros avec la société d'Appro du Piémont et 126 822 euros avec la société Appro du Piémont ; que les parties au litige s'opposent quant à l'imputabilité de la rupture de la relation commerciale ; que la société Verallia France en attribue la responsabilité aux sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont qui ont cessé tout approvisionnement à compter du 1er janvier 2014 tandis que la société Comptoir agricole d'achat et de vente impute la responsabilité de la rupture de cette relation commerciale établie à la société Verallia France qui serait à l'origine de divers manquements contractuels ; que la société Comptoir agricole d'achat et de vente reproche tout d'abord à la société Verallia France d'avoir refusé de continuer à travailler avec la société Vitisphère Alsace ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que les sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont ont souhaité regrouper leurs achats au sein d'une société d'union d'achats et de services de sociétés coopératives agricoles, la société Vitisphère Alsace ; qu'ainsi, elles ont voulu que leurs fournisseurs, dont la société Verallia France, aient pour interlocuteur unique la société Vistisphère Alsace en leurs lieu et place ; qu'il sera relevé que ce groupement était constitué des sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont ainsi que des sociétés Comptoir Agricole d'achat et de vente et Viti.com et ouvert à tous autres coopérateurs qui viendraient à adhérer ; que ce changement de cocontractant constituait donc une modification substantielle des conditions contractuelles que la société Verallia France était libre de refuser ; qu'aucune inexécution contractuelle ne saurait être reprochée de ce chef à la société Verallia France ; que la société Comptoir agricole d'achat et de vente prétend également que la société Verallia France a refusé de communiquer ses tarifs pour l'année 2014 ; que toutefois il résulte des courriers versés aux débats (pièce 13 de la société Comptoir agricole d'achat et de vente, pièce 27 de la société Verallia France) que c'est à la société Vitisphère Alsace et non aux sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont que la société Verallia France a refusé de communiquer ses tarifs ; que par ailleurs, il apparaît que la rupture était déjà consommée au moment où la société d'Appro du Piémont a demandé la communication des tarifs pour l'année 2014 dans un courriel du 16 décembre 2014 puisqu'à cette date, elle avait déjà manifesté son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale dans les conditions antérieures par courriel du 9 décembre 2013 ; qu'aucune inexécution contractuelle de la part de la société Verallia France n'est donc caractérisée de ce chef ; que la société Comptoir agricole d'achat et de vente reproche encore à la société Verallia France d'avoir cessé toute livraison à compter de 2014, ce qui aurait été à l'origine d'une rupture de stock de bouteilles préjudiciable aux adhérents des coopératives ; que toutefois la société Comptoir agricole d'achat et de vente ne démontre pas que des commandes ont été passées par les sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont qui n'ont pas été honorées par la société Verallia France ; qu'il apparaît en réalité que les sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont se sont approvisionnées en bouteilles auprès de la société O-I à compter du 1er janvier 2014 ainsi qu'il ressort des attestations produites par ces dernières et de la pièce 28 produite par l'appelante ; qu'il est évident que la rupture de stock alléguée par la société Comptoir agricole d'achat et de vente est liée à la cessation des approvisionnements annoncée par courriels du 26 novembre 2013 et 9 décembre 2013 ; qu'aucune inexécution contractuelle ne peut donc être imputée à la société Verallia France sur ce point ; que la société Comptoir agricole d'achat et de vente fait enfin grief à la société Verallia France d'avoir démarché directement les clients des sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont ; que toutefois le simple fait de démarcher des clients ne saurait être constitutif d'une concurrence déloyale dès lors qu'il n'est pas démontré que ce démarchage ait été effectué par des moyens contraires aux usages loyaux du commerce ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la rupture des relations commerciales établies est imputable aux sociétés Alsace Appro, d'Appro du Piémont et Appro du Piémont, qui ont imposé à la société Verallia France une modification unilatérale et substantielle des conditions contractuelles, soit le recours à une société tierce, la société Vitisphère Alsace ; que par ailleurs le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis ; que s'il est établi que les sociétés d'Appro du Piémont, Alsace Appro et Appro du Piémont ont informé la société Verallia France de leur projet de regroupement dès le mois d'octobre 2012, il n'en demeure pas moins que les sociétés Alsace Appro et d'Appro du Piémont n'ont manifesté leur intention de ne pas poursuivre la relation commerciale dans les conditions antérieures que par courriels du 26 novembre 2013 et 9 décembre 2013 avant de cesser tout approvisionnement à compter du 1er janvier 2014 ; que la société Appro du Piémont a quant à elle cessé ses approvisionnements auprès de la société Verallia France à compter du 1er janvier 2014 sans lui adresser ni lettre de rupture ni préavis écrit ; que le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné ; que les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique ; qu'en l'espèce, eu égard à l'ancienneté des relations (plus de vingt ans au moment de la rupture) et de l'importance des volumes d'affaires, un préavis d'une année aurait dû être observé ; qu'ainsi les préavis de 36 et 22 jours observés par les sociétés Alsace Appro et d'Appro du Piémont, Alsace Appro étaient insuffisants ; que la société Appro du Piémont n'a quant à elle observé aucun préavis ; que le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période par référence à la moyenne ; que contrairement à ce que soutient la société Verallia France, il n'y a pas lieu d'exclure l'année 2013 de la moyenne annuelle de la marge brute réalisée dans les années précédant la rupture ; que dès lors, il convient d'estimer le préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations avec la société Alsace Appro à 331 688 euros, avec la société d'Appro du Piémont à 140 843 euros et avec la société Appro du Piémont à 44 276 euros sur la base de la marge brute réalisée avec ces sociétés entre 2009 et 2013 ; que la société Verallia France revendique en outre l'indemnisation d'un préjudice lié à la nécessité de réorganiser son réseau de distribution et à la difficulté de trouver des cocontractants de substitution compte tenu du préjudice d'image et de notoriété subi du fait de la perte de deux importants distributeurs ; que toutefois le préjudice réparant la brutalité de la rupture a justement vocation à permettre à la société victime de la rupture brutale de se réorganiser ; qu'en l'absence de preuve d'un préjudice supplémentaire, la demande de réparation complémentaire sera rejetée ; qu'en conséquence, la société Comptoir agricole d'achat et de vente sera condamnée à régler à la société Verallia France une somme de 516 807 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef,

1- ALORS QUE la rupture n'est imputable à l'auteur d'une modification de la relation d'affaires, refusée par l'autre partie, que si cette modification est substantielle ; que la cour d'appel a jugé que la rupture de la relation d'affaires était imputable aux trois sociétés coopératives, lesquelles avaient imposé à la société Verallia un nouveau contractant, la société Vitisphère Alsace, ce qui constituait une modification unilatérale et substantielle ; qu'en statuant par des tels motifs, tirés du seul changement d'identité du co-contractant, impropres à eux seuls à caractériser le caractère substantiel de la modification, d'autant qu'il était soutenu que la relation contractuelle n'avait jamais été conclue intuitu personae et que la relation devait continuer aux mêmes conditions commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause.

2- ALORS QUE la rupture n'est pas brutale lorsque le partenaire ne pouvait pas raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir ; que la cour d'appel a elle-même relevé que, dès octobre 2012, les trois sociétés coopératives avaient informé la société Verallia de leur projet de regroupement et que c'était la société Verallia qui avait refusé d'avoir ce nouvel interlocuteur ; qu'en se fondant pourtant, pour juger la rupture brutale, sur le fait que les trois sociétés coopératives n'avaient manifesté leur décision de ne pas poursuivre la relation qu'à la fin de l'année 2013 et au début de l'année 2014, sans rechercher si la société Verallia n'avait pas pu anticiper raisonnablement, dès la fin du mois de janvier 2013, date à laquelle elle avait fait savoir à ses co-contractantes qu'elle refuserait toute poursuite des relations avec la société Vitisphère Alsace, que la relation ne pourrait pas être continuée pour l'avenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause.

3- ALORS QUE la résiliation sans préavis est possible en cas de faute du partenaire ; qu'en se bornant à juger que la société Verallia était libre de refuser un changement de co-contractant, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si cette société n'avait pas commis, ce faisant, un abus de droit, en profitant de son poids économique pour tenter de bloquer l'organisation commerciale des trois sociétés coopératives et faire pression pour les empêcher de se regrouper, puis en refusant de communiquer ses tarifs à l'entité issue de ce regroupement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause.

4- ALORS QUE l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies n'est tenu de réparer que le préjudice résultant de l'insuffisance de préavis, sans qu'il puisse en résulter pour la partie lésée aucun profit ; que la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'un préavis d'une durée d'un an aurait dû être observé, d'autre part, que deux des sociétés coopératives avaient respecté un délai de préavis de 36 jours et de 22 jours ; qu'en omettant d'imputer la durée de ce préavis sur celle du préavis jugé nécessaire, pour statuer sur le montant de la condamnation, la cour d'appel a violé l'article L.442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, ensemble le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Comptoir agricole d'achat et de vente de ses demandes au titre du refus de vente,

AUX MOTIFS PROPRES QU'en vertu de l'article L. 420-2 du code de commerce, est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; que ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ; qu'est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ; que ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ; qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun refus de vente imputable à la société Verallia France n'est démontré ; que dans ces conditions, la demande de dommages et intérêts de la société Comptoir agricole d'achat et de vente ne saurait prospérer ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point,

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les trois sociétés défenderesses n'apportent pas la preuve que SGE ait été en position dominante ni qu'elles aient été dans un état de dépendance économique, conditions nécessaires pour que les dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce, qui évoquent le refus de vente, puissent recevoir application ; qu'elles ne démontrent pas non plus que ce refus de vente, qui en tant que tel n'est plus sanctionné par la loi, ait été constitutif d'une faute de concurrence déloyale ou discrimination et ait donc été susceptible d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'en tout état de cause, elles ne démontrent pas l'existence du préjudice allégué et au contraire ont indiqué qu'elles avaient trouvé d'autres fournisseurs ; que le tribunal rejettera la demande de dommages et intérêts pour refus de vente présentée par les défenderesses,

1- ALORS QUE la cour d'appel a elle-même constaté que la société Verallia avait refusé de communiquer ses tarifs à la société Vitisphère Alsace, issue du regroupement des trois sociétés coopératives ; qu'en jugeant par ailleurs qu'aucun refus de vente imputable à la société Verallia n'était démontré, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le refus opposé à l'entité ayant regroupé les trois sociétés, devenue par la suite la société Comptoir agricole d'achat et de vente, n'était pas fautif, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 1382, devenu 1240, du code civil.

2- ALORS QUE le juge d'appel ne peut pas confirmer un jugement sans examiner, ne serait-ce que succinctement, les pièces produites pour contester cette décision ; qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés, qu'il n'était pas démontré que la société Verallia ait été en position dominante, sans examiner l'article de presse, produit par la société Comptoir agricole, qui expliquait que cette société occupait « la position de leader dans le vin » avec « 60% du marché en Alsace », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

3- ALORS QUE le juge d'appel ne peut pas confirmer un jugement sans répondre aux moyens articulés en appel pour contester cette décision ; qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés, que n'était pas démontrée l'existence d'un préjudice consécutif à un refus de vente, les sociétés coopératives ayant trouvé d'autres fournisseurs, sans répondre au moyen articulé en appel qui exposait, pièces à l'appui, qu'elles avaient de ce fait été contraintes de payer des prix supérieurs et qu'elles n'avaient pas pu avoir accès à tous les types de bouteilles souhaités, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Comptoir agricole d'achat et de vente de ses demandes au titre du préjudice économique,


AUX MOTIFS PROPRES QU'ainsi qu'il a été jugé ci-dessus, la rupture des relations commerciales n'étant pas imputable à la société Verallia France, aucune demande de réparation ne peut être formée à son encontre de ce chef ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de réparation du préjudice économique allégué par la société Comptoir agricole d'achat et de vente,

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur le préjudice économique subi, cette demande implique de démontrer une faute ou l'intention de nuire de SGE, ce que les trois sociétés défenderesses ne démontrent pas ; que le tribunal rejettera la demande de dommages et intérêts pour préjudice économique subi présentée par les défenderesses,

ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour rejeter la demande d'indemnisation de son préjudice économique formée par la société Comptoir agricole d'achat et de vente, la cour d'appel a retenu que la rupture n'était pas imputable à la société Verallia, à l'encontre de laquelle n'était démontrée aucune faute ; que cependant, les deux moyens précédents ont montré que c'était à tort que la cour d'appel avait statué en ce sens, de sorte que la cassation à intervenir sur le fondement de ces moyens justifiera la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

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