24 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.136

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C100239

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mars 2021




Cassation partielle


Mme BATUT, président



Arrêt n° 239 F-D

Pourvoi n° R 19-23.136





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2021

La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-23.136 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2019), Mme T... a reçu cinq culots sanguins les 12 et 13 octobre 1978, lors d'une cholécystectomie, deux culots sanguins le 27 juin 1981, à la suite d'une césarienne, et trois autres culots le 25 mars 1985, à l'occasion d'une seconde césarienne.

2. Après avoir été informée de sa contamination par le virus de l'hépatite C le 9 novembre 2000, elle a sollicité une expertise qui a conclu que la provenance des cinq culots délivrés en 1978 était inconnue et que les autres culots avaient été délivrés par les centres de transfusion sanguine de [...] et [...] (les CTS), alors assurés par la société Allianz IARD (l'assureur).

3. Par décision du 26 septembre 2012, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) a reconnu l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme T... et l'a indemnisée à hauteur de 60 642 euros.

4. Par acte du 25 février 2016, l'ONIAM a assigné l'assureur en paiement de cette somme.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'ONIAM la somme de 60 642 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, alors « que la garantie des assureurs des structures reprises par l'EFS n'étant due à l'ONIAM au titre des seuls produits fournis par leur assuré, il incombe au juge de tenir compte de la fourniture par d'autres établissements de transfusion sanguine de produits sanguins dont l'innocuité n'a pu être établie ; que l'assureur avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que sa condamnation, pour l'hypothèse où il serait jugé que sa garantie était due à l'ONIAM, ne pouvait excéder une somme de 30 321 euros correspondant à la moitié des sommes versées à la victime, dans la mesure où seuls cinq produits sanguins, sur les dix produits prétendument administrés par la victime, provenaient des centres de [...] et de [...] assurés ; qu'en se bornant à affirmer que la garantie de l'assureur était due pour la somme de 60 642 euros, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux
conclusions constitue un défaut de motifs.

8. Pour condamner l'assureur à payer à l'ONIAM la somme de 60 642 euros, après avoir admis l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme T..., l'arrêt se borne à énoncer que les CTS ont fourni au moins un produit sanguin, de sorte que la garantie est due au titre de cette somme.

9. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur qui soutenait que sa garantie ne pouvait excéder la moitié de la somme versée à Mme T... dans la mesure où seule la moitié des produits prétendument administrés à celle-ci provenait des CTS assurés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Allianz IARD à payer à l'ONIAM la somme de 60 642 euros, l'arrêt rendu le 11 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la garantie de la société Allianz était acquise à l'ONIAM et d'avoir condamné la société Allianz IARD à lui payer la somme de 60.642 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE si le législateur a confié à l'ONIAM et non plus à l'EFS, venant aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, la mission d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles, il n'a pas modifié le régime de responsabilité auquel ces derniers ont été soumis et a donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées aux victimes de dommages par les assureurs de ces structures ; qu'il s'ensuit que, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurances est épuisée, le délai de validité de la couverture est expiré ou les assureurs peuvent se prévaloir de la prescription, leur garantie est due à l'ONIAM lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée ; qu'en l'espèce, l'origine transfusionnelle de la contamination résulte du courrier du 8 octobre 2001 par lequel le service d'hémovigilance de l'EFS écrivait que "l'examen du dossier transfusionnel de (Mme T...) révèle effectivement des transfusions : de 5 culots globulaires les 12 et 13 octobre 1978, de 2 culots le 27 juin 1981 et de 3 culots le 25 mars 1985 ; que par ailleurs, il est relevé par le rapport d'expertise médicale du 24 décembre 2010, qui n'est pas contesté par Allianz, que les culots des transfusions de 1981 et 1985 ont été fournis par les centres de transfusion de [...] et [...] et qu'Allianz ne rapporte pas la preuve que ces 5 culots n'étaient pas contaminés ; qu'il convient également de préciser que "l'expert n'a pas objectivé d'autre mode de contamination possible en dehors des transfusions sanguines et que Mme T... ne présente pas d'état antérieur pouvant constituer un facteur de risque de contamination, en dehors bien entendu des transfusions sanguines" ; que l'expert souligne en conséquence ce que suit : "il n'existe aucun élément permettant de supposer que Mme T... était atteinte du virus de l'hépatite C avant 1978" ; qu'enfin, les deux établissements de transfusion concernés ont fourni au moins un produit sanguin contaminé de sorte que la garantie d'Allianz est due pour la somme de 60.642 € ;

1°) ALORS QUE s'il résulte des articles 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 et 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 que, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurances est épuisée, le délai de validité de la couverture est expiré ou les assureurs peuvent se prévaloir de la prescription, leur garantie est due à l'ONIAM, lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée, une telle garantie ne peut être mobilisée qu'à la condition préalable qu'il soit établi que le fait dommageable, constitué par la contamination, s'est produit pendant la période de validité du contrat d'assurance ; que la société Allianz IARD avait rappelé que l'expert avait conclu qu'il n'était pas en mesure de déterminer avec certitude la date probable de la contamination et considéré que la contamination avait eu lieu suite aux transfusions réalisées le 12 et 13 octobre 1978 ou le 27 juin 1981 ou le 25 mars 1985 (concl., p. 26, § 8 à 10), ajoutant que cette incertitude quant à la date de la contamination faisait obstacle à l'action en garantie de l'ONIAM, qui devait démontrer que la contamination avait bien eu lieu sous l'empire du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Allianz IARD, et en déduisait que, l'ONIAM étant dans l'incapacité de démontrer que la contamination serait intervenue au temps des contrats d'assurance souscrit auprès de la société Allianz IARD, il convenait de débouter l'office de l'ensemble de ses demandes (concl., p. 26, § 11 et 12) ; que l'assureur ajoutait que le contrat d'assurance ne couvrait pas les activités des centres de [...] et [...], qui n'avaient pas été identifiés comme les centres fournisseurs des produits sanguins prétendument administrés à la victime les 12 et 13 octobre 1978, au titre de l'année 1978 (concl. p. 26, in fine, et p. 27, § 1) ; qu'en condamnant la société Allianz IARD à garantir l'ONIAM et au paiement des sommes versées à la victime en réparation de son préjudice, motifs pris qu'il était établi que la contamination avait une origine transfusionnelle et que l'assureur ne démontrait que les produits sanguins fournis en 1981 et 1987 par les centres assurés n'étaient pas contaminés, et que, dans la mesure où ces centres avaient fourni au moins un produit administré à la victime, la garantie de la société Allianz IARD était due, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions de l'assureur qui faisait valoir que, faute pour l'ONIAM de rapporter la preuve que le fait dommageable s'était produit pendant la période de validité du contrat d'assurance, sa garantie n'était pas due, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la garantie des assureurs des structures reprises par l'EFS n'étant due à l'ONIAM au titre des seuls produits fournis par leur assuré, il incombe au juge de tenir compte de la fourniture par d'autres établissements de transfusion sanguine de produits sanguins dont l'innocuité n'a pu être établie ; que la société Allianz IARD avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que sa condamnation, pour l'hypothèse où il serait jugé que sa garantie était due à l'ONIAM, ne pouvait excéder une somme de 30.321 € correspondant à la moitié des sommes versées à la victime, dans la mesure où seuls cinq produits sanguins, sur les dix produits prétendument administrés par la victime, provenaient des centres de [...] et de [...] assurés (concl., 27, § 6 et 7) ; qu'en se bornant à affirmer que la garantie de la société Allianz IARD était due pour la somme de 60.642 €, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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