14 avril 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-25.822

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00366

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 - Article 13, § 1 - Dénominations enregistrées - Protection - Etendue - Détermination

Par un arrêt du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C-490/19), la CJUE a dit pour droit que les articles 13, § 1, respectifs du règlement (CE) n°510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 doivent être interprétées en ce sens qu'ils n'interdisent pas uniquement l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée et qu'ils interdisent la reproduction de la forme ou de l'apparence caractérisant un produit couvert par une dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est susceptible d'amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par cette dénomination enregistrée, de sorte qu'il y a lieu d'apprécier si la dite reproduction peut induire le consommateur européen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en erreur, en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l'espèce. Prive en conséquence, sa décision de base légale la cour d'appel qui, saisie d'une action engagée par un organisme de défense et de gestion se plaignant d'atteintes à l'appellation d'origine protégée "Morbier", rejette ses demandes au motif que les fromages en cause ne sauraient être assimilés, sans vérifier si le trait bleu horizontal ne constituait pas une caractéristique de référence et particulièrement distinctive du fromage "Morbier", et, dans l'affirmative, si sa reproduction, combinée avec tous les facteurs pertinents de l'espèce, n'était pas susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit litigieux

UNION EUROPEENNE - Règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 - Article 13, § 1 - Dénominations enregistrées - Protection - Etendue - Détermination

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Parasitisme - Confusion - Risque - Applications diverses - Fromage reprenant l'apparence visuelle d'un produit protégé par une appellation d'origine protégée (AOP)

APPELLATION D'ORIGINE - Protection - Règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 - Article 13, § 1 - Dénominations enregistrées - Protection - Etendue - Détermination

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2021




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 366 FS-P

Pourvoi n° U 17-25.822




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021

Le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 17-25.822 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Fromagère du Livradois, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Fromagère du Livradois, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes de Cabarrus, Lion, Comte, Lefeuvre, Tostain, Bessaud, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2017), le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (le syndicat) est un organisme de défense et de gestion pour la protection du Morbier, fromage du Jura qui bénéficie, depuis un décret du 22 décembre 2000, d'une appellation d'origine contrôlée (AOC), et d'une inscription, à compter du 10 juillet 2002, au registre des appellations d'origine protégée (AOP).

2. La société Fromagère du Livradois (la société Fromagère), établie dans le [Localité 1], fabrique et commercialise des fromages. Produisant depuis 1979 un fromage sous le nom « Morbier », elle a été autorisée, dans le cadre de la période transitoire prévue par le décret du 22 décembre 2000 pour les entreprises situées en dehors de l'aire géographique de référence définie par le texte, à utiliser ce nom, sans la mention AOC, jusqu'au 11 juillet 2007, date à partir de laquelle elle lui a substitué la dénomination « Montboissié du Haut-Livradois. »

3. La société Fromagère a déposé, le 5 octobre 2001, aux Etats-Unis, la marque américaine « Morbier du Haut-Livradois », qu'elle a renouvelée en 2008 pour dix années, avant de la radier en 2013, et, le 5 novembre 2004, la marque française « Montboissier » pour les produits de la classe 29.

4. Reprochant à la société Fromagère de porter atteinte à l'AOP « Morbier » et de commettre des actes de concurrence déloyale et parasitaire en fabriquant et en commercialisant un fromage reprenant l'apparence visuelle du produit protégé par cette AOP afin de créer la confusion avec celui-ci et de profiter de la notoriété de cette appellation d'origine sans avoir à se plier à son cahier des charges, le syndicat l'a assignée, le 22 août 2013, afin qu'elle soit condamnée à cesser toute pratique portant atteinte à l'AOP « Morbier » et à indemniser son préjudice.

5. La société Fromagère a demandé reconventionnellement des dommages-intérêts pour procédure abusive.

6. Par un arrêt du 19 juin 2019, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, et du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires.

7. La CJUE a répondu à la question préjudicielle par un arrêt du 17 décembre 2020, au syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C-490/19).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, sixième, septième et huitième branches, ci-après annexé


8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

9. Le syndicat fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes, alors :

« 1°/ que le décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Morbier" n'avait reconnu aux entreprises non situées dans l'aire de l'appellation que le droit de "continuer à utiliser ce nom dans les conditions actuelles" ; que la cour d'appel a relevé que la société Fromagère du Livradois avait déposé aux Etats-Unis en octobre 2001 puis utilisé, postérieurement à ce décret, une nouvelle marque comportant le nom "Morbier" ; qu'il s'en évinçait que, loin de continuer à utiliser le nom Morbier "dans les conditions actuelles", la société Fromagère du Livradois avait entrepris de développer son utilisation du nom "Morbier" à compter de 2001, de sorte qu'en jugeant pourtant que cette société n'avait commis aucune faute en déposant la marque en 2001 et en l'exploitant par la suite, la cour d'appel a violé l'article 8 du décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Morbier", alors applicable ;

2°/ qu'une appellation d'origine est protégée contre toute évocation par un signe concurrent, peu important que ce signe concurrent soit ou non exploité ; qu'en jugeant que le renouvellement de la marque "Morbier du Haut Livradois" en 2008 n'était pas fautif, pas plus que le maintien de cette marque jusqu'à sa radiation en 2013, dès lors que la société Fromagère du Livradois soutenait qu'elle n'avait plus exploité cette marque à compter de 2007, la cour d'appel a violé l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012. »

Réponse de la Cour

10. D'une part, la cour d'appel ayant retenu que les faits postérieurs au 22 août 2008 n'étaient pas prescrits, ce dont il résulte que l'action en responsabilité à raison des fautes commises par la société Fromagère en déposant en octobre 2001, aux Etats-Unis, la marque « Morbier du Haut-Livradois » et en l'exploitant jusqu'en 2007, était prescrite, le moyen est sans portée.

11. D'autre part, l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 puis l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 octroyant aux AOP une protection dans les seuls Etats membres, le moyen qui allègue une atteinte à l'AOP « Morbier » commise hors du territoire de l'Union européenne par le seul renouvellement d'une marque américaine, sans risque d'évocation dans l'esprit du consommateur européen, est sans portée.

12. En conséquence, le moyen ne peut être accueilli.

Mais sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

13. Le syndicat fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 4°/ qu'une appellation d'origine est protégée contre toute pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ; qu'en jugeant pourtant que seule l'utilisation de la dénomination de l'appellation d'origine protégée est interdite, la cour d'appel a violé l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

5°/ qu'une appellation d'origine est protégée contre toute pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ; qu'en se bornant dès lors à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissement réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage "Montboissié" commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le "Morbier", sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les pratiques de la société Fromagère du Livradois (copie de la "raie cendrée" caractéristique du Morbier et des autres propriétés du fromage, en particulier) n'étaient pas susceptibles d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 du règlement n° 510/2006 du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, et du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires :

14. Aux termes de ces textes, « Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute :

a) utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l'enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée ;

b) usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", ou d'une expression similaire ;

c) autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine ;

d) autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. »

15. Répondant à la question préjudicielle précitée, la CJUE, après avoir souligné que les AOP sont protégées en tant qu'elles désignent un produit qui présente certaines qualités ou certaines caractéristiques et que l'AOP et le produit couvert par celle-ci sont intimement liés (point 37), a dit pour droit :

« Les articles 13, paragraphe 1, respectifs du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, et du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'interdisent pas uniquement l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée.

Les articles 13, paragraphe 1, sous d), respectifs des règlements n° 510/2006 et 1151/2012 doivent être interprétés en ce sens qu'ils interdisent la reproduction de la forme ou de l'apparence caractérisant un produit couvert par une dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est susceptible d'amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par cette dénomination enregistrée. Il y a lieu d'apprécier si ladite reproduction peut induire le consommateur européen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en erreur, en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l'espèce. »

16. Pour rejeter les demandes du syndicat, l'arrêt énonce que la réglementation sur les AOP ne vise pas à protéger l'apparence d'un produit ou ses caractéristiques décrites dans le cahier des charges, mais sa dénomination, de sorte qu'elle n'interdit pas la fabrication d'un produit selon les mêmes techniques que celles définies dans les normes applicables à l'indication géographique et qu'en l'absence de droit privatif, la reprise de l'apparence d'un produit n'est pas fautive mais relève de la liberté du commerce et de la libre concurrence. Il constate que les caractéristiques invoquées par le syndicat relèvent d'une tradition historique et ont été mises en oeuvre par la société Fromagère en 1979, avant même l'obtention de l'AOP « Morbier », et qu'elles ne reposent pas sur des caractéristiques que le syndicat ou ses membres auraient réalisées. Il relève en outre que le trait bleu horizontal est une technique ancestrale qui se retrouve dans d'autres fromages. Il retient que les deux fromages ne sauraient être assimilés par la caractéristique du charbon végétal puisque depuis plusieurs années la société Fromagère l'a remplacé par du polyphénol de raisin et qu'il existe d'autres différences notamment en ce que le Montboissié utilise du lait pasteurisé et le Morbier du lait cru, caractéristique essentielle dès lors que le public auquel est destiné le Montboissié est celui des cantines et des hôpitaux. Il en déduit que le syndicat tente d'étendre la protection dont bénéficie la dénomination « Morbier » dans un intérêt commercial illégitime et contraire au principe de la libre concurrence.

17. En se déterminant ainsi, alors qu'une AOP n'est pas protégée uniquement contre l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée mais aussi contre la reproduction de la forme ou de l'apparence caractérisant le produit couvert par la dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est susceptible d'amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par l'AOP, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le trait bleu horizontal ne constituait pas une caractéristique de référence et particulièrement distinctive du fromage « Morbier » et, dans l'affirmative, si sa reproduction, combinée avec tous les facteurs pertinents de l'espèce, n'était pas susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit commercialisé sous la dénomination « Montboissié », a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

18. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Fromagère une certaine somme pour procédure abusive, alors « que ne peut pas être condamné pour procédure abusive le justiciable dont la demande devait être accueillie par les juges ; que le précédent moyen a démontré que les demandes du syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier avaient été rejetées à tort ; que dès lors, la cassation à intervenir sur le fondement du premier justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

19. Selon ce texte, la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

20. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt relatif à la procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il annule les trois procès-verbaux réalisés le 5 mars 2013 à [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4] par huissier de justice dans le cadre d'ordonnances sur requête obtenues sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Fromagère du Livradois aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fromagère du Livradois et la condamne à payer au syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier de l'intégralité de ses demandes et d'AVOIR condamné ce syndicat sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le dépôt la marque américaine Morbier du Haut Livradois par la société Fromagère du Livradois, le Syndicat invoque la protection de l'AOP Morbier dans des pays ou à destination de pays hors de l'Union européenne et fait valoir que la société Fromagère du Livradois a utilisé sa marque américaine Morbier pour contourner l'interdiction résultant de la reconnaissance de l'AOC puis de l'AOP ; que la société Fromagère du Livradois réplique qu'elle n'a commis aucune faute en déposant la marque Morbier du Haut Livradois aux Etats Unis car à la date du dépôt le 5 octobre 2001 elle était légitime à y procéder pour protéger son produit ; que le Syndicat invoque la Convention d'Union de Paris du 10 mai 1883 et l'article 22 de l'Accord ADPIC du 15 avril 1994 sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce international, l'article 22 de cet accord définissant les indications géographiques qui servent à identifier un produit comme originaire d'un pays, d'une région ou d'une localité, permettent de poursuivre « dans les cas où une qualité, réputation ou caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique » ; que la société Fromagère du Livradois oppose à l'invocation de l'accord ADPIC que le paragraphe 5 de son article 24 dispose au profit du titulaire d'une marque « déposée ou enregistrée de bonne foi » avant que l'indication géographique soit protégée, que les mesures adoptées pour mettre en oeuvre la section « Indications géographiques » dont fait partie cet article « ne préjugeront pas […] le droit de faire usage d'une marque de fabrique ou de commerce, au motif que cette marque est identique ou similaire à une indication géographique » ; que s'il n'est pas contestable que, lorsque la société Fromagère du Livradois a procédé au dépôt de la marque Morbier en octobre 2001, elle n'ignorait pas que, par décret du 22 décembre 2000, le morbier avait bénéficié d'une appellation d'origine contrôlée (AOC) définissant la zone géographique de référence (article 2) et les conditions nécessaires pour prétendre à l'appellation d'origine, toutefois, à la date du dépôt de sa marque aux Etats Unis, d'une part, des recours avaient alors été engagés à l'encontre de ce décret, d'autre part, il avait été prévu pour les entreprises comme la société Fromagère du Livradois, qui fabriquaient et commercialisaient le « Morbier », une période de transition de cinq ans suivant la publication de l'enregistrement de l'appellation d'origine « Morbier » à titre d'AOP par la commission des communautés européennes, ce qui leur permettait de continuer à utiliser cette appellation pendant une période relativement longue ; qu'en conséquence, il ne saurait être reproché à la société Fromagère du Livradois d'avoir agi de mauvaise foi puisqu'elle n'a fait qu'user de ce qui était encore son droit au moment du dépôt et de l'avoir utilisé pour les besoins de son exploitation y ayant été autorisée au moins jusqu'en 2007 ; que la société Fromagère du Livradois ne conteste toutefois pas avoir bénéficié des droits attachés au dépôt de sa marque jusqu'en 2013 pour l'avoir renouvelée en 2008 pour dix ans ; que dès lors, quand bien même elle a fait procéder à sa radiation en 2013, elle a bénéficié des droits attachés au dépôt de la marque de 2007 à 2013 alors qu'elle ne pouvait plus y prétendre ; que pour autant, ce seul renouvellement ne saurait être assimilé au dépôt qui fait naître des droits et il ne saurait être fautif que s'il s'accompagne d'actes entrainant une confusion avec l'AOPC ce que la société Fromagère du Livradois conteste puisqu'elle affirme avoir cessé toute exploitation de la marque Morbier à compter de 2007 ; qu'il appartient au syndicat de faire la démonstration des actes permettant une incrimination ; sur la prescription, que la société Fromagère du Livradois demande à la cour de constater la prescription des demandes du syndicat visant à faire constater que le dépôt de la marque aux Etats Unis et son maintien serait fautifs dès lors que ce dépôt a été enregistré en 2001 ; que le syndicat ne demande pas à la cour de prononcer l'annulation du dépôt de la marque et conséquemment de son maintien ce qui ne serait pas de sa compétence, mais de déclarer fautif et le dépôt de la marque et son maintien en ce qu'il en résulte selon lui une imitation du fromage AOP Morbier qui se s'est poursuivie jusqu'en 2013 ; que dès lors qu'il s'agit de sanctionner des agissements fautifs il n'y a pas lieu de se placer à la date du dépôt de la marque américaine Morbier mais à celle de l'assignation soit le 22 août 2013 ; que le délai de prescription étant de 5 ans, les faits postérieurs au 22 août 2008 ne sont pas prescrits ; qu'en conséquence il y a lieu de débouter la société Fromagère du Livradois de sa demande tendant à voir constater l'irrecevabilité du Syndicat sur le fondement de la prescription pour les faits postérieurs au 22 août 2008 ; sur les agissements allégués, que le Syndicat prétend qu'est fautif pour un opérateur français le fait de déposer hors des Etats membres de l'Union européenne une marque contrefaisant une AOP ; que pour autant, comme il a été vu, le dépôt de la marque aux Etats Unis ne constitue pas un dépôt contrefaisant une marque puisque la société Fromagère du Livradois était alors fondée à préserver ses droits sur la commercialisation d'un fromage sous cette marque ; que le seul maintien de la marque ne saurait caractériser un acte fautif à défaut d'une preuve de son utilisation, preuve que le Syndicat prétend rapporter ; sur la preuve des agissements fautifs allégués, que le Syndicat prétend rapporter la preuve du maintien jusqu'au 30 août 2013 de la marque américaine « Morbier du Haut Livradois », exposant que toute personne dans le monde qui fait une recherche sur Google à partir du mot Morbier est invitée à consulter des sites vantant la marque et le fromage commercialisé sous ce signe et que la société Fromagère du Livradois utilise ou transpose cette marque figurative pour deux fromages présentés comme morbier, l'un étant son « Morbier du haut Livradois », l'autre son « Montboissié du haut Livradois » ; que la société Fromagère du Livradois fait valoir que les documents produits par le syndicat ne sont pas probants car certains ne sont pas datés et, s'ils le sont, ils se rapportent à la période transitoire ; qu'il ne peut être contesté que la datation des éléments de preuve est indispensable en l'espèce puisque la société Fromagère du Livradois était fondée à utiliser l'appellation Morbier jusqu'au 11 juillet 2007 et où des tiers commercialisant son fromage ont pu mettre en ligne avant cette date des informations avec l'appellation Morbier ; que le Syndicat a produit un constat dressé le 17 septembre 2015, affirmant qu'il en résulte la démonstration que la société Fromagère du Livradois continue à usurper l'AOP Morbier, créant une confusion entre ses produits et ceux protégés par l'AOP et à se mettre dans son sillage ; que si le procès-verbal relève que des annonces font état de ce que Morbier n'est qu'une partie du nom entier « Morbier du Haut Livradois » ou accès à « Morbier au lait cru du Haut Livradois » ou accès à « Morbier au lait cru du Haut Livradois, fameux par sa ligne cendrée » ou fromage « Morbier du Livradois » ou que le Montboissé est « une version pasteurisée du Morbier », aucune des pages ne correspond au site la société Fromagère du Livradois mais figurent sur des sites tiers, la société Fromagère du Livradois affirmant que ces pages ont été mises en ligne avant le 11 juillet 2007 et qu'elles n'ont pas fait l'objet de mises à jour ; qu'elle fait ainsi observer que la dénomination sociale de la société Salaipro, qui apparaît, été modifiée en 2006 pour devenir « fromagers en Bourgogne » ce qui démontre que les informations sur ce site sont antérieures à cette date ; qu'elle ajoute que ne sont pas reproduites les pages de résultats par le mot clé morbier qui auraient permis de constater que celui-ci ne comportait que des fromages AOP morbier ; qu'en conséquence l'analyse des copies d'écran par la société Fromagère du Livradois est suffisante pour renseigner la cour sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction comme demandée par le Syndicat ; que celui-ci produit également à l'appui de ses affirmations des images de fromages sauf à observer qu'elles ne sont pas datées ; que la société Fromagère du Livradois fournit une attestation de son distributeur exclusif à l'étranger qui indique « Depuis 2007 nous commercialisons sur ces différentes destinations un fromage fabriqué par la société Fromagère du Livradois : tome au lait de vache à pâte pressée non cuite, ronde, disponible sous format 4 et 6kg et avec un process de lait pasteurisé ou de lait thermisé et une raie de cendre au milieu appelé Montboissié » ; que le commissaire aux comptes de la société Fromagère du Livradois atteste de « l'absence de ventes effectuées sous la désignation Morbier depuis 2007 et sur tout l'exercice 2007/2008 » ; que force est de constater que la complexité de la situation juridique a pu créer une certaine confusion auprès de quelques opérateurs, le Syndicat n'ayant pas cru en dépit de la mission qui est la sienne leur adresser la moindre mise en demeure ; qu'enfin, si la société Fromagère du Livradois a pendant la période transitoire choisi d'adopter le terme Montboissié tout en gardant les termes du haut Livradois et la typographie gothique de sa présentation, il y a lieu de relever que, le terme local Haut Livradois correspond à sa raison sociale et au lieu où sont produits ses fromages et la typographie est celle sous laquelle elle commercialisait déjà différents produits, de sorte que ces éléments font partie de l'identité sous laquelle elle était connue de sa clientèle ; qu'il n'est pas démontré que pendant la période transitoire elle a exploité de façon simultanée et associée les termes Morbier et Montboissié afin de créer une confusion ; que le Syndicat soutient que ses pièces 2 à 5, 12 à 16 et 21 à 23 sont récentes sans pour autant en préciser la date, ni justifier de cette affirmation ; que, s'il indique que le site internet de la société Fromagère du Livradois n'était pas tel que le montre une capture d'écran réalisée en 2012 et que le fromage « Monboissié » était dans la rubrique « fromage d'appellation d'origine contrôlée », il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il invoque un étiquetage sur un fromage vendu à la fin de l'année 2013 dans l'Intermarché de [Localité 5] sous l'appellation « Morbier lait pasteurisé » ; que toutefois, la société Fromagère du Livradois expose qu'elle n'a pas fourni ce magasin et produit une attestation de son directeur faisant état d'une erreur d'étiquetage par son personnel ; que dans ses conclusions d'appel le syndicat se prévaut d'une autre étiquette, au demeurant peu lisible, sans préciser son origine de sorte qu'elle ne sera pas retenue comme élément de preuve ; que le Syndicat produit enfin des menus de cantines des écoles de [Localité 6], [Localité 7] et du Centre de loisirs de [Localité 8] ; que force est de constater que ceux-ci n'ont pas été établis par la société Fromagère du Livradois alors que les catalogues et les fiches produits versés aux débats ne présentent ses fromages que sous la dénomination Montboissié ; que dès lors le syndicat ne rapporte aucun élément de preuve démontrant que la société Fromagère du Livradois aurait fait une présentation trompeuse alors que ses emballages indiquent clairement « Montboissié du haut Livradois » et que sa raison sociale comporte le toponyme de Livradois et précise que le fromage est fabriqué en Auvergne ; qu'enfin, elle indique sur ses factures et bons de livraison : « important : le Montboissié ne peut être vendu et facturé que sous la dénomination Montboissié » ; sur l'atteinte alléguée à la marque Morbier par le dépôt de la marque Montboissié et l'usage du signe « Montboissié Haut Livradois », que le Syndicat prétend que la marque Montboissié enregistré à l'INPI par la société Fromagère du Livradois pour les produits de la classe 29 porte atteinte à l'AOP Morbier ; que la société Fromagère du Livradois fait valoir que le Syndicat est irrecevable à former la moindre demande à l'encontre du dépôt de la marque intervenu le 5 novembre 2004 ; que la publication de la demande d'enregistrement de cette marque est intervenue le 10 décembre 2004 ; qu'or la demande de retrait de la marque Montboissier a été formée par le syndicat dans ses conclusions du 22 août 2013 soit 8 ans après son dépôt et 7 ans après son enregistrement ; que l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article L. 711-4 ; toutefois son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a été toléré l'usage pendant cinq ans » ; qu'il ne saurait être contesté que le Syndicat regroupe des entreprises titulaires de l'AOP et qu'il a vocation à défendre leurs droits et à agir pour voir interdire l'utilisation d'une marque portant atteinte à la marque AOP de ses adhérents ; qu'il y a lieu de rechercher s'il y a atteinte à la marque Morbier en comparant tout d'abord les signes en présence ; que les signes en cause, Montboissié et Montboissié Haut Livradois sont visuellement différents du signe Morbier, dans leur longueur ; qu'ils sont présentés sous une forme semi-figurative utilisant une typographie de style gothique avec des ornements et forme géométriques organisés afin de former un blason ; que phonétiquement ils différent par le nombre de syllabes ; que conceptuellement Montboissié est le nom d'un village, situé à quelques kilomètres du siège social de la société Fromagère du Livradois et où son dirigeant a des attaches familiales ; que la construction grammaticale de ce nom composé de Mont et boissié rappelle le Moyen-Age ; qu'il n'existe en conséquence aucune ressemblance entre les deux noms de sorte qu'aucune confusion ne peut en résulter pour le consommateur ; que le Syndicat reproche à la société Fromagère du Livradois d'avoir commercialisé un fromage qui, même s'il n'utilise pas l'appellation Morbier, s'apparente à celui-ci ; que la réglementation sur les AOP ne vise pas à protéger l'apparence d'un produit ou ses caractéristiques décrites dans son cahier des charges mais sa dénomination de sorte qu'elle n'interdit pas la fabrication d'un produit selon les mêmes techniques que celles définies dans les normes applicables à l'indication géographique ; qu'en l'absence de droit privatif, la reprise de l'apparence d'un produit n'est pas fautive mais relève de la liberté du commerce et de la libre concurrence ; que force est de constater que les caractéristiques invoquées par le Syndicat relèvent d'une tradition historique et avaient été mises en oeuvre par la société Fromagère du Livradois en 1979 avant même l'obtention de l'AOP et ne reposent pas sur des investissements que le syndicat ou ses membres auraient été réalisés ; qu'ainsi, le trait bleu horizontal est une technique ancestrale qui se retrouvent dans d'autres fromages ; que si le Syndicat prétend enfin que le Règlement UE 1129/2011 du 11 novembre 2011 sur les additifs a conféré aux seuls fromages d'AOP Morbier le droit d'utiliser du charbon végétal, celui-ci n'est entré en vigueur que 1er juin 2013 et que la société Fromagère du Livradois expose que depuis plusieurs années et afin de se conformer à la législation américaine, elle a remplacé le charbon végétal par du polyphénol de raisin de sorte que les deux fromages se sauraient être assimilés par cette caractéristique ; que la société Fromagère du Livradois fait valoir qu'il existe d'autres différences entre le Montboissié et le Morbier, notamment en ce que le premier utilise du lait pasteurisé et le second du lait cru, caractéristique essentielle puisque le public auquel est destiné le Montboissié est notamment celui des cantines et des hôpitaux ; qu'en ce qui concerne le site allemand Halbfester Scchnittkäse aus Frankreich mentionnant un fromage sous le nom « Montboissié (T. Morbier) », le Syndicat ne démontre pas qu'il est le fait de la société Fromagère du Livradois ; qu'en conséquence, il apparaît que les deux types de fromage sont distincts et que le Syndicat tente d'étendre la protection dont bénéficie la dénomination Morbier dans un intérêt commercial illégitime et contraire au principe de la libre concurrence,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la dénomination Morbier a été inscrite en tant qu'AOP de fromage au registre européen des appellations d'origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) par le règlement CE n° 1241/2002 du 10 juillet 2002 ; que l'AOC Morbier avait été reconnue par décret du 22 décembre 2000 ; que le syndicat a été reconnu en tant qu'organisme de défense et de gestion (ODG) pour l'appellation Morbier par décision du 18 juillet 2007 par l'INAO et est donc recevable à agir pour la défense de cette appellation ; que l'article 13 du règlement (UE) 1151/2012 du 21 novembre 2012 dispose : « 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; b) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ; d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit […] 3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l'utilisation illégale visée au paragraphe 1 d'appellations d'origine protégées ou d'indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire » ; que l'article L. 643-1 du code rural et de la pêche maritime dispose : « Le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation » ; que l'article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable en 2013, au jour de l'assignation stipule : « « Toute atteinte portée à une indication géographique engage la responsabilité civile de son auteur. Pour l'application du présent chapitre, on entend par "indication géographique" : a) Les appellations d'origine définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ; b) Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées prévues par la réglementation communautaire relative à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires […] » ; que le syndicat produit à l'appui des reproches qu'il formule à l'encontre de la société Fromagère du Livradois des captures d'écran (pièces n° 2, 3, 4, 5, 12, 13, 14, 15, 16 et 33) qui ne permettent aucune certitude quant à l'origine de ces impressions d'écrans ni quant à leur date, étant rappelé que la société Fromagère du Livradois était en droit d'utiliser l'appellation « Morbier » jusqu'au 11 juillet 2007 ; qu'en outre, il est avéré que certaines de ces captures d'écran proviennent de sites sans rapport avec la société Fromagère du Livradois (pièces n° 3, 4, 5, 13, 14, 15 et 16) ; que par ailleurs, le syndicat produit des « images » de fromages non datées (pièces n° 10, 11 et 28) qui n'apportent pas non plus la preuve des faits allégués ; qu'il produit également des menus de cantines qui n'émanent pas non plus de la société Fromagère du Livradois mais pour l'un de communes de [Localité 6] et [Localité 7] et pour l'autre d'un centre de loisir de Mehun sur Yèvre (pièces n° 21 et 22) ; que de même, les étiquettes d'Intermarché et de Carrefour (pièces n° 31 et 35) n'émanent pas non plus de la société Fromagère du Livradois ; que l'article du journal La Montagne produit (pièce n° 23) ne fait aucune référence au Morbier ; que le syndicat, sans doute conscient de l'insuffisance des pièces ci-dessus décrites a fait réaliser un constat d'huissier le 17 septembre 2015, soit plus de deux ans après son acte introductif d'instance ; qu'il s'agit de captures d'écran effectuées cette fois par huissier de justice ; que cependant, le tribunal constate à la lecture attentive de ce procès-verbal de constat qu'il n'apporte pas la preuve de l'utilisation du terme « Morbier » associé à la société défenderesse ; que le syndicat soutient en outre que le dépôt et le maintien d'une marque américaine « Morbier du Haut Livradois » porterait atteinte à l'appellation Morbier ; que la marque américaine querellée a été enregistrée par la société Fromagère du Livradois le 5 octobre 2001 sous le numéro 76321251 ; qu'il s'agit d'une marque semi-figurative se présentant comme suit […] ; que le dépôt de cette marque en 2001 n'était pas fautif ; que la société Fromagère du Livradois indique que si elle n'a pas expressément fait radier cette marque américaine à compter du 11 juillet 2007, elle n'en a plus fait usage à compter de cette date ; que le syndicat n'apporte aucun élément permettant de contrecarrer cette allégation de non-utilisation de la marque postérieurement au 11 juillet 2007 ou même au 22 août 2008, soit cinq ans avant l'assignation introductive d'instance ; que par ailleurs, il est avéré que depuis le 30 août 2013, soit antérieurement à l'acte introductif d'instance, la marque américaine n'était plus enregistrée, la société Fromagère du Livradois ayant expressément indiqué à son mandataire américain son souhait de ne pas renouveler l'enregistrement ; que le syndicat échoue dès lors à faire la preuve qui lui incombe d'un comportement fautif de la société Fromagère du Livradois ; qu'il sera débouté de toutes ses demandes,

1- ALORS QUE le décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Morbier » n'avait reconnu aux entreprises non situées dans l'aire de l'appellation que le droit de « continuer à utiliser ce nom dans les conditions actuelles » ; que la cour d'appel a relevé que la société Fromagère du Livradois avait déposé aux Etats-Unis en octobre 2001 puis utilisé, postérieurement à ce décret, une nouvelle marque comportant le nom « Morbier » ; qu'il s'en évinçait que, loin de continuer à utiliser le nom Morbier « dans les conditions actuelles », la société Fromagère du Livradois avait entrepris de développer son utilisation du nom « Morbier » à compter de 2001, de sorte qu'en jugeant pourtant que cette société n'avait commis aucune faute en déposant la marque en 2001 et en l'exploitant par la suite, la cour d'appel a violé l'article 8 du décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Morbier », alors applicable.

2- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute évocation par un signe concurrent, peu important que ce signe concurrent soit ou non exploité ; qu'en jugeant que le renouvellement de la marque « Morbier du Haut Livradois » en 2008 n'était pas fautif, pas plus que le maintien de cette marque jusqu'à sa radiation en 2013, dès lors que la société Fromagère du Livradois soutenait qu'elle n'avait plus exploité cette marque à compter de 2007, la cour d'appel a violé l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

3- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute évocation illicite que le défendeur pouvait empêcher ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs propres et adoptés, qu'il n'était pas démontré que l'utilisation fautive du nom « Morbier » après le 11 juillet 2007 soit imputable à la société Fromagère du Livradois, le syndicat n'ayant de son côté pas adressé la moindre mise en demeure auprès des opérateurs tiers ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Fromagère du Livradois n'avait pas omis de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'utilisation du nom « Morbier » par les tiers avec lesquels elle était en relations d'affaires, la seule indication portée sur ses factures selon laquelle son fromage devait être vendu sous l'appellation « Montboissié » étant à cet égard insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.


4- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ; qu'en jugeant pourtant que seule l'utilisation de la dénomination de l'appellation d'origine protégée est interdite, la cour d'appel a violé l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

5- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ; qu'en se bornant dès lors à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissement réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage « Montboissié » commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le « Morbier », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les pratiques de la société Fromagère du Livradois (copie de la « raie cendrée » caractéristique du Morbier et des autres propriétés du fromage, en particulier) n'étaient pas susceptibles d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 du règlement n° 510/2006 du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

6- ALORS QUE constitue un acte de concurrence déloyale le fait de commercialiser un produit qui crée un risque de confusion dans l'esprit du public avec un produit concurrent ; que le risque de confusion s'apprécie pour un consommateur d'attention moyenne qui ne dispose pas en même temps des produits litigieux sous les yeux, au regard de l'impression d'ensemble laissée par les produits litigieux, sans s'arrêter à leurs seules différences ; qu'en se bornant dès lors à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissement réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage « Montboissié » commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le « Morbier », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les ressemblances existantes (copie de la « raie cendrée » caractéristique du Morbier et des autres propriétés du fromage, en particulier) n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément sous les yeux les différents produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.


7- ALORS QU'en se bornant à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissements réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage « Montboissié » commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le « Morbier », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si indépendamment même d'un risque de confusion, ce fromage n'était pas de nature à évoquer, dans l'esprit du public concerné, le « Morbier » et, eu égard à sa moindre qualité, à porter atteinte à la réputation de cette appellation en l'affaiblissant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.

8- ALORS QU'en se bornant à relever que la société Fromagère du Livradois affirmait ne plus utiliser depuis plusieurs années le charbon végétal E153, réservé depuis le 1er juin 2013 aux seuls fromages de l'AOP Morbier, sans mieux caractériser la véracité de cette allégation qui était contestée par le syndicat, lequel produisait (cf. prod. 4) des pièces faisant état de l'utilisation de charbon végétal E153 par la société Fromagère du Livradois jusqu'en 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier à payer à la société Fromagère du Livradois la somme de 10 000 € pour procédure abusive,

AUX MOTIFS QUE la société Fromagère du Livradois soutient que l'action du syndicat est abusive et qu'elle tend à son éradication au bénéfice des membres du syndicat ; qu'elle ajoute que celui-ci a procédé de manière non contradictoire à des mesures intrusives qui lui ont permis d'accéder à des informations stratégiques, au surplus, en présence d'un mandataire du syndicat ; que le syndicat a attendu le deuxième semestre 2013 pour engager une action à l'encontre de la société Fromagère du Livradois alors qu'elle commercialisait le Montboissié depuis 2007 ; qu'il a engagé cette action en dépit de trois constats démontrant l'inanité de ses griefs ; qu'il apparaît qu'il a agi avec une légèreté blâmable dans l'intention de nuire ; qu'en conséquence il sera alloué la somme de 10 000 € à la société Fromagère du Livradois,

1- ALORS QUE ne peut pas être condamné pour procédure abusive le justiciable dont la demande devait être accueillie par les juges ; que le précédent moyen a démontré que les demandes du syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier avaient été rejetées à tort ; que dès lors, la cassation à intervenir sur le fondement du premier justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

2- ALORS QUE pour condamner le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel s'est bornée à constater que le syndicat avait tardé à agir et qu'il avait agi malgré la teneur de trois constats prouvant l'inanité de ses griefs ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser l'existence d'un abus, par l'exposant, de son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.

3- ALORS QUE le juge d'appel ne peut se fonder que sur des pièces produites devant lui ; qu'en se fondant, pour condamner le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, sur la teneur des trois constats annulés par le premier juge et qui n'avaient pas été produits en cause d'appel, la cour d'appel a violé les articles 16 et 132 du code de procédure civile.

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