21 novembre 1949
Cour de cassation
Pourvoi n° 49-34.276

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

1) SOCIETE ANONYME - nullité - responsabilité - syndicat occulte préalable en vue de l'étude d'un procédé à exploiter - invention fictive - syndicataire ayant fait un rapport d'essai favorable - 2) societe anonyme - syndicataire - solidarité - 3) societe en participation - caractère occulte - révélation aux tiers - effets - responsabilité des associés

C'est à bon droit que les juges du fond retiennent la responsabilité d'un membre d'une "association en participation occulte" constituée en vue de la mise au point d'une découverte industrielle, qui sans compétence scientifique spéciale établit un acte unilatéral sous seing privé dans lequel il relatait une expérience favorable à laquelle il avait assisté et qui, lors de l'assemblée générale constitutive de la société anonyme succédant à l'association, s'abstient de protester lorsque le commissaire aux apports avait énoncé que "les essais avaient eu lieu devant témoins, sous tous les contrôles qu'ils ont jugés utiles", dès lors qu'en prêtant ainsi son concours, même de bonne foi, à l'inventeur, dont le procédé constituait une escroquerie, il était co-auteur du dommage résultant de la nullité de la société.

Texte de la décision

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué (Lyon, 21 juillet 1941), que X..., se disant ingénieur chimiste, Y... et Z... ont formé entre eux, en 1928, sous le nom de "Syndicat du Caoutchouc synthétique", une société qualifiée "association en participation occulte", en vue notamment de la mise au point d'un procédé de X... pour la fabrication synthétique du caoutchouc ; que les parts syndicales, de 1000 francs chacune, ont été attribuées à titre d'apport à X..., soit souscrites que le 16 août 1936 l'un des syndicataires, Alexis de la A..., a établi un acte unilatéral sous-seing privé, intitulé procès-verbal d'expérience de fabrication du caoutchouc synthétique X...", où il relatait un expérience favorable à laquelle il avait assisté ; que les membres du syndicat, dans leur assemblée générale du 25 octobre 1930, ont décidé la constitution d'une société anonyme pour l'exploitation des procédés X... et la fabrication du caoutchouc ; que l'article 6 des statuts de la société française du caoutchouc B (procédé X...), qui a été ainsi constituée, disposaient "que Y... et X..., agissant tant en leur nom personnel ou au nom du syndicat du caoutchouc synthétique, apportaient à la société les procédés X...", X... et Y... garantissant à la société qu'elle obtiendrait par l'application des procédés X... et en quantités industrielles, du caoutchouc de qualité au moins égale au caoutchouc naturel ;

qu'en 1941, la société s'est libérée envers le syndicat par l'attribution d'actions d'apport de parts de fondateur et par le versement de 500000 francs, sur lesquels 2400 francs ont été remis à chacune des 150 parts syndicales ;

Attendu qu'après le décès de X..., un arrêt correctionnel de la Cour d'Appel de Lyon, en date du 2 juillet 1936, devenu définitif, a qualifié d'escroquerie le procédé de X... et a condamné Y... et la veuve X... pour complicité d'escroquerie ; que le 5 juin 1938, la Cour d'Appel de Lyon a déclaré l'apport des procédés X... "fictif et sans valeur" d'où résultait la nullité de la société elle-même ; que B..., liquidateur de la société, a alors assigné les membres de l'ancien syndicat, leurs représentants ou leurs héritiers en remboursement des sommes dépensées inutilement pour réaliser l'objet social ;



Attendu que la Cour d'Appel relève que l'intention d'Alexis de la A... de mettre ses affirmations et son crédit au soutien de la prétendue invention et de l'apport de celle-ci en société s'induit de l'acte unilatéral qu'il a qualifié de procès-verbal, dans lequel il avait relaté ce qu'au cours des séances qu'il qualifiait "d'expériences", il avait vu ou cru voir, alors qu'il manquait de la compétence scientifique suffisante pour vérifier la sincérité d'une expérience importante ; que lorsque à l'assemblée générale constitutive de la société chargée de vérifier les apports, le Commissaire aux apports a énoncé que les essais avaient eu lieu "devant témoins, sous tous contrôles qu'ils ont jugés utiles", Alexis de la A... s'est abstenu de protester contre la portée ainsi attribuée à sa présence aux essais ;



Attendu que, de ces faits souverainement constatés, la Cour d'Appel a pu déduire qu'en prêtant, même de bonne foi, dans de telles circonstances, son concours à X..., Alexis de la A..., par impéritie et aveuglement, avait engagé sa responsabilité en application de l'article 1383 du Code Civil et a suffisamment marqué le lien de causalité entre cette faute et le préjudice en constatant que l'imprudence grave d'Alexis de la A... avait fait de lui un co-auteur du dommage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen additionnel :

Vu l'article 49 du Code de Commerce ;

Attendu qu'une association en participation révélée aux tiers devient une société de fait dans laquelle la responsabilité de chacun des associés envers les tiers est illimitée, si les tiers n'ont pas vu que le pacte social avait limité la responsabilité des associés à leurs apports ;

Attendu qu'après avoir constaté que le syndicat a été révélé aux actionnaires sous la raison sociale de "Syndicat du caoutchouc synthétique", la Cour d'Appel, se fondant sur les articles 21 à 30 du Code de Commerce, en déduit qu'une telle raison sociale sans nom d'associé et désignant l'objet de l'entreprise, révélait une société de capitaux dans laquelle chaque associé n'est tenu en principe qu'à concurrence de sa mise ;

Mais attendu que, si aux termes de l'article 21 du Code de Commerce, les noms des associés en nom collectif peuvent seuls faire partie de la raison sociale, les membres de l'association en participation devenue société de fait par sa divulgation, ne pouvaient limiter leur responsabilité envers les tiers à l'apport de chacun d'eux en s'abstenant seulement de constituer une raison sociale où leurs noms seraient indiqués ;

D'où il suit que la Cour d'Appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Lyon, le 21 juillet 1941, et les renvoie devant la Cour d'Appel de Dijon.

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