4 octobre 2005
Cour de cassation
Pourvoi n° 04-12.610

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - liquidation judiciaire - effets - dessaisissement du débiteur - cas - actes juridiques - acte d'administration d'un époux sur un immeuble commun - communaute entre epoux - administration - pouvoirs de chacun des époux - pouvoir d'administrer seul les biens communs - etendue - limites - gestion par le liquidateur judiciaire d'un époux - portée - passif - dettes contractées par l'un des époux - poursuite sur les biens communs - liquidation judiciaire de l'époux débiteur - gestion par le liquidateur judiciaire

Il résulte de la combinaison des articles 1413 du Code civil et L. 622-9 du Code de commerce qu'en cas de liquidation judiciaire d'un débiteur marié sous le régime de la communauté, les biens communs inclus dans l'actif de la procédure collective sont administrés par le seul liquidateur qui exerce pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur dessaisi concernant son patrimoine ; en conséquence, les pouvoirs de gestion des biens communs normalement dévolus au conjoint maître de ses biens en vertu des articles 1421 et suivants du Code civil ne peuvent plus s'exercer. Dès lors, justifie légalement sa décision la cour d'appel qui retient que le conjoint maître de ses biens n'avait pas davantage pouvoir que le débiteur en liquidation judiciaire pour consentir en son seul nom un bail, fût-il précaire, sur un immeuble de la communauté.

Texte de la décision

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 6 janvier 2004), que M. X... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 14 mars et 21 novembre 2000 ; que, par acte sous seing privé du 30 janvier 2002, Mme Y..., son épouse commune en biens, a consenti un bail précaire d'un an expressément exclu du champ d'application du décret du 30 septembre 1953 sur un bâtiment et un terrain dépendant de la communauté à la société CG du chemin bas des Charonnes (société CG) ; que le 14 novembre 2002, le liquidateur judiciaire de M. X... a assigné Mme X... et la société CG en nullité du bail et en expulsion de la société CG ; que par jugement du 4 mars 2003, le tribunal de commerce a rejeté l'exception d'incompétence au profit du tribunal d'instance soulevée par Mme X... et la société CG et a déclaré "nul et inopposable" à la liquidation judiciaire de M. X... le bail précité et ordonné l'expulsion de la société CG ; que la cour d'appel a confirmé le jugement ;


Sur le premier moyen, pris en sa première branche :


Attendu que Mme X... et la société CG font grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le conjoint maître de ses biens d'un artisan en liquidation judiciaire relativement à la conclusion d'un bail précaire consenti sur un immeuble commun au profit d'un locataire, alors, selon le moyen, que le tribunal de la liquidation judiciaire ne peut connaître de la demande en nullité du bail consenti par l'épouse in bonis du débiteur ; que la cour d'appel qui a décidé que le tribunal de la liquidation judiciaire de M. X... était compétent pour connaître de la demande présentée par le liquidateur, M. Z..., en nullité ou inopposabilité du bail consenti par Mme X... à la société CG sans même rechercher si une telle demande était en lien direct avec la procédure collective en cours, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 ;


Mais attendu que l'action exercée par le liquidateur visant à voir déclarer le bail inopposable à la procédure collective se fondait sur les dispositions de l'article L. 622-9 du Code de commerce en invoquant l'extension du dessaisissement du débiteur à l'ensemble des biens de la communauté conjugale, de sorte que la cour d'appel a retenu à bon droit la compétence du tribunal de la procédure collective pour connaître de cette action née de la liquidation judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;


Et sur le second moyen :


Attendu que Mme X... et la société CG font grief à l'arrêt d'avoir "annulé et déclaré inopposable" à la liquidation judiciaire d'un débiteur le bail précaire, consenti par le conjoint maître de ses biens du débiteur à un tiers, alors selon le moyen :


1 / que le conjoint maître de ses biens d'un débiteur en liquidation judiciaire n'est pas dessaisie de l'administration de ses biens ;


que la cour d'appel, qui a pourtant décidé que Mme X... ne pouvait consentir de bail sur l'immeuble commun, a violé les articles 1421 du Code civil et L. 622-9 du Code de commerce ;


2 / qu'un époux a le pouvoir de consentir seul un bail précaire sur un immeuble à usage commercial, artisanal ou industriel dépendant de la communauté ; que la cour d'appel, qui a décidé que Mme X... n'avait pas le pouvoir de consentir seule un bail précaire sur un immeuble commun, même à usage industriel, artisanal ou commercial, a violé les articles 1421 et 1425 du Code civil ;


3 / que si un époux a outrepassé les pouvoirs dont il dispose pour gérer la communauté, seul l'autre époux peut demander la nullité de l'acte ainsi conclu sans son consentement ; que la cour d'appel, qui a admis que M. Z... pouvait demander la nullité du bail consenti par Mme X... seule, prétexte pris de ce qu'elle aurait outrepassé ses pouvoirs de gestion de la communauté, alors que seul M. X... pouvait demander une telle nullité, a violé l'article 1427 du Code civil ;


Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 1413 du Code civil et L. 622-9 du Code de commerce qu'en cas de liquidation judiciaire d'un débiteur marié sous le régime de la communauté, les biens communs inclus dans l'actif de la procédure collective sont administrés par le seul liquidateur qui exerce pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur dessaisi concernant son patrimoine ; qu'il s'ensuit que les pouvoirs de gestion des biens communs normalement dévolus au conjoint in bonis en vertu des articles 1421 et suivants du Code civil ne peuvent plus s'exercer ;


Attendu que la cour d'appel, qui a retenu que Mme X... n'avait pas davantage pouvoir que son mari en liquidation pour consentir en son seul nom un bail, fût-il précaire, sur un immeuble de la communauté, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :


Mais attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS


REJETTE le pourvoi ;


Condamne Mme X... et la société C.G. du Chemin Bas des Charonnes aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à M. Z..., ès qualités la somme globale de 2 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille cinq.

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