11 janvier 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 05-40.977

Chambre sociale

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - licenciement économique - définition - réorganisation de l'entreprise - origines économiques admises - nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise - applications diverses - prévention de difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques - modification du contrat de travail - difficultés économiques - caractérisation - moment - portée - licenciement - cause - cause réelle et sérieuse - motif économique

La réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. Justifie sa décision la cour d'appel qui retient qu'ont une cause économique réelle et sérieuse les licenciements consécutifs aux refus des salariés de la modification de leur contrat de travail fondée sur la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, après avoir retenu qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir anticipé des difficultés économiques prévisibles et mis à profit une situation financière saine pour adapter ses structures dans les meilleures conditions à l'évolution technologique de ses produits et de son environnement concurrentiel (arrêt n° 1). Doit, par contre, être cassé l'arrêt qui retient, dans la même situation, que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise n'est pas établie dès lors que sa survie n'est pas menacée et que sa situation est largement bénéficiaire (arrêt n° 2).

Texte de la décision

Sur le moyen unique :


Vu les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail ;


Attendu que la société Pages Jaunes, membre du groupe France Télécom, a mis en place, en novembre 2001, un projet de réorganisation commerciale, afin d'assurer la transition entre les produits traditionnels (annuaire papier et minitel) et ceux liés aux nouvelles technologies de l'information (internet, mobile, site) qu'elle jugeait indispensable à la sauvegarde de compétitivité de l'entreprise compte tenu des conséquences prévisibles de l'évolution technologique et de son environnement concurrentiel ; que le projet soumis au comité d'entreprise prévoyait la modification du contrat de travail des 930 conseillers commerciaux portant sur leur condition de rémunération et l'intégration de nouveaux produits dans leur portefeuille, la suppression de 9 postes et un objectif de création de 42 nouveaux emplois ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


Attendu que pour allouer au salarié une somme à ce titre, l'arrêt infirmatif, retient essentiellement que l'employeur ne peut prétendre que sa compétitivité était menacée au point de risquer la survie de l'entreprise alors qu'il est présenté, non pas une baisse du chiffre d'affaires, mais une modification de sa structure, qu'en 2003 sa situation était largement bénéficiaire, et qu'il résulte du plan de réorganisation commerciale qu'il avait pour objet d'améliorer l'activité de sites déficitaires, de développer la valeur moyenne de chacun des clients et de développer des offres publicitaires nouvelles à un rythme plus élevé, ce dont il résulte que cette réorganisation avait pour objet unique d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et de faire des bénéfices plus élevés, dans un contexte concurrentiel nullement menaçant ;


Attendu, cependant, que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, et que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; que la modification des contrats de travail résultant de cette réorganisation ont eux-mêmes une cause économique ;


Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le licenciement de M. X... avait une cause économique réelle et sérieuse la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et attendu qu'en application de l'article L. 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure en cassant sans renvoi de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à M. X... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société aux remboursements des indemnités de chômage éventuellement payées à celui-ci, l'arrêt rendu le 15 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;


DIT n'y avoir lieu à renvoi ;


Confirme le jugement rendu le 3 mai 2004 par le conseil de prud'hommes de Béziers ;


Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de M. X... ;


Condamne M. X... aux dépens du présent pourvoi ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille six.

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