18 janvier 2000
Cour de cassation
Pourvoi n° 98-44.745

Chambre sociale

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - employeur - discrimination entre salariés - avantages particuliers - attribution à certains salariés - condition - pouvoir de direction - engagement unilatéral

Si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé, et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables au moment des résultats.

Texte de la décision

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 98-44.745 à 98-44.753 ;


Sur le moyen unique commun aux pourvois :


Attendu qu'à la suite d'un concours, dit " challenge après vente ", organisé au cours de l'année 1996 par la société Renault et à l'issue duquel les salariés des deux équipes gagnantes ont reçu des lots sous forme de bons d'achat dans une grande surface, M. X... et huit autres salariés de la société ont saisi la juridiction prud'homale de demande en rappel de salaires correspondant au montant des gains perçus par les salariés de l'équipe gagnante ;


Attendu que l'employeur fait grief aux jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie, 15 juin 1998) de l'avoir condamné à payer aux salariés une somme à titre de " rappel de salaire année 1996, majorée des intérêts de retard à compter du 14 mai 1997 ", alors, selon le moyen, d'une part, que les règles visées par l'article L. 148-1 du Code du travail, selon lequel il est interdit à l'employeur d'annexer à son établissement un économat destiné à la vente, directe ou indirecte, aux salariés et à leurs familles de denrées ou marchandises de quelque nature que ce soit ou d'imposer à ses salariés l'obligation de dépenser tout ou partie de leur salaire dans des magasins désignés par lui, ont pour but d'interdire la dation en paiement c'est-à-dire la remise d'objets ou de marchandises pour payer un salaire stipulé en argent ; que dès lors, en se bornant à déclarer que l'attribution de chèques Auchan contrevenait aux dispositions de l'article L. 148-1 du Code du travail, sans rechercher si le caractère bénévole de cet avantage, qui n'a donc pas le caractère de salaire ou de complément de salaire, n'excluait pas l'application de cette règle, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article susvisé ; d'autre part, qu'en affirmant que les critères retenus pour le " challenge " n'avaient pas été préalablement définis de manière objective sans rechercher s'il ne résultait pas des déclarations de M. Y..., chef des services techniques, lors de l'enquête du 11 mars 1998, la mise en place de critères objectifs dont les résultats étaient contrôlés par les chefs d'équipe ou un service extérieur, pour la qualité et l'accueil client, le conseil de prud'hommes a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; enfin, qu'en affirmant que le système retenu avait rendu impossible une vérification par les salariés non-attributaires, sans répondre aux conclusions de la société Renault France automobiles selon lesquelles les salariés, qui n'avaient jamais contesté l'objectivité des résultats, n'avaient à aucun moment demandé un contrôle des résultats et des points distribués, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


Mais attendu que si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé, et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ;


Et attendu que le conseil de prud'hommes a constaté que les critères retenus par l'employeur dans l'organisation du concours donnant lieu à l'attribution aux équipes gagnantes de lots sous forme de bons d'achat, n'avaient pas été préalablement définis selon des normes objectives, ce qui rendait impossible une vérification par les salariés non-attributaires ; qu'il a, par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui se borne à remettre en cause dans ses autres branches les éléments de fait et de preuve constatés par les juges du fond, ne saurait être accueilli ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois.

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