5 septembre 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 05-87.407

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - arrêts - arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - moyen - recevabilité - dispositions définitives - moyen critiquant la qualification de délit non intentionnel donnée aux faits par la chambre de l'instruction (non) - cassation

Les parties civiles sont irrecevables à se plaindre de ce que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de mise en accusation du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ait ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire, dès lors que le tribunal saisi de la poursuite a le pouvoir de modifier les dispositions de l'arrêt, le dernier alinéa de l'article 469 du code de procédure pénale lui ouvrant la faculté de renvoyer le ministère public à se pourvoir s'il résulte des débats que les faits sont de nature à entraîner une peine criminelle pour avoir été commis de façon intentionnelle.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de Me Le PRADO et de Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;


Statuant sur les pourvois formés par :


- X... Floriane, agissant en qualité de représentante légale de ses filles mineures, Emilie et Lucie X...,


- X... Marie,


- X... Josette,


parties civiles,


contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LIMOGES, en date du 10 novembre 2005, qui, statuant sur l'appel d'une ordonnance de mise en accusation, a renvoyé Bernard Y... devant le tribunal correctionnel sous la prévention de vol, homicide involontaire suivi de délit de fuite et défaut de maîtrise ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;


Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;


Sur le moyen unique de cassation, commun aux demanderesses, pris de la violation des articles 222-7, 221-6 du code pénal, 574, 591 et 593 du code de procédure pénale ;


"en ce que l'arrêt attaqué, disqualifiant la poursuite des chefs de coups et blessures volontaires avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a requalifié les faits en homicide involontaire, ordonnant le renvoi de Bernard Y... devant la juridiction correctionnelle ;


"aux motifs que "l'incrimination de violences ayant entraîné la mort sans intention la donner, définie par l'article 222-7 du code pénal, nécessite de caractériser le caractère intentionnel de l'acte constitutif desdites violences ; que Bernard Y... a constamment indiqué ne pas avoir voulu percuter la victime, laquelle ne se trouvait pas, à son avis, sur sa trajectoire et n'avoir pas eu conscience d'avoir heurté un homme, ayant au contraire pensé que la victime avait lancé quelque chose en direction de son véhicule au moment du choc ; que les pièces de la procédure n'établissent pas que Bernard Y... ait fait le moindre écart de conduite pour heurter ou seulement prendre le risque de heurter Jean X... qu'il avait préalablement identifié lorsqu'il s'était fait dépasser et avec lequel il entretenait de bonnes relations de voisinage ; qu'en l'état de l'information, il n'est pas davantage démontré que Bernard Y... a cherché à impressionner Jean X... qui avait lui-même décidé de s'arrêter sur le bas-côté de la chaussée, de sortir de son véhicule et de chercher à arrêter celui que conduisait Bernard Y... alors qu'il faisait nuit ; que le fait d'avoir freiné puis de s'être arrêté après le choc, sur une route fréquentée et bordée d'habitations, ne correspond à l'état d'esprit d'un homme qui vient délibérément de commettre des violences ; qu'il apparaît, en revanche non contestable, que Bernard Y..., conduisant à une vitesse de l'ordre de 80 km/h un véhicule à remorque, avait vu la victime sur la route en temps utile pour prendre toute disposition afin de l'éviter, notamment en se déportant sur la gauche, manoeuvre rendue possible par l'absence de voiture, circulant en sens inverse ; qu'en ne déviant pas de sa trajectoire, il a commis une faute caractérisant le délit d'homicide involontaire ; que, de même, le délit de fuite s'évince du comportement de Bernard Y..., qui a arrêté son véhicule après le choc, et s'est gardé de se rendre auprès du véhicule Volvo en stationnement et de l'homme qu'il avait vu, avant le choc, debout aux côtés de celui-ci ; que sa volonté de ne pas être reconnu comme voleur de bois l'a incité à ne pas s'inquiéter des circonstances de l'accident de circulation dans lequel était impliqué son propre véhicule ; que, dans ces conditions, la mise en accusation de Bernard Y... des chefs de coups et blessures volontaires avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner, et du délit connexe de vol, doit être abandonnée, au profit d'une requalification des faits en homicide involontaire, avec délit de fuite, défaut de maîtrise, et vol ;




"alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'un acte de violence est intentionnel dès lors qu'il est exercé avec la conscience de son danger à l'égard des personnes, et avec la volonté cependant de le commettre ; qu'ainsi, en considérant que Bernard Y... n'aurait pas, de façon volontaire, percuté la victime, cependant qu'elle a, par ailleurs, mis en évidence le comportement imprudent de ce dernier, qui, après avoir aperçu Joseph X... sur le bas côté de la route et pris en considération, par-là même, le peu de distance séparant ce dernier de son véhicule 4x4, n'a pas cru devoir pour autant effectuer de manoeuvre d'évitement en se déportant, comme il en avait la possibilité, sur la voie de gauche, ce dont il se déduisait nécessairement que le prévenu a ainsi délibérément choisi de ne pas modifier sa trajectoire, en dépit des risques que cela entraînait pour la victime, circonstance caractérisant la conscience qu'il avait du danger et sa volonté néanmoins de maintenir sa trajectoire initiale, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction" ;


Attendu que le moyen se borne à critiquer les énonciations de l'arrêt relatives aux charges que la chambre de l'instruction a retenues et à la qualification qu'elle a donnée aux faits poursuivis ; que ces énonciations ne présentent aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n'aurait pas le pouvoir de modifier, dès lors que celui-ci tient du dernier alinéa de l'article 469 du code de procédure pénale la faculté de renvoyer le ministère public à se pourvoir s'il résulte des débats que les faits sont de nature à entraîner une peine criminelle parce qu'ils ont été commis de façon intentionnelle ; qu'il s'ensuit qu'un tel moyen est irrecevable en application de l'article 574 du même code ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;


DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;


Greffier de chambre : Mme Krawiec ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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