8 juillet 1997
Cour de cassation
Pourvoi n° 96-84.306

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

RESTITUTION - juridictions d'instruction - ordonnance statuant sur une demande de restitution - recours - qualité pour agir

Le tiers saisi, à qui l'ordonnance de restitution est susceptible de faire grief, est une partie intéressée au sens de l'article 99, alinéa 5, du Code de procédure pénale, et a, dès lors, qualité pour déférer à la chambre d'accusation la décision du juge d'instruction ayant prononcé sur une demande de restitution portant sur des fonds dont il est détenteur. (1).

Texte de la décision

CASSATION statuant sur le pourvoi formé par :

- le Crédit commercial de France, le Crédit commercial de France, Banque Privée Internationale, tiers intervenants,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 19 juin 1996, qui a déclaré irrecevable leur appel d'une ordonnance de restitution.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 99, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué, statuant en matière de restitution d'objets placés sous main de justice, a déclaré irrecevable la requête en forme d'appel des demandeurs à l'encontre de l'ordonnance du 19 janvier 1996 ayant ordonné que la somme de 639 400, 27 francs soit restituée par le Crédit commercial de France à la société Simmonds ;

" aux motifs que " CCF/ CCF-BPI avait reçu un faux ordre de virement daté du 4 août 1995, émanant de la société Simmonds, destiné à un compte inexistant d'une société Y... NN située à Paris 8e, que le Crédit commercial de France avait reçu dès le 17 août 1995 une télécopie l'avisant de ce faux et demandant la restitution de la somme correspondante ; que, par lettre du 23 août 1995, CCF/ CCF-BPI reconnaissait le bien-fondé de la demande de restitution émanant de la partie civile, qu'elle se retranchait, cependant, pour ne pas y donner suite, derrière un argument inopérant, le blocage cinq jours plus tard, par réquisition judiciaire adressée au Crédit commercial de France, d'un compte ouvert au nom de X... Hélène, épouse Y..., domiciliée à Libreville (Gabon), utilisant à dessein le terme générique de Compte Y... ; que l'instance en restitution n'avait pas pour but de statuer sur la propriété de la somme mais de remettre le compte de la société Simmonds dans l'état antérieur à la prétendue mise sous main de justice utilisée par les requérants ; que le magistrat instructeur, saisi de la même procédure, des plaintes des sociétés Spagny et Simmonds, par son ordonnance du 19 janvier 1996, n'a fait que lever l'obstacle utilisé depuis le début par les requérants, le blocage par réquisition judiciaire d'un compte Y... ; que les requérants ne répondent pas, en l'espèce, à la définition de partie intéressée à la restitution selon définition de l'article 99 du Code de procédure pénale ;

" alors, d'une part, que la restitution de fonds qui se trouvent sur un compte bloqué ne peut être ordonnée qu'à l'encontre du détenteur des fonds ; qu'en l'espèce, les demandeurs faisaient valoir dans un chef péremptoire de leur requête que l'ordonnance du juge d'instruction en date du 19 janvier 1996 visait le Crédit commercial de France et lui ordonnait de restituer la somme de 639 400, 27 francs à la société Simmonds cependant qu'aucun compte n'avait jamais été ouvert dans ses livres au nom de Hélène Y... et que le litige ne concernait qu'un compte Y... ouvert au Crédit commercial de France, Banque Privée Internationale, filiale du Crédit commercial de France, dotée à ce titre d'une personnalité juridique autonome ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de la requête dont il ressortait que l'ordonnance du juge d'instruction était dépourvue de toute portée et radicalement insusceptible d'exécution à l'encontre du Crédit commercial de France, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" alors, d'autre part, que le seul fait qu'une personne ait intérêt à s'opposer à la restitution, par le juge d'instruction, d'un objet placé sous main de justice, la rend recevable à déférer à la chambre d'accusation l'ordonnance de restitution ; qu'en affirmant de façon péremptoire, pour déclarer la requête irrecevable, que les requérants ne répondaient pas à la définition de partie intéressée à la restitution selon la définition de l'article 99 du Code de procédure pénale sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, si en sa qualité de tiers détenteur des fonds et dépositaire, le Crédit commercial de France Banque Privée Internationale n'était pas nécessairement intéressé à la restitution dès lors qu'il avait connaissance d'une contestation sérieuse sur le droit invoqué par la société Simmonds, la chambre d'accusation a privé sa décision de toute base légale ;

" alors, enfin, que la restitution des objets placés sous main de justice ne peut être autorisée que si la demande ne s'appuie pas sur un droit sérieusement contesté, l'absence de contestation sérieuse sur le droit invoqué étant une condition de cette restitution ; qu'en se bornant à énoncer que l'instance en restitution n'avait pas pour but de statuer sur la propriété de la somme mais de remettre le compte de la société Simmonds, dans l'état antérieur à la prétendue mise sous main de justice utilisée par les requérants et que le magistrat instructeur, saisi dans la même procédure des plaintes des sociétés Spagny et Simmonds, n'a fait que lever l'obstacle utilisé depuis le début par les demandeurs, le blocage par réquisition judiciaire d'un compte Y... sans rechercher si le droit invoqué par la société Simmonds n'était pas sérieusement contesté, comme elle y était requise par les demandeurs qui faisaient observer que la saisie conservatoire pratiquée par la société Spagny sur la base d'une ordonnance du juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Paris et convertie en saisie attribution notifiée au Crédit commercial de France, Banque Privée internationale, le 15 mai 1996 constituait une contestation sérieuse sur la propriété des fonds, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, selon l'article 99, alinéa 5, du Code de procédure pénale, l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction statue sur une demande de restitution peut être déférée à la chambre d'accusation à la requête de toute partie intéressée ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel formé par le Crédit commercial de France et le Crédit commercial de France Banque Privée Internationale, contre l'ordonnance du juge d'instruction ayant enjoint au premier de restituer des fonds saisis, déposés sur un compte ouvert dans le second de ces établissements bancaires, l'arrêt attaqué énonce que " les requérants ne répondent pas, en l'espèce, à la définition de partie intéressée à la restitution selon la définition de l'article 99 du Code de procédure pénale " ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le tiers saisi, à qui la décision entreprise est susceptible de faire grief, est une partie intéressée à la restitution, au sens de l'article précité, les juges ont méconnu le sens et la portée des textes et principe ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris en date du 19 juin 1996, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.

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