12 juillet 1994
Cour de cassation
Pourvoi n° 93-83.248

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

EXTRADITION - effet - principe de la spécialité - condamnation à raison de faits non compris dans la décision accordant l'extradition - faits antérieurs - refus d'accorder l'extradition pour ces faits

En vertu du principe de spécialité, l'individu livré ne peut être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l'extradition. (1).

Texte de la décision

CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :

- X... Elie,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 10e chambre, en date du 18 juin 1993, qui, pour tentative d'importation d'héroïne et tentative d'importation en contrebande de marchandise prohibée, l'a condamné à 6 ans d'emprisonnement, avec maintien en détention, a ordonné la confiscation d'une somme de 5 000 francs laissée à sa garde et a prononcé sur les pénalités douanières.



LA COUR,



Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;



Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;



Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 21 et 26 de la loi du 10 mars 1927, 14 de la Convention européenne sur l'extradition publiée le 14 mai 1986, des articles 414 et 435 du Code des douanes, L. 626 et suivants du Code de la santé publique, des articles 587 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :



" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur l'action douanière, a condamné le prévenu à payer à l'administration des Douanes la somme de 14 millions de francs pour tenir compte de confiscation de l'héroïne et une amende de 14 millions de francs, en ordonnant son maintien en détention jusqu'au complet paiement des pénalités douanières, dans la limite de la contrainte par corps, selon les modalités de l'article L. 627-6 du Code de la santé publique ;



" alors que, d'une part, en vertu du principe de la spécialité de l'extradition, lorsque l'Etat requis n'a accordé l'extradition qu'à raison de certaines infractions, l'extradé ne peut être condamné pour une infraction à propos de laquelle cet Etat a refusé de donner son consentement ; que, dès lors que l'Etat allemand avait exclu, par arrêt du Tribunal régional supérieur de Schleswig-Holstein l'extradition du prévenu pour une infraction douanière en même temps que pour l'autre délit poursuivi, à l'égard duquel elle était seule accordée, l'arrêt attaqué, qui a prononcé sa condamnation pour infraction à la législation douanière, a violé les principes et textes susvisés, et se trouve privé de base légale ;



" alors que, d'autre part, l'absence dudit arrêt dans le dossier transmis à la Cour de Cassation ne permet pas à celle-ci d'exercer son contrôle et doit entraîner l'annulation de la procédure ;



" et alors, enfin, que, subsidiairement, en se contentant de se référer à la seule "évaluation faite par l'administration des Douanes sur la valeur de la marchandise", l'arrêt attaqué n'a pas justifié le montant des condamnations prononcées " ;



Vu lesdits articles ;



Attendu qu'en vertu du principe de spécialité, l'individu qui aura été livré ne pourra être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l'extradition ;



Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats et communiquées aux parties que, par note verbale du 25 janvier 1993, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, après décision du Tribunal régional supérieur de Schleswig-Holstein en date du 5 octobre 1992, a fait connaître au ministère français des Affaires étrangères qu'il avait accordé l'extradition d'Elie X... pour poursuite pénale du seul chef de tentative d'importation de stupéfiants prévue par l'article L. 627, alinéas 1 et 2, du Code de la santé publique, à l'exclusion de toute poursuite pour délits douaniers, faute d'accord préalable et particulier intervenu entre les Etats avant la demande d'écrou extraditionnel provisoire, dans le cadre de l'article 5 de la Convention européenne d'extradition concernant les infractions fiscales ;



Attendu cependant que l'arrêt attaqué, statuant sur l'action douanière, a condamné contradictoirement le prévenu à payer à l'administration des Douanes une amende de 14 millions de francs, ainsi qu'une somme de même montant pour tenir lieu de confiscation de l'héroïne, en ordonnant son maintien en détention jusqu'au complet paiement des pénalités douanières ;



Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'Etat requis avait refusé d'accorder l'extradition pour l'infraction douanière, la cour d'appel a méconnu le principe susénoncé et excédé ses pouvoirs ;



Par ces motifs :



CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 juin 1993, en ses seules dispositions concernant les poursuites douanières ;



Et attendu qu'il ne reste rien à juger,



DIT n'y avoir lieu à renvoi.

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