14 novembre 1991
Cour de cassation
Pourvoi n° 91-82.246

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CRIMES ET DELITS COMMIS A L'ETRANGER - crimes - poursuite en france - crime commis à l'étranger dont la victime est française - victime non résidente en france - compétence du tribunal de paris - competence - compétence territoriale - crimes et délits commis à l'étranger

En l'absence de résidence en France de la victime française d'un crime dénoncé par une partie lésée, mais distincte de la personne de la victime au sens de l'article 696 du Code de procédure pénale, c'est le juge d'instruction de Paris qui, en application de ce texte, est compétent pour connaître des poursuites, et non pas le juge d'instruction du domicile de la partie civile.

Texte de la décision

REJET et REGLEMENT DE JUGES sur le pourvoi formé par :

- X... Sylvie, épouse Y..., partie civile,

contre l'arrêt en date du 14 mars 1991 par lequel la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier s'est déclarée incompétente pour informer sur sa plainte portée contre X du chef de crime contre l'humanité.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 696, alinéa 1er, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que la Cour s'est déclarée incompétente et a renvoyé la partie civile à se mieux pourvoir devant le tribunal de grande instance de Paris ;

" aux motifs que la victime de l'infraction est M. Raymond Y..., disparu le 5 juillet 1962 à Oran dans les conditions relatées dans la plainte avec constitution de partie civile, qu'il ne faut pas confondre celle-ci avec la partie lésée par cette disparition, à savoir son épouse Mme X..., et que, par conséquent, à défaut de tout autre Tribunal énuméré à l'article 696 du Code de procédure pénale, le Tribunal compétent est celui de Paris ;

" alors qu'il résulte de l'article 696, alinéa 1er, du Code de procédure pénale qu'en ce qui concerne les infractions commises à l'étranger, le Tribunal compétent est celui de la résidence de la victime de l'infraction dans le cas où la personne poursuivie n'est pas identifiée, qu'au sens de ce texte, lorsqu'il s'agit d'un crime contre l'humanité, la victime de l'infraction est celui qui souffre personnellement de cette infraction en raison des liens affectifs l'unissant à la personne disparue et qui porte plainte en se constituant partie civile et que, dès lors, est seul compétent le Tribunal du lieu de la résidence de celui-ci, soit, en l'espèce, le tribunal de grande instance de Montpellier " ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la disparition de son mari Raymond Y..., depuis le 5 juillet 1962 à Oran (Algérie), Sylvie X..., domiciliée à Montpellier, a déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction de Paris du chef de crime contre l'humanité ; que, ce magistrat s'étant déclaré territorialement incompétent par ordonnance du 8 septembre 1989, Sylvie X... a, le 2 février 1990, porté une nouvelle plainte du même chef auprès du juge d'instruction de Montpellier qui, par ordonnance du 1er octobre 1990, a déclaré qu'il n'y avait lieu à informer ;

Que, pour admettre l'incompétence du juge d'instruction de Montpellier et en décerner sa propre incompétence, la chambre d'accusation déduit notamment qu'en l'espèce la victime de l'infraction est Raymond Y... ;

Attendu qu'en cet état, contrairement à ce qui est allégué, la chambre d'accusation a fait l'exacte application de la loi, dès lors qu'à supposer l'infraction établie, c'est Raymond Y... qui en serait victime au sens de l'article 696 du Code de procédure pénale alors même qu'en raison du dommage souffert par Sylvie X..., celle-ci pourrait prétendre à la qualité de partie lésée ;

Que la circonstance que l'infraction entrerait dans la catégorie des crimes contre l'humanité, lesquels sont des crimes de droit commun commis dans certaines circonstances et pour certains motifs, n'est pas de nature à entraîner une dérogation aux règles de compétence posées par le Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

REJETTE le pourvoi ;

Et attendu que la présente décision confère à l'arrêt attaqué le caractère irrévocable qui appartient déjà à l'ordonnance du juge d'instruction de Paris, en date du 8 septembre 1989, par laquelle celui-ci s'est déclaré incompétent pour instruire sur les faits dénoncés par la partie civile et que, de ces décisions, toutes deux définitives et contradictoires entre elles, résulte un conflit négatif de juridiction qui interrompt le cours de la justice et qu'il importe de faire cesser ;

Qu'il y a lieu, dès lors, pour rendre à la justice son libre cours, de régler de juges d'office par application de l'article 659 du Code de procédure pénale ;

Par ces motifs :

REGLANT DE JUGES, sans s'arrêter à l'ordonnance du juge d'instruction de Paris du 8 septembre 1989 et la tenant pour non avenue ;

RENVOIE les pièces de la procédure devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris qui après information, s'il y a lieu, statuera tant sur la compétence que sur la prévention.

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