7 septembre 1993
Cour de cassation
Pourvoi n° 93-82.751

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

EXTRADITION - chambre d'accusation - détention extraditionnelle - durée - article 145 - 1 du code de procédure pénale - domaine d'application (non)

L'article 145-1 du Code de procédure pénale, relatif à la durée de la détention provisoire et à son éventuel renouvellement, ne s'applique pas à l'écrou de l'étranger faisant l'objet d'une demande d'extradition conformément à l'article 12 de la loi du 10 mars 1927 ; les seules limites de la durée de la détention extraditionnelle sont celles prévues par ladite loi ou par la convention internationale applicable (1).

Texte de la décision

REJET du pourvoi formé par :

- X... Bernd Ferdinand,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 19 mai 1993, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la requête du Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, a rejeté sa demande de mise en liberté.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 145-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 14 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition, 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater l'illégalité de la détention extraditionnelle de la personne étrangère et de prononcer sa mise en liberté ;

" aux motifs, d'une part, que l'article 14, alinéa 2, de la loi du 10 mars 1927 qui donne compétence exclusive à la chambre d'accusation pour connaître de la détention extraditionnelle ne renvoie qu'aux règles relatives à la motivation de la décision prévue à l'article 144 du même Code et à celles organisant la manière de procéder devant la juridiction compétente ; qu'il ne peut pas viser l'article 145-1 du Code de procédure pénale qui limite la durée de la détention en matière correctionnelle dès lors que l'incarcération extraditionnelle repose sur l'article 120 du Code pénal et non sur un mandat de dépôt décerné par une juridiction d'instruction ou de jugement et où cette détention s'impose pour permettre la remise du fugitif à l'Etat requérant, et non pour permettre de répondre aux exigences et nécessités d'une information pénale suivie devant une juridiction interne ;

" aux motifs, d'autre part, qu'ainsi définies et comprises, les règles qui, au sens de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927, gouvernent la matière, ne sont pas contraires à l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit expressément que l'arrestation et la détention de la personne contre laquelle existe une procédure d'extradition en cours est un cas légitime de privation de liberté et qu'en outre, la faculté de saisir à tout moment la chambre d'accusation d'une demande de mise en liberté constitue la voie légale prévue par le texte précité en vue d'assurer le respect du droit à la liberté ;

" alors, d'une part, que la limitation de la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle prévue à l'article 145-1 du Code de procédure pénale ne dépend pas, pour son application, de la nature de l'autorité, judiciaire ou gouvernementale, qui a ordonné l'incarcération ; que le fait que X... ait été placé en détention sous écrou extraditionnel délivré par le procureur de la République sur ordre du Gouvernement et non par mandat ou jugement des juridictions d'instruction est sans influence sur les règles impératives qui limitent en matière correctionnelle la détention à 6 mois ;

" alors, d'autre part, que la chambre d'accusation saisie d'une demande de mise en liberté par un étranger qui fait l'objet d'une procédure d'extradition doit, selon les dispositions de l'article 14, alinéa 2, de la loi du 10 mars 1927, statuer selon les règles qui gouvernent la matière et appliquer notamment tant les dispositions de l'article 144 du Code de procédure pénale qui exigent une motivation par rapport aux éléments de l'espèce, que celles de l'article 145-1 du même Code qui limitent à 6 mois la durée de la détention en matière correctionnelle ; que, dès lors que la mesure de détention extraditionnelle n'est pas exclusivement motivée par le maintien de l'intéressé à la disposition des autorités requérantes mais peut également répondre aux autres exigences de l'article 144 précité, sa durée est nécessairement soumise aux règles du droit commun qui gouvernent la matière ; qu'en refusant d'ordonner la libération de X... qui remplissait les conditions de l'article 144 précité, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;

" alors, enfin, qu'aux termes de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la détention arbitraire est prohibée ; que si l'article 5. 1 susvisé autorise l'arrestation et la détention d'une personne contre laquelle une procédure d'extradition est en cours, c'est à la condition que celles-ci soient régulières et conformes aux voies légales ; que la détention d'une personne au-delà du délai légal de 6 mois constitue une privation de liberté arbitraire dès lors que l'intéressé répond aux conditions du droit interne limitant la durée de la détention, de sorte que la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que le ressortissant allemand Bernd X..., placé sous écrou extraditionnel le 22 septembre 1992, et dont la demande d'extradition requise par le Gouvernement allemand pour fraudes à l'impôt sur le revenu et escroqueries commises en commun dans des cas particulièrement graves, a fait l'objet d'un avis partiellement favorable devenu définitif, a présenté une demande de mise en liberté fondée sur l'illégalité prétendue de sa détention ;

Attendu que, pour écarter son argumentation selon laquelle il ne pouvait être détenu au-delà de la durée fixée par l'article 145-1 du Code de procédure pénale en matière correctionnelle et rejeter sa demande de mise en liberté, la chambre d'accusation, outre les motifs exactement reproduits au moyen, énonce que ses attaches économiques et financières étant essentiellement hors de France, il n'offre aucune garantie de représentation, et que la détention est le seul moyen d'assurer son maintien à la disposition de la justice ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet, d'une part, les dispositions de la loi interne, relatives à la durée de la détention provisoire et à son éventuel renouvellement ne s'appliquent pas à l'écrou de l'étranger faisant l'objet d'une demande d'extradition conformément à l'article 12 de la loi du 10 mars 1927 ; que les seules limites de la durée de la détention extraditionnelle sont celles prévues par ladite loi ou par la convention internationale applicable ;

Que, d'autre part, l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit la possibilité de privation de liberté d'une personne contre laquelle une procédure d'extradition est en cours ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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