3 mai 1988
Cour de cassation
Pourvoi n° 87-84.365

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CASSATION - moyen - recevabilité - juridiction de renvoi - décision conforme à la doctrine de l'arrêt de cassation - moyen le critiquant de ce chef (non) - décision - pourvoi contre cette décision - moyen critiquant sa conformité à la doctrine de l'arrêt de cassation - irrecevabilité - parties - partie n'ayant pas figuré dans l'instance primitive (non) - action civile - association - association visée aux articles 2 - 2 et 2 - 3 du code de procédure pénale - omission de porter secours (non) - omission de porter secours - 3 du code de procédure pénale (non)

Est irrecevable le moyen produit à l'appui d'un second pourvoi et qui demande à la Cour de Cassation de revenir sur la doctrine affirmée dans un arrêt de cassation lorsque la juridiction de renvoi s'y est conformée.

Texte de la décision

REJET du pourvoi des associations :

1°) Ligue du droit des femmes,

2°) Ligue du droit international des femmes,

3°) SOS Femmes alternatives,

4°) Enfance et Partage,

parties civiles,

contre un arrêt de la cour d'appel d'Amiens, 4e chambre, du 2 juin 1987, qui, sur renvoi après cassation, s'est déclarée compétente pour se prononcer sur les poursuites exercées contre X... Décé et Y... Bougoury, épouse X..., du chef d'omission de porter secours à personne en péril, a annulé le jugement entrepris et, évoquant, a déclaré lesdites parties civiles irrecevables puis a renvoyé la cause à date fixe.

LA COUR,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 22 avril 1986 ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, alinéa 1 et alinéa 2, du Code pénal, 381, 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit que les faits reprochés aux époux X...-Y... constituent bien le délit de non-assistance à personne en danger, que la juridiction correctionnelle était compétente pour en connaître et a annulé le jugement entrepris qui s'était déclaré incompétent ;

" aux motifs qu'il résulte des réquisitoires introductifs et supplétifs et des inculpations qui leur ont été notifiées, que les époux X... n'ont jamais été poursuivis ni inculpés pour leur participation à l'opération d'excision elle-même, mais seulement pour leur abstention de porter secours à leur fille pendant la durée de l'hémorragie, c'est-à-dire pendant la période qui a commencé dès la fin de l'opération d'excision le 11 juillet et s'est terminée le 13 juillet par la mort de la victime ; et que seuls les faits antérieurs à cette période implicitement mais exclusivement visée par les poursuites pourraient recevoir une autre qualification pénale ;

" alors que les tribunaux correctionnels ont l'obligation de statuer sur les faits tels qu'ils sont relevés par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de la procédure que si les époux X... ont été inculpés pour non-assistance à personne en danger, sur le fondement de l'article 63 du Code pénal visé dans son ensemble, à aucun moment l'abstention délictueuse poursuivie à leur encontre n'a été limitée à la période postérieure à la fin de l'opération d'excision ; que bien au contraire, lors de leurs auditions devant le magistrat instructeur, les inculpés se sont toujours expliqué sur les faits relatifs à leur attitude pendant l'opération d'excision et que l'ordonnance de renvoi a saisi la juridiction de jugement des infractions commises par les époux X... les 11, 12 et 13 juillet 1982, c'est-à-dire aussi bien pendant l'intervention de l'exciseuse qu'après son départ et jusqu'à la mort du bébé et que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait se déclarer compétente en restreignant arbitrairement sa saisine ;

" alors, d'autre part, qu'il appartient aux cours d'appel de modifier la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à ceux sous laquelle ils leur sont déférés dès lors qu'il n'est rien changé, ni ajouté, ni retranché aux faits de la prévention et qu'ils restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte saisissant la juridiction et que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire et s'expliquer davantage retenir sa compétence tout en constatant implicitement que si elle n'avait pas restreint sa saisine, les faits déférés pourraient recevoir une autre qualification pénale, c'est-à-dire une qualification criminelle ;

" alors enfin que s'il est interdit aux juges du fond de statuer sur des faits distincts autres que ceux qui leur sont déférés, il leur appartient de retenir tous ceux qui, bien que non expressément visés dans le titre de poursuite ne constituent que des circonstances du fait principal, se rattachant à lui, propres à le caractériser et à lui restituer sa véritable qualification et que dans la mesure où l'ordonnance de renvoi avait visé non seulement l'article 63, alinéa 2, du Code pénal mais aussi l'article 63, alinéa 1er, du même Code, la Cour de renvoi devait examiner sa compétence en tenant compte de l'ensemble des faits relatés dans le réquisitoire définitif quand bien même le crime de l'article 312 du Code pénal avait été exclu de la poursuite " ;

Attendu que le moyen produit revient à reprocher à la Cour de renvoi d'avoir statué en conformité de la doctrine de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ;

Mais attendu que si l'article 619 du Code de procédure pénale permet, en cas de résistance de la juridiction de renvoi, de saisir à nouveau la Cour de Cassation, siégeant alors en assemblée plénière, d'un point de droit sur lequel elle s'est déjà prononcé, la Cour de Cassation ne peut, en revanche, être appelée à revenir sur la doctrine affirmée dans un premier arrêt lorsque la juridiction de renvoi s'y est conformée :

D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 2-3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les parties civiles irrecevables en leur constitution ;

" alors que, dans leurs conclusions, les parties civiles faisaient valoir que leur action visait à obtenir que l'acte d'exciser reçoive sa véritable qualification, qu'une telle action qui tendait à établir l'existence de l'infraction était d'autant plus recevable que les associations demanderesses faisaient valoir qu'elles avaient pour objet la lutte contre toutes formes de discrimination à l'égard des femmes et l'assistance aux femmes et enfants victimes de violences exercées en privé et qu'en n'examinant pas, fut-ce pour les rejeter, ces chefs péremptoires des conclusions des parties civiles, l'arrêt attaqué a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;

Attendu, d'une part, que l'association Enfance et Partage s'est constituée partie civile seulement devant la Cour de renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 novembre 1984 ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable ; qu'en effet la juridiction de renvoi après cassation est saisie, par application de l'article 609 du Code de procédure pénale, du même procès avec les mêmes parties, c'est-à-dire du procès tel qu'il a été présenté devant les premiers juges dans l'instance ; qu'il s'ensuit qu'une partie qui n'a pas figuré dans l'instance ayant donné lieu à la décision cassée n'est pas recevable à se constituer partie civile devant le juge de renvoi ;

Attendu, d'autre part, que pour déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles des autres demanderesses la cour d'appel relève que celles-ci ne seraient recevables " que dans les limites fixées par les articles 2-2 et 2-3 du Code de procédure pénale, sauf à démontrer sur la base de l'article 2 du même Code, un préjudice direct et personnellement subi par elles du fait de l'infraction " ; que les juges énoncent " qu'elles ne prouvent ni n'offrent de prouver un tel préjudice et que le délit de non-assistance à personne en danger ne fait pas partie de ceux qui sont limitativement énumérés par les articles 2-2 et 2-3 susvisés " ;

Qu'en cet état la cour d'appel, qui a également constaté que les faits poursuivis ne pouvaient constituer que le délit prévu par l'article 63, alinéa 2, du Code pénal, a répondu sans insuffisances aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises et a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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