9 avril 1986
Cour de cassation
Pourvoi n° 85-93.491

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

) COUR D'ASSISES - débats - oralité - communication à la cour et au jury des pièces de la procédure - pièces concernant des témoins acquis aux débats - moment de la communication - pièces concernant des experts acquis aux débats - instruction à l'audience terminée - conditions

et 2° Le principe de l'oralité des débats s'oppose à ce que le président, avant l'audition de tout témoin et de tout expert, communique en vertu de son pouvoir discrétionnaire aux assesseurs et aux jurés, des documents de la procédure écrite concernant des témoins ou des experts acquis aux débats et qui n'ont pas encore été entendus (1).

Texte de la décision

CASSATION sur le pourvoi de :

- X... (Julien),

contre un arrêt de la Cour d'assises du Rhône en date du 15 mai 1985 qui, pour assassinat, l'a condamné à 18 ans de réclusion criminelle.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 310, 329, 331 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'oralité des débats et des droits de la défense ;

" en ce qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats qu'au cours de l'instruction à l'audience, le président a fait communiquer aux assesseurs et aux jurés les pièces figurant au dossier sous cotes n° D. 9, D. 11, D. 12, D. 18, D. 39, D. 47, D. 51, D. 71, D. 96, D. 106, D. 133, D. 160, soit en plus des nombreuses planches photographiques et plans des lieux un total de quatre-vingts pages dactylographiées représentant les dépositions de plusieurs témoins, ainsi que des rapports d'expertises ;

" alors que, si la lecture des dépositions des témoins ou de rapports d'experts peut dans certaines hypothèses et sous certaines conditions être ordonnée par le président de la Cour d'assises en vertu de son pouvoir discrétionnaire et à titre de simples renseignements, la communication des dépositions écrites des témoins ou des experts, qu'ils aient ou non été entendus à l'audience, est formellement prohibée ; qu'en procédant de la sorte, le président a excédé les limites de son pouvoir discrétionnaire et violé le principe d'ordre public de l'oralité des débats ; "

Et sur le moyen relevé d'office pris de la violation de l'article 310 du Code de procédure pénale et du principe de l'oralité des débats ;

" en ce que le président a communiqué en vertu de son pouvoir discrétionnaire divers documents de la procédure écrite, immédiatement après l'interrogatoire de l'accusé ; "

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que le débat devant la Cour d'assises doit être oral ;

Attendu qu'il résulte, d'une part, du procès-verbal des débats qu'avant l'audition de tout témoin et de tout expert, le président a fait extraire de la procédure écrite et a communiqué aux assesseurs et aux jurés, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, des documents photographiques effectués lors de la reconstitution des faits d'après les déclarations d'un témoin présent et non encore entendu et un rapport d'autopsie établi par des médecins experts dont l'un a été entendu plus tard au cours des débats ;

Attendu qu'en introduisant prématurément dans le débat des éléments qui ne lui appartenaient pas encore, le président a violé le principe ci-dessus rappelé ;

Que la cassation est encourue de ce chef ;

Attendu qu'il résulte, d'autre part, du procès-verbal des débats qu'après l'audition des témoins et des experts, le président a fait communiquer aux assesseurs et aux jurés, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, des documents de l'instruction écrite dont les cotes sont visées dans le moyen, notamment des procès-verbaux d'audition de témoins établis lors de la procédure de crime flagrant ou sur commission rogatoire, un procès-verbal de reconstitution des faits et des rapports d'expertise ;

Attendu qu'en remettant aux assesseurs et aux jurés des documents de la procédure écrite, sans en donner lecture et sans préciser que ces pièces avaient fait l'objet d'un débat contradictoire, le président n'a pas fait un usage régulier de son pouvoir discrétionnaire et a violé le principe de l'oralité des débats ;

Que la cassation est encore encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'assises du Rhône en date du 15 mai 1985 en ce qu'il a condamné pénalement X... Julien, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée,

Et pour être statué à nouveau conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'assises du Puy-de-Dôme.

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