25 novembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-25.109

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C101322

Titres et sommaires

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - dommage - réparation - caractères du préjudice - perte d'une chance - conditions - détermination - caractère raisonnable - caractérisation - défaut - applications diverses responsabilite contractuelle - préjudice direct et certain - nécessité - cas responsabilite contractuelle - succès d'une procédure judiciaire - chance raisonnable de succès

Pour constituer un préjudice direct et certain, la perte de chance de succès d'une procédure judiciaire doit être raisonnable. Viole l'article 1147 du code civil, la cour d'appel, qui, pour allouer des dommages-intérêts, retient l'existence d'une perte de chance minime pour la victime d'obtenir la réduction de ses condamnations

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par arrêt irrévocable du 10 juin 2010, une cour d'appel a déclaré M. X... coupable du délit de recel et l'a notamment condamné à réparer l'entier préjudice subi par la victime, solidairement avec l'auteur du détournement par abus de confiance ; que reprochant à M. Z..., avocat associé de la SCP A...- Z..., qui avait assuré la défense de ses intérêts devant cette juridiction, d'avoir omis, d'une part, de faire valoir que les conditions d'application de l'article 480-1 du code de procédure pénale n'étaient pas réunies en l'absence de lien de connexité entre les délits d'abus de confiance et de recel, d'autre part, de former un pourvoi contre l'arrêt du 10 juin 2010, M. X... les a assignés en indemnisation ;

Sur le premier moyen et le second moyen, ce dernier pris en ses deux premières branches, du pourvoi principal, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que, pour indemniser M. X... de la perte d'une chance d'obtenir une décision plus favorable, l'arrêt énonce que la juridiction pénale a statué en conformité avec une jurisprudence constante selon laquelle celui qui détourne et celui qui recèle doivent être condamnés solidairement à réparer l'intégralité du préjudice, sans égard pour la part de responsabilité personnelle de chacun, et retient que M. X... n'avait qu'une probabilité minime de voir la chambre des appels correctionnels méconnaître cette jurisprudence et de voir casser cet arrêt pour violation de l'article 480-1 du code de procédure pénale, de sorte qu'il a perdu une chance minime de voir réduire ses condamnations civiles et rejeter la demande de condamnation solidaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, de ses constatations et appréciations, il résultait que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance raisonnable de succès de ses prétentions tendant à voir écarter la solidarité entre les auteurs d'abus de confiance et de recel pour défaut de connexité de ces délits, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du second moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Z... à payer à M. X... la somme de 5 000 euros en réparation de la perte de chance, l'arrêt rendu le 24 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Z... et à la SCP A...- Z... la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

TIRE D'UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de Monsieur Z...en réparation du préjudice subi par Monsieur X... à hauteur de 5. 000 ¿ ;

Aux motifs que, « Monsieur X... reproche deux manquements professionnels à Maître Z... : premièrement ne pas s'être pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour le condamnant pénalement alors qu'il lui en avait donné instruction, secondement ne pas avoir pris de conclusions écrites ou orales devant la cour d'appel sur les intérêts civils et la solidarité entre receleur et voleur et l'application de l'article 480-1 du code de procédure pénale, alors qu'en première instance sa condamnation avait limité à 5 000 ¿ la solidarité entre les condamnés, Maître Z... reconnaît ne pas avoir formé un pourvoi en cassation de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels du 10 juin 2010, alors qu'il en avait reçu mission.

Cette omission a privé Monsieur X... d'obtenir réformation de l'arrêt qui l'a condamné sur intérêts civils solidairement avec son co-prévenu, Monsieur Y..., à payer la somme de 170 709 ¿ à, la société Hegel.

Dans les conclusions remises à la chambre des appels correctionnels, Maître Z... a plaidé la relaxe de son client sans aucun subsidiaire, même si la demande principale de relaxe induisait le rejet des demandes de la partie civile ; il n'a donc aucunement développé un argumentaire sur les intérêts civils.

Or la victime, la SARL Heger appelante des dispositions civiles du jugement, a, dans des conclusions écrites remises le jour même de l'audience à Maître Z... et à la cour, sollicité la condamnation solidairement des co-prévenus au paiement de la totalité des préjudices, à savoir 170 709 E au titre du préjudice matériel et économique, 149 171 ¿ au titre du gain manqué et 50 000 ¿ pour atteinte à l'image commerciale outre 9 500 ¿ au titre de l'article 457-1 du code de procédure pénale.

Monsieur Z... s'est abstenu de solliciter le renvoi sur intérêts civils, ce qui aurait pu lui permettre de répliquer aux conclusions écrites de la société Heger tant sur les montants des dommages et intérêts réclamés que sur la solidarité pénale développée sur deux pages et demie, conclusions auxquelles il n'avait pu répondre puisque remises à l'audience de la cour.

Monsieur Z... prétend avoir développé oralement des arguments tendant en cas de condamnation pénale, à la confirmation du jugement du tribunal correctionnel ayant cantonné la solidarité au montant du préjudice retenu par le tribunal, mais il n'en apporte toutefois pas la preuve, notamment en produisant les notes d'audience, Maître Z... devait tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de son client, notamment en développant tous moyens de défense de nature à repousser les prétentions de son adversaire ; le choix de défense retenu par Monsieur Z... de plaider exclusivement la relaxe de son client, sans répondre subsidiairement sur les demandes de la partie civile et plus particulièrement sur la solidarité de l'article 480-1 du code de procédure pénale qui était susceptible d'aggraver considérablement le sort de son client, est constitutif d'une faute professionnelle.

Maître Z... a, en ne répondant à la demande de la partie civile, privé Monsieur X... de voir minorer le montant des condamnations civiles et de n'être pas condamné solidairement avec son co-prévenu.

La possibilité que la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel du 10 juin 2010 ne le soit pas solidairement et la possibilité que le pourvoi qu'aurait dû interjeté Maître Z... soit admis et ait abouti à la cassation de l'arrêt est une perte de chance pour Monsieur X....

Comme l'a retenu à bon escient le premier juge en application des articles 280 et 480-1 du code de procédure pénale, il existe une connexité entre l'infraction par laquelle des objets ont été détournés ou obtenu et le recel des mêmes objets, le receleur, qui a reçu la totalité ou une partie des choses enlevées à l'aide du délit connexe étant solidairement responsable avec ce dernier de tous les dommages et intérêts accordés à la victime ; la chambre des appels correctionnels a déclaré Monsieur Y... coupable d'abus de confiance et Monsieur X... coupable de recels d'une partie des biens détournés et a condamné solidairement Monsieur Y... et Monsieur X... au paiement des préjudices de la victime en relevant que « la solidarité en matière de recel atteint pour l'entier dommage consécutif au détournement des paiements des ventes de mobil'homes et équipements, le receleur qui n'a recelé qu'une partie du butin » ; l'arrêt du 10 juin 2011 fait donc application du principe de la condamnation solidaire de celui qui détourne et de celui qui recèle, receleur d'un seul objet détourné, sans qu'il n'y ait lieu de tenir compte de la part de responsabilité personnelle de chacun des auteurs.

Les juges du fond sont donc fondés à les condamner à lui rembourser le montant des frais irrépétibles.

Dans ces conditions, la cour d'appel ayant appliqué la jurisprudence sur la connexité des délits d'abus de confiance et de recel au profit de la victime, Monsieur X... n'avait qu'une probabilité minime de voir la chambre des appels correctionnels méconnaître cette jurisprudence et de voir casser cet arrêt pour violation de l'article 480-1 du code de procédure pénale.

En conséquence Monsieur X... a perdu une chance minime de voir minimiser ses condamnations civiles et rejeter la demande de condamnation solidaire, si Maître Z... avait présenté des moyens de défense devant la cour d'appel et s'il avait déposé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de condamnation solidaire, il convient d'estimer cette perte de chance à la somme de 5 000 ¿ » ;

Alors que, les dispositions de l'article 480-1 du Code de procédure pénale selon lesquelles « les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages intérêts » qui, telles qu'interprétées de façon constante par la Cour de cassation, permettent de prononcer la condamnation solidaire d'un receleur à réparer non seulement le dommage causé par son seul recel d'un bien mais encore les préjudices causés par des infractions distinctes contre d'autres biens qualifiées de connexes, portent atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la justice garanti par les articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe constitutionnel de responsabilité individuelle garanti par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard du principe constitutionnel susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de Monsieur Z...en réparation du préjudice subi par Monsieur X... à hauteur de 5. 000 ¿ ;

Aux motifs que « Monsieur X... reproche deux manquements professionnels à Maître Z... : premièrement ne pas s'être pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour le condamnant pénalement alors qu'il lui en avait donné instruction, secondement ne pas avoir pris de conclusions écrites ou orales devant la cour d'appel sur les intérêts civils et la solidarité entre receleur et voleur et l'application de l'article 480-1 du code de procédure pénale, alors qu'en première instance sa condamnation avait limité à 5 000 ¿ la solidarité entre les condamnés,

Maître Z... reconnaît ne pas avoir formé un pourvoi en cassation de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels du 10 juin 2010, alors qu'il en avait reçu mission. Cette omission a privé Monsieur X... d'obtenir réformation de l'arrêt qui l'a condamné sur intérêts civils solidairement avec son co-prévenu, Monsieur Y..., à payer la somme de 170 709 ¿ à, la société Hegel.

Dans les conclusions remises à la chambre des appels correctionnels, Maître Z... a plaidé la relaxe de son client sans aucun subsidiaire, même si la demande principale de relaxe induisait le rejet des demandes de la partie civile ; il n'a donc aucunement développé un argumentaire sur les intérêts civils.

Or la victime, la SARL Heger appelante des dispositions civiles du jugement, a, dans des conclusions écrites remises le jour même de l'audience à Maître Z... et à la cour, sollicité la condamnation solidairement des co-prévenus au paiement de la totalité des préjudices, à savoir 170 709 E au titre du préjudice matériel et économique, 149 171 ¿ au titre du gain manqué et 50 000 ¿ pour atteinte à l'image commerciale outre 9 500 ¿ au titre de l'article 457-1 du code de procédure pénale,

Monsieur Z... s'est abstenu de solliciter le renvoi sur intérêts civils, ce qui aurait pu lui permettre de répliquer aux conclusions écrites de la société Heger tant sur les montants des dommages et intérêts réclamés que sur la solidarité pénale développée sur deux pages et demie, conclusions auxquelles il n'avait pu répondre puisque remises à l'audience de la cour.

Monsieur Z... prétend avoir développé oralement des arguments tendant en cas de condamnation pénale, à la confirmation du jugement du tribunal correctionnel ayant cantonné la solidarité au montant du préjudice retenu par le tribunal, mais il n'en apporte toutefois pas la preuve, notamment en produisant les notes d'audience, Maître Z... devait tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de son client, notamment en développant tous moyens de défense de nature à repousser les prétentions de son adversaire ; le choix de défense retenu par Monsieur Z... de plaider exclusivement la relaxe de son client, sans répondre subsidiairement sur les demandes de la partie civile et plus particulièrement sur la solidarité de l'article 480-1 du code de procédure pénale qui était susceptible d'aggraver considérablement le sort de son client, est constitutif d'une faute professionnelle.

Maître Z... a, en ne répondant à la demande de la partie civile, privé Monsieur X... de voir minorer le montant des condamnations civiles et de n'être pas condamné solidairement avec son co-prévenu.

La possibilité que la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel du 10 juin 2010 ne le soit pas solidairement et la possibilité que le pourvoi qu'aurait dû interjeté Maître Z... soit admis et ait abouti à la cassation de l'arrêt est une perte de chance pour Monsieur X....

Comme l'a retenu à bon escient le premier juge en application des articles 280 et 480-1 du code de procédure pénale, il existe une connexité entre l'infraction par laquelle des objets ont été détournés ou obtenu et le recel des mêmes objets, le receleur, qui a reçu la totalité ou une partie des choses enlevées à l'aide du délit connexe étant solidairement responsable avec ce dernier de tous les dommages et intérêts accordés à la victime ; la chambre des appels correctionnels a déclaré Monsieur Y... coupable d'abus de confiance et Monsieur X... coupable de recels d'une partie des biens détournés et a condamné solidairement Monsieur Y... et Monsieur X... au paiement des préjudices de la victime en relevant que « la solidarité en matière de recel atteint pour l'entier dommage consécutif au détournement des paiements des ventes de mobil'homes et équipements, le receleur qui n'a recelé qu'une partie du butin » ; l'arrêt du 10 juin 2011 fait donc application du principe de la condamnation solidaire de celui qui détourne et de celui qui recèle, receleur d'un seul objet détourné, sans qu'il n'y ait lieu de tenir compte de la part de responsabilité personnelle de chacun des auteurs.

Les juges du fond sont donc fondés à les condamner à lui rembourser le montant des frais irrépétibles.

Dans ces conditions, la cour d'appel ayant appliqué la jurisprudence sur la connexité des délits d'abus de confiance et de recel au profit de la victime, Monsieur X... n'avait qu'une probabilité minime de voir la chambre des appels correctionnels méconnaître cette jurisprudence et de voir casser cet arrêt pour violation de l'article 480-1 du code de procédure pénale.

En conséquence Monsieur X... a perdu une chance minime de voir minimiser ses condamnations civiles et rejeter la demande de condamnation solidaire, si Maître Z... avait présenté des moyens de défense devant la cour d'appel et s'il avait déposé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de condamnation solidaire, il convient d'estimer cette perte de chance à la somme de 5 000 ¿ » ;

Alors, d'une part, que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était point produit ; qu'en estimant néanmoins que s'il existe une connexité entre l'infraction par laquelle des objets ont été détournés ou obtenu et le recel des mêmes objets, le receleur, qui n'a reçu qu'une partie des choses enlevées à l'aide du délit connexe, est solidairement responsable avec ce dernier de tous les dommages et intérêts accordés à la victime, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et 480-1 du Code de procédure pénale ;

Alors, d'autre part, qu'en estimant minime, pour limiter le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de Maître Z..., la chance de voir méconnaître la jurisprudence sur la connexité des délits d'abus de confiance et de recel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si au-delà de l'obtention de tout revirement de jurisprudence sur cette question, une défense efficace n'aurait pas permis à tout le moins de voir écarter l'existence d'un lien de connexité devant le juge pénal en invoquant la jurisprudence de la Chambre criminelle qui considère que les dispositions des articles 203 du Code pénal et 480-1 du Code de procédure pénale n'établissent pas une présomption légale de connexité lorsque l'auteur principal ayant enlevé, détourné ou obtenu des objets à l'aide de plusieurs infractions, le receleur n'a détenu que des objets provenant d'une seule ou d'une partie seulement de ces infractions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Alors enfin que l'indemnité de réparation de la perte d'une chance ne peut être fixée à une somme forfaitaire et doit correspondre à une fraction du préjudice total invoqué par la victime ; qu'ainsi lorsqu'il répare le préjudice résultant de la perte d'une chance, le juge doit évaluer, au préalable, le montant total du préjudice souffert par la victime pour déterminer et évaluer ensuite la perte de chance ; qu'en fixant néanmoins forfaitairement à la somme de 5. 000 ¿ la réparation du préjudice de Monsieur X... constitué de la perte d'une chance de voir minorer ses condamnations civiles et rejeter la demande de condamnation solidaire devant la juridiction pénale, sans évaluer au préalable le montant total des préjudices invoqués par la victime, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. Z... et la société Thierry A...- Sylvain Z....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. X... avait été privé par la faute de Me Z...d'une chance minime de voir minorer ses condamnations civiles et d'avoir, en conséquence, condamné Me Z...à payer à M. X... la somme de 5. 000 euros en réparation de cette perte de chance ;

AUX MOTIFS QUE (¿) Monsieur X... reproche deux manquements professionnels à Maître Z... : premièrement ne pas s'être pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour le condamnant pénalement alors qu'il lui en avait donné instruction, secondement ne pas avoir pris de conclusions écrites ou orales devant la cour d'appel sur les intérêts civils et la solidarité entre receleur et voleur et l'application de l'article 480-1 du code de procédure pénale, alors qu'en première instance sa condamnation avait limité à 5 000 ¿ la solidarité entre les condamnés ; que Maître Z... reconnaît ne pas avoir formé un pourvoi en cassation de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels du 10 juin 2010, alors qu'il en avait reçu mission ; que cette omission a privé Monsieur X... d'obtenir réformation de l'arrêt qui l'a condamné sur intérêts civils solidairement avec son co-prévenu, Monsieur Y..., à payer la somme de 170 709 ¿ à, la société Heger ; que dans les conclusions remises à la chambre des appels correctionnels, Maître Z... a plaidé la relaxe de son client sans aucun subsidiaire, même si la demande principale de relaxe induisait le rejet des demandes de la partie civile ; qu'il n'a donc aucunement développé un argumentaire sur les intérêts civils ; que la victime, la SARL Heger appelante des dispositions civiles du jugement, a, dans des conclusions écrites remises le jour même de l'audience à Maître Z... et à la cour, sollicité la condamnation solidairement des co-prévenus au paiement de la totalité des préjudices, à savoir 170. 709 euros au titre du préjudice matériel et économique, 149. 171 ¿ au titre du gain manqué et 50 000 ¿ pour atteinte à l'image commerciale outre 9 500 ¿ au titre de l'article 457-1 du code de procédure pénale ; que Monsieur Z... s'est abstenu de solliciter le renvoi sur intérêts civils, ce qui aurait pu lui permettre de répliquer aux conclusions écrites de la société Heger tant sur les montants des dommages et intérêts réclamés que sur la solidarité pénale développée sur deux pages et demie, conclusions auxquelles il n'avait pu répondre puisque remises à l'audience de la cour ; que Monsieur Z... prétend avoir développé oralement des arguments tendant en cas de condamnation pénale, à la confirmation du jugement du tribunal correctionnel ayant cantonné la solidarité au montant du préjudice retenu par le tribunal, mais il n'en apporte toutefois pas la preuve, notamment en produisant les notes d'audience ; que Maître Z... devait tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de son client, notamment en développant tous moyens de défense de nature à repousser les prétentions de son adversaire ; que le choix de défense retenu par Monsieur Z... de plaider exclusivement la relaxe de son client, sans répondre subsidiairement sur les demandes de la partie civile et plus particulièrement sur la solidarité de l'article 480-1 du code de procédure pénale qui était susceptible d'aggraver considérablement le sort de son client, est constitutif d'une faute professionnelle ; que Maître Z... a, en ne répondant à la demande de la partie civile, privé Monsieur X... de voir minorer le montant des condamnations civiles et de n'être pas condamné solidairement avec son co-prévenu ; que la possibilité que la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel du 10 juin 2010 ne le soit pas solidairement et la possibilité que le pourvoi qu'aurait dû interjeté Maître Z... soit admis et ait abouti à la cassation de l'arrêt est une perte de chance pour Monsieur X... ; que comme l'a retenu à bon escient le premier juge en application des articles 280 et 480-1 du code de procédure pénale, il existe une connexité entre l'infraction par laquelle des objets ont été détournés ou obtenu et le recel des mêmes objets, le receleur, qui a reçu la totalité ou une partie des choses enlevées à l'aide du délit connexe étant solidairement responsable avec ce dernier de tous les dommages et intérêts accordés à la victime ; la chambre des appels correctionnels a déclaré Monsieur Y... coupable d'abus de confiance et Monsieur X... coupable de recels d'une partie des biens détournés et a condamné solidairement Monsieur Y... et Monsieur X... au paiement des préjudices de la victime en relevant que « la solidarité en matière de recel atteint pour l'entier dommage consécutif au détournement des paiements des ventes de mobil'homes et équipements, le receleur qui n'a recelé qu'une partie du butin » ; que l'arrêt du 10 juin 2011 fait donc application du principe de la condamnation solidaire de celui qui détourne et de celui qui recèle, receleur d'un seul objet détourné, sans qu'il n'y ait lieu de tenir compte de la part de responsabilité personnelle de chacun des auteurs ; que les juges du fond sont donc fondés à les condamner à lui rembourser le montant des frais irrépétibles ; que dans ces conditions, la cour d'appel ayant appliqué la jurisprudence sur la connexité des délits d'abus de confiance et de recel au profit de la victime, Monsieur X... n'avait qu'une probabilité minime de voir la chambre des appels correctionnels méconnaître cette jurisprudence et de voir casser cet arrêt pour violation de l'article 480-1 du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, Monsieur X... a perdu une chance minime de voir minimiser ses condamnations civiles et rejeter la demande de condamnation solidaire, si Maître Z... avait présenté des moyens de défense devant la cour d'appel et s'il avait déposé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de condamnation solidaire, il convient d'estimer cette perte de chance à la somme de 5 000 ¿ ;

ALORS QU'en l'absence d'une chance raisonnable de succès d'une action en justice, celui qui en a été privé par la faute de son conseil ne justifie d'aucun préjudice direct et certain ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que Monsieur X... n'avait perdu qu'une chance minime de voir minimiser ses condamnations civiles et rejeter la demande de condamnation solidaire compte tenu de la jurisprudence constante applicable en la matière, ce dont il résultait que les chances de succès de l'action en justice dont il a été privée n'étaient pas raisonnables, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

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