6 janvier 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-71.201

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2011:C100002

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - transfusions sanguines - contamination par le virus d'immunodéficience humaine (vih) - indemnisation - indemnisation par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (oniam) - offre de l'oniam - refus de l'offre par la victime - effets - caducité de l'offre - portée

Le refus d'une offre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (l'ONIAM) par la victime transfusionnelle d'une contamination par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) et sa saisine de la cour d'appel de Paris rend cette offre caduque, de sorte que l'ONIAM s'en trouve délié et qu'il appartient à la cour d'appel de statuer tant sur l'existence que sur l'étendue des droits du demandeur

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article L. 3122-5 du code de la santé publique ;

Attendu que M. X..., hémophile depuis l'enfance et contaminé par le VIH, a été indemnisé par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles entre 1994 et 1998 ; qu'il a épousé en 2000 Mme Y... ; que le diagnostic de contamination a été posé en 2002 sur la personne de celle-ci ainsi que sur celle de sa fille, Taous, née la même année ; que M. et Mme X... ont sollicité auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) l'indemnisation des préjudices spécifiques de Mme X... et de sa fille et celle des troubles dans les conditions d'existence formulée au nom de chacun des membres de la famille ; qu'ils ont accepté les offres que l'ONIAM leur a adressées au titre des préjudices spécifiques mais ont contesté celles relatives aux troubles dans les conditions d'existence ; que devant la cour d'appel, l'ONIAM, s'estimant délié de l'offre faite à M. X..., lui a dénié toute indemnisation ;

Attendu que pour accueillir la demande de M. X..., la cour d'appel a retenu qu'aucune disposition de la procédure organisée par le texte susvisé ne permettait à l'ONIAM de retirer une offre faite dans le temps transactionnel de la procédure ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le refus de l'offre, par la victime, la rend caduque, de sorte que l'ONIAM s'en trouve délié, la cour d'appel, à laquelle il appartient alors de statuer tant sur l'existence que sur l'étendue des droits du demandeur, a violé par fausse application le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à M. Hamza X...la somme de 9 150 euros et la somme de 7 620 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence du fait de la contamination VIH de Mme X... et de Taous X..., l'arrêt rendu le 21 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille onze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux conseils pour l'Office national d'indemnisation, des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Monsieur Hamza X... en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence du fait de la contamination VIH de Sandrine X... la somme de 9. 150 euros et de Taous X..., la somme de 7. 620 euros et d'avoir condamné l'ONIAM à payer aux consorts X... la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que dans ses écritures du 11 mai 2009, l'ONIAM a maintenu ses offres contestées à l'égard de Madame X... Taous, et de Raïhane X... mais a retiré toute offre d'indemnisation à l'égard de Monsieur Hamza X... ; que les consorts X... considèrent qu'il est impossible pour l'ONIAM de retirer devant la Cour une offre d'indemnisation d'une part parce que le système instauré par la loi spéciale d'indemnisation des transfusés et hémophiles ne permet pas le retrait des offres devant la Cour, d'autre part parce que le directeur de l'ONIAM est tenu par le principe de la compétence liée de respecter l'avis de la commission d'indemnisation ; que l'ONIAM affirme son droit à retirer une offre faite par elle au cours de la procédure amiable en considérant que les consorts X... confondent à la fois la commission d'indemnisation, le directeur de l'ONIAM et qu'en aucun cas l'ONIAM ne disposait, ab initio, du droit de ne pas formuler d'offre dans la présente instance ; que sur le plan du montant des indemnisations, l'ONIAM estime que la cause déterminante de la contamination de Madame X... et de sa fille Taous réside dans le choix délibéré de Monsieur Hamza X... de ne pas utiliser des préservatifs, féminins ou masculins, comme moyen de prévention simple et efficace et en accès libre et qu'il a ainsi participé à la personnalisation de son préjudice moral ; qu'aucune disposition de la procédure organisée par les articles L. 3122-1 à L. 3122-6 du Code de la santé publique qui définissent le principe d'une offre faite ou refusée et d'une acceptation de l'offre ou de son refus, ne permet pas à l'ONIAM de retirer une offre qu'elle aurait faite dans le temps transactionnel de la procédure ; qu'en faisant une offre, l'ONIAM a nécessairement reconnu le principe d'un préjudice et que lui reconnaître la possibilité de retirer son offre serait contradictoire avec cette reconnaissance et constituerait nécessairement une menace potentielle pour la victime de ne pas être indemnisée de son préjudice dès lors qu'elle en conteste le quantum ; que les éléments de fait énoncés dans le corps du présent arrêt permettent à la Cour d'allouer l'indemnité sollicitée comme il est dit dans le dispositif ;

Alors, de première part, qu'aucune disposition de la procédure organisée par les articles L. 3122-1 à L. 3122-6 du Code de la santé publique n'interdit à l'ONIAM, dont l'offre a été refusée, et qui se trouve dès lors délié de toute obligation de se conformer à l'avis de la commission d'indemnisation, de contester devant la Cour d'appel, à laquelle il appartient de statuer sur l'existence et l'étendue des droits du requérant, la demande de celui-ci, fût-ce en contradiction avec l'avis de ladite commission d'indemnisation, conformément auquel cette offre avait été formulée ; que la Cour d'appel a méconnu les dispositions précitées ;

Alors, de deuxième part, qu'ensuite du refus par son destinataire de l'offre formulée par le directeur de l'ONIAM, sur avis conforme de la commission d'indemnisation, cette offre est caduque ; que la Cour d'appel ne pouvait estimer que l'ONIAM était toujours lié par les termes de cette offre, alors même qu'elle constatait que Monsieur Hamza X... l'avait refusée, sans violer les articles 1101 et 1134 du Code civil ;

Alors, de troisième part, que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir ; que délié devant le juge de l'obligation de se conformer à l'avis de la commission d'indemnisation, l'ONIAM ne saurait se voir reprocher de s'être contredit, ni même d'avoir par ce revirement, déjoué les attentes légitimes de Monsieur X..., lequel, nonobstant l'offre qui lui avait été adressée, a choisi de la refuser et de saisir le juge de sa demande ; que la Cour d'appel ne pouvait dès lors opposer quelque fin de non recevoir à l'argumentation de l'ONIAM sans méconnaître l'article 122 du Code de procédure civile ;

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