24 juin 2009
Cour de cassation
Pourvoi n° 08-12.251

Troisième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2009:C300834

Titres et sommaires

BAIL COMMERCIAL - nullité - effets - restitutions - contrepartie de la jouissance des locaux - modalités - détermination - contrats et obligations conventionnelles - restitution - impossibilité - prestation exécutée - portée

Après annulation du contrat de bail commercial, le preneur doit une indemnité d'occupation en contrepartie de la jouissance des locaux

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le deuxième moyen et la première branche du troisième moyen, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 septembre 2007, rectifié le 6 novembre 2007), que la société Montfort dépôt vente antiquités (MDVA) a acquis, par acte du 31 décembre 2000, avec le droit au bail, le fonds de commerce exploité par la société Modeve dans des locaux appartenant à la société Garage X... ; que par arrêt devenu définitif du 29 janvier 2004 de la cour d'appel, l'acte de cession du fonds de commerce a été annulé pour dol ; que la société Garage X... a assigné la société MDVA pour la voir condamner à payer les loyers échus ou, à titre subsidiaire, une indemnité d'occupation ; que cette dernière s'est prévalue de la nullité de la cession du fonds de commerce, entraînant celle du bail, et a demandé la condamnation de la société Garage X... à lui payer diverses sommes pour manquement à l'obligation de loyauté ;

Attendu que la société Garage X... fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des préjudices subis par la société MDVA, alors, selon le moyen :

1° / que la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation d'un contrat suppose une faute de ce cocontractant ; qu'en déclarant la société Garage X... responsable des préjudices subis par la société MVDA du fait de l'annulation du bail tout en ayant relevé que le bail était un élément du fonds de commerce de sorte que l'annulation de la cession du fonds de commerce avait eu pour conséquence nécessaire de rendre nul pour défaut de cause le bail concédé par la société Garage X... à la société MDVA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 1304 et 1382 du code civil ;

2° / que le bailleur auquel la cession du fonds de commerce du preneur est notifiée n'est tenu à l'égard du cessionnaire d'aucune obligation d'information ; qu'en considérant que la société Garage X... était tenue d'avertir la société MDVA de la non conformité des locaux loués et de la nécessité d'une régularisation administrative avec des travaux à réaliser à cette fin, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3° / que la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation d'un contrat suppose qu'une faute imputable à ce cocontractant ait causé l'annulation du contrat à l'origine du préjudice allégué par l'autre partie ; qu'en déclarant la société Garage X... responsable des préjudices subis par la société MVDA du fait de l'annulation du bail sans retenir un lien de causalité entre la faute d'information retenue et l'annulation, qu'elle avait prononcée pour défaut de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4° / que la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation du contrat ne permet pas à la partie qui s'estime victime d'obtenir réparation du préjudice né de l'inexécution du bail ; qu'en retenant, au titre du préjudice réparable, un préjudice d'exploitation résultant de la mise en conformité des locaux ainsi que divers préjudices liés à la cessation d'activité et en considérant que la société Garage X... devait réparation des préjudices ayant un lien direct avec le bail tandis qu'elle avait prononcé la nullité de ce bail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1304 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Garage X... avait commis une faute délictuelle en s'abstenant délibérément, lors du renouvellement du bail des locaux, d'informer la société MDVA de leur situation de non conformité, et qu'elle était responsable des préjudices subis par cette dernière du fait de la location et en résultant directement, la cour d'appel, qui n'a pas dit que la faute de la société Garage X... était en rapport avec la cession du fonds de commerce, l'exécution du bail ou son annulation, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1304 du code civil ;

Attendu que la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Garage X... du paiement par la société MDVA des loyers ou, à titre subsidiaire, d'une indemnité d'occupation, l'arrêt retient que, le bail étant annulé pour défaut de cause en conséquence de l'annulation, par un arrêt antérieur, de l'acte de cession du fonds de commerce, la société Garage X... ne peut prétendre, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation du bail, à l'indemnisation de la jouissance des lieux par la société MDVA ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société MDVA avait bénéficié de la jouissance des locaux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Et sur la seconde branche du troisième moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que l'arrêt retient, au titre des préjudices subis par la société MDVA, que la société Garage X... doit réparer, des sommes au titre des pertes sur les stocks initial et constitué ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le même préjudice n'avait pas déjà été réparé par l'arrêt du 29 janvier 2004, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu ‘ il a débouté la société garage
X...
de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation et condamné cette dernière à payer à la société MDVA des sommes au titre des pertes sur les stocks, l'arrêt rendu le 4 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Garage X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 4 septembre 2007 rectifié par celui du 6 novembre suivant d'avoir condamné la société GARAGE X... à payer à la société MDVA la somme de 74. 155 euros et d'avoir rejeté la demande de la société GARAGE X... tendant à la condamnation de la société MDVA à lui verser une indemnité d'occupation en conséquence de l'annulation du bail ayant entraîné la restitution des loyers perçus ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE par arrêt en date du 29 janvier 2004, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il avait annulé la cession faite le 31 décembre 2000 par la société MODEVE à la société MDVA du fonds de commerce de dépôt vente exploité 8 rue Amaury à Montfort L'Amaury, condamné la société MODEVE à rembourser le prix de vente mais en constatant que la société MDVA limitait sa demande à la somme de 73. 648 euros ; que le bail est un élément du fonds de commerce de sorte que l'annulation de la cession du fonds de commerce a eu pour conséquence nécessaire de rendre nul le bail concédé par la société GARAGE X... à la société MDVA, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges ; que la société GARAGE X... ne pouvait en conséquence qu'être déboutée de sa demande de paiement de loyers ; qu'en revanche elle est tenue de restituer les loyers reçus ; qu'en raison de l'effet rétroactif de l'annulation du bail, la société GARAGE X... ne peut prétendre à l'indemnisation de la jouissance des lieux et en conséquence au paiement d'indemnités d'occupation ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE du fait de l'annulation de la cession du fonds de commerce, le bail se trouve dépourvu de cause et sa nullité doit être prononcée ; que la situation doit être remise en l'état d'origine, le local doit être restitué et les loyers qui auraient été payés doivent être remboursés ; que l'effet rétroactif de l'annulation du contrat n'autorise pas l'indemnisation de la jouissance dont la société MVDA a bénéficié avant cette annulation ; qu'il n'y a donc pas lieu de mettre à la charge de la société MDVA le paiement d'indemnités d'occupation ;

ALORS QUE, dans le cas où le contrat nul a cependant été exécuté, les parties doivent être remises en l'état dans lequel elles se trouvaient avant cette exécution ; que lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer, comme la jouissance d'un bien loué, doit s'acquitter d'une indemnité d'occupation ; qu'en jugeant que la société GARAGE X... ne pouvait prétendre à l'indemnisation de la jouissance des lieux et en conséquence au paiement d'indemnités d'occupation, la cour d'appel a violé l'article 1304 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 4 septembre 2007 rectifié par celui du 6 novembre suivant, infirmatif sur ce point, d'avoir déclaré la société GARAGE X... responsable des préjudices subis par la société MDVA du fait de l'annulation du bail ;

AUX MOTIFS QUE la société GARAGE X... a reçu signification le 17 janvier 2001 de la cession du fonds de commerce entre la société MODEVE et la société MDVA ; que dès le 15 janvier elle avait renouvelé le bail au profit de la société MDVA ; qu'en 1993, la société MODEVE a construit sans autorisation administrative une mezzanine dans les locaux de la société GARAGE X... laquelle avait toutefois donné expressément son accord à la société MODEVE en apposant la mention « bon pour acceptation » sur la lettre que cette société lui avait expédiée le 21 octobre 1993 à cet effet ; qu'aucune régularisation de la situation n'est intervenue à la suite d'un avis défavorable de la commission de sécurité émis en 1997 sur la conformité des lieux ; qu'à la suite d'une nouvelle visite des lieux, le 19 décembre 2000, la commission de sécurité a émis un nouvel avis défavorable à l'exploitation de l'établissement dont la fermeture administrative jusqu'à la mise en conformité a été ordonnée le 30 août 2001 ; que monsieur
X...
avait été informé au cours de l'année 2000 de ce que les locaux n'étaient pas conformes aux exigences administratives ; qu'en effet, avisé le 1er août 2000 de la présence du rapport de la commission, il l'a retiré auprès de la mairie le 21 septembre 2000 ; qu'au moment de la signification de la cession du fonds de commerce par la société MODEVE et du renouvellement du bail consenti à la société MDVA en janvier 2001, la société GARAGE X... était ainsi parfaitement informée de ce que les locaux donnés en location à la société MODEVE puis à la société MDVA n'étaient pas conformes aux exigences de sécurité et qu'une régularisation administrative était nécessaire avec des travaux à réaliser à cette fin ; qu'elle a néanmoins accordé le renouvellement du bail ; qu'il ne résulte ni de l'acte de renouvellement de bail signé le 15 janvier 2001, ni d'aucun autre élément, de ce qu'elle a informé la société MDVA de la situation de non conformité et de ce que celle-ci s'en est trouvée avertie ; qu'en conséquence, c'est en pleine connaissance de cause que la société GARAGE X... a donné en location à la société MDVA des locaux non conformes ;

ALORS QUE, D'UNE PART, la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation d'un contrat suppose une faute de ce cocontractant ; qu'en déclarant la société GARAGE X... responsable des préjudices subis par la société MVDA du fait de l'annulation du bail tout en ayant relevé que le bail était un élément du fonds de commerce de sorte que l'annulation de la cession du fonds de commerce avait eu pour conséquence nécessaire de rendre nul pour défaut de cause le bail concédé par la société GARAGE X... à la société MDVA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 1304 et 1382 du Code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, le bailleur auquel la cession du fonds de commerce du preneur est notifiée n'est tenu à l'égard du cessionnaire d'aucune obligation d'information ; qu'en considérant que la société GARAGE X... était tenue d'avertir la société MDVA de la non conformité des locaux loués et de la nécessité d'une régularisation administrative avec des travaux à réaliser à cette fin, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

ALORS QU'ENFIN la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation d'un contrat suppose qu'une faute imputable à ce cocontractant ait causé l'annulation du contrat à l'origine du préjudice allégué par l'autre partie ; qu'en déclarant la société GARAGE X... responsable des préjudices subis par la société MVDA du fait de l'annulation du bail sans retenir un lien de causalité entre la faute d'information retenue et l'annulation, qu'elle avait prononcé pour défaut de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 4 septembre 2007 rectifié par celui du 6 novembre suivant d'avoir condamné la société GARAGE X... à payer à la société MDVA la somme de 6. 350 euros en remboursement des frais exposés pour la mise en conformité des lieux, la somme de 11. 888 euros au titre de la perte subie sur son stock initial et la somme de 25. 697 euros au titre de la perte subie sur son stock constitué ;

AUX MOTIFS QUE, par arrêt en date du 29 janvier 2004, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il avait annulé la cession faite le 31 décembre 2000, par la société MODEVE LE CAFE DES ARTS à la société MONTFORT DEPOT VENTE ANTIQUITES, du fonds de commerce de dépôt vente exploité 8 rue Amaury, à Montfort Lamaury, condamné la société MODEVE à rembourser le prix de vente mais en constatant que la société MDVA limitait sa demande à la somme de 73. 648 euros et à payer à la société MDVA la somme de 629, 48 euros au titre des pertes d'exploitation outre la somme de 6. 350 euros au titre des frais engagés pour pallier les défauts de conformité, débouté la société MDVA du surplus de ses prétentions et la société MODEVE de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, y ajoutant a condamné la société MODEVE à payer à la société MDVA la somme de 29. 641, 33 euros au titre du préjudice complémentaire, avec capitalisation des intérêts à compter du 7 octobre 2003 (arrêt page 6) ….. que la société GARAGE X... devra réparation des seuls préjudices ayant un lien direct avec le bail ; que la société GARAGE X... devra rembourser à la société MVDA le montant des frais engagés pour la mise en conformité des locaux, soit 6. 350 euros ; qu'en raison de l'absence de conformité des lieux donnés en location, l'établissement a dû être fermé ce qui a entraîné la cessation d'activité avec la nécessité pour la société MVDA de vendre le stock (acheté à la société MODEVE ou acquis ultérieurement) ce, aux enchères en raison du refus de la société MODEVE de le racheter ; qu'elle a ainsi perdu une somme de 11. 888 euros sur le stock initial et de 25. 697 euros sur le stock constitué dont la société GARAGE X... devra l'indemniser ;

ALORS QUE D'UNE PART la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation du contrat ne permet pas à la partie qui s'estime victime d'obtenir réparation du préjudice né de l'inexécution du bail ; qu'en retenant, au titre du préjudice réparable, un préjudice d'exploitation résultant de la mise en conformité des locaux ainsi que divers préjudices liés à la cessation d'activité et en considérant que la société GARAGE X... devait réparation des préjudices ayant un lien direct avec le bail tandis qu'elle avait prononcé la nullité de ce bail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1304 du Code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, il résulte du principe de réparation intégrale que les dommages et intérêts alloués à la victime doivent réparer son entier préjudice sans toutefois pouvoir excéder celui-ci ; qu'en particulier ce principe interdit le cumul d'indemnités pour la réparation d'un même dommage ; qu'en décidant pourtant de condamner la société GARAGE X... à payer à la société MDVA les sommes de 11. 888 euros au titre du stock initial et de 25. 697 euros au titre du stock constitué, tandis que les juges du fond avaient condamné dans une autre instance la société MODEVE à payer à la société MDVA la somme de 23. 379, 18 euros au titre de la perte sur le stock consécutive à l'annulation du bail, la cour d'appel a réparé deux fois le même dommage et violé l'article 1382 du Code civil.

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