22 octobre 2009
Cour de cassation
Pourvoi n° 08-19.576

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2009:C201592

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - rente - paiement - imputation - modalités - détermination - portée - préjudice indemnisé - etendue - détermination accident de la circulation - indemnisation - tiers payeur - recours - recours sur un poste de préjudice personnel - condition de versement effectif et préalable de la prestation - application - décision définitive d'attribution de la rente - effet - versement des arrérages à échoir ou échus - portée securite sociale, accident du travail - tiers responsable - recours des caisses - exercice - décision définitve d'attribution de la rente - recours de la victime - préjudice professionnel - défaut - accident de la circulation - offre de l'assureur - obligation - responsabilité de l'etat substituée à celle du conducteur assuré - défaut d'influence - assurance responsabilite - assurance obligatoire - véhicule terrestre à moteur - sanction - majoration du taux d'intérêt - assiette

Il résulte de l'article L. 434-2 du code la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent. En l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent. Lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, l'organisme de sécurité sociale est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus, de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie. Par suite, viole les articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale, une cour d'appel qui impute la moitié des arrérages échus de la rente accident du travail, allouée à la victime d'un accident de la circulation, sur l'indemnité réparant le poste du déficit fonctionnel permanent et l'autre moitié sur l'indemnité réparant le poste de perte de gains professionnels futurs

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Donne acte à M. X... de ce qu'il se désiste de son pourvoi n° U 08 19.576 ;


Joint les pourvois n° U 08 19.576 et n° A 08 19.628 ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 13 juin 1999, M. Y..., stagiaire gardien de la paix, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. X..., également stagiaire gardien de la paix, assuré auprès de la société Matmut ; que, blessé, M. Y... a assigné en indemnisation M. X..., son assureur, et l'Etat, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Cher ; qu'un arrêt du 22 juin 2006 a décidé que la responsabilité de l'Etat était substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions et a sursis à statuer sur la liquidation du préjudice corporel de la victime ;


Sur le moyen unique du pourvoi n° U 08 19.576, pris en sa première branche :


Attendu que la société Matmut fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. Y... les intérêts au double du taux légal sur la somme de 449 319,68 euros à compter du 13 février 2000 jusqu'au 28 avril 2008, alors, selon le moyen, que l'assureur d'un véhicule terrestre à moteur dont il a été définitivement jugé qu'il n'est pas tenu d'indemniser la victime de l'accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule assuré ne peut être tenu de payer à la victime des intérêts au taux majoré pour ne pas lui avoir fait d'offre d'indemnisation dans le délai prévu par l'article L. 211 9 du code des assurances ; qu'en l'espèce, il a été définitivement jugé que la société Matmut ne devait pas garantir les conséquences de l'accident survenu le 13 juin 1999 à l'occasion duquel M. Y... a été blessé ; qu'en jugeant néanmoins que cet assureur devrait payer à cette victime des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 449 319,68 euros à compter du 28 avril 2008, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, ensemble les articles L. 211 9 et L. 211 13 du code des assurances ;


Mais attendu que selon l'article L. 211 9 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er août 2003, applicable en l'espèce, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ;


Et attendu qu'ayant énoncé à bon droit que lorsque l'assureur invoque une exception de garantie légale ou contractuelle, il est tenu de satisfaire aux prescriptions des articles L. 211 9 à L. 211 17 du code des assurances pour le compte de qui il appartiendra, que ni la lettre ni l'esprit de la loi du 5 juillet 1985 qui tend à favoriser une indemnisation la plus rapide possible des victimes, ne permettent à la société Matmut de soutenir que l'Etat lui aurait été substitué dans ses obligations, lesquelles visent l'assureur du véhicule impliqué, l'arrêt décide exactement que l'obligation de présenter une offre incombait à l'assureur du véhicule impliqué ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le moyen unique du pourvoi n° A 08 19.628 :


Vu les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 et les articles L. 434 1 et L. 434 2 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;


Attendu qu'il résulte du dernier des textes susvisés que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que, lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, l'organisme de sécurité sociale est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages futurs, de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie ;


Attendu que l'arrêt condamne l'Etat à payer une certaine somme à la victime en réparation de son préjudice en n'imputant sur l'indemnité réparant le poste du déficit fonctionnel permanent que la moitié des arrérages échus de la rente accident du travail allouée à la victime et l'autre moitié sur l'indemnité réparant le poste de perte de gains professionnels futurs, en retenant que, si l'Etat entend exercer son recours sur un poste de préjudice personnel, tel celui du déficit fonctionnel permanent, il lui appartient d'établir que, pour au moins une part de cette prestation, il a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, au titre de ce poste, que dès lors qu'il ne justifie avoir versé des arrérages que pour la somme de 13 773,27 euros, il ne pourra exercer son recours qu'à hauteur de cette somme ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé ;


Et sur le moyen unique du pourvoi n° U 08 19.576, pris en sa deuxième branche :


Vu l'article L. 211 13 du code des assurances ;


Attendu, selon ce texte, que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211 9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;


Attendu que l'arrêt prend pour assiette des intérêts au taux majoré l'indemnité qu'il fixe tout en retenant que l'Etat avait présenté une offre d'indemnisation qui avait mis fin au cours des intérêts ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'agent judiciaire du Trésor à payer à M. Y... la somme de 234 831,19 euros et en ce qu'il a condamné la société Matmut à payer à M. Y... les in térêts au double de l'intérêt légal sur la somme de 449 319,68 euros à compter du 13 février 2000 jusqu'au 28 avril 2008, l'arrêt rendu le 26 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;


Condamne M. Y... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille neuf.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt.


Moyen produit au pourvoi n° U 08 19.576 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Matmut assurances.


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la MATMUT à payer à Monsieur Y... les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 449.319,68 euros à compter du 13 février 2000 jusqu'au 28 avril 2008 ;


AUX MOTIFS QUE pour s'opposer à la demande de Monsieur Y... tendant à voir la MATMUT condamnée à payer sur le montant des indemnités allouées un intérêt au double du taux de l'intérêt légal sur le fondement des articles L. 211-9 et suivants du Code des assurances et ce à compter de l'expiration du délai de 8 mois suivant l'accident et jusqu'à l'arrêt définitif, la MATMUT fait valoir que l'ensemble des obligations édictées tant par les textes susvisés que par la loi du 5 juillet 1985 se trouve reporté sur l'Etat ; que toutefois, ainsi que l'avait relevé la Cour dans son précédent arrêt du 22 juin 2006 sans que s'y attache l'autorité de la chose jugée, il résulte de l'article L. 211-20 du Code des assurances que lorsque l'assureur invoque une exception légale ou contractuelle il est tenu de satisfaire aux prescriptions des articles L. 211-9 à L. 211-17 du Code des assurances pour le compte de qui il appartiendra ; que ni la lettre ni a fortiori l'esprit de la loi du 5 juillet 1985 qui tend à favoriser une indemnisation la plus rapide possible des victimes ne permettent à la MATMUT de soutenir que l'Etat lui aurait été substitué dans ces obligations lesquelles visent l'assureur du véhicule impliqué, qualité que ne conteste pas en l'espèce la MATMUT ; qu'il résulte des articles L. 211-8 et suivants du Code des assurances que l'assureur est tenu de présenter une offre d'indemnisation dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident et que, lorsque l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité allouée par le juge produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement définitif ; que seule l'offre d'indemnisation de l'Etat par conclusions du 28 avril 2008 a pu mettre un terme au cours des intérêts prévus par l'article L. 211-13 du Code des assurances ; que la MATMUT sera en conséquence condamnée à payer à Monsieur Y... les intérêts aux doubles du taux de l'intérêt légal sur la somme de 449.319,68 euros montant total des indemnités allouées avant déduction de la créance de l'Etat, ce à compter du 13 février 2000 jusqu'au 28 avril 2008 ;


1°) ALORS QUE l'assureur d'un véhicule terrestre à moteur dont il a été définitivement jugé qu'il n'est pas tenu d'indemniser la victime de l'accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule assuré ne peut être tenu de payer à la victime des intérêts au taux majoré pour ne pas lui avoir fait d'offre d'indemnisation dans le délai prévu par l'article L. 211-9 du Code des assurances ; qu'en l'espèce, il a été définitivement jugé que la MATMUT ne devait pas garantir les conséquences de l'accident survenu le 13 juin 1999 à l'occasion duquel Monsieur Y... a été blessé ; qu'en jugeant néanmoins que cet assureur devrait payer à cette victime des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 449.319,68 euros à compter du 13 février 2000 jusqu'au 28 avril 2008, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble les articles L. 21 I-9 et L. 211-13 du Code des assurances ;


2°) ALORS QUE, en tout état de cause, lorsqu'une offre tardive a été faite à la victime, les intérêts au taux majoré courent jusqu'à la date à laquelle cette offre a été faite et sur le montant de l'indemnité offerte à la victime ; qu'en jugeant, après avoir constaté que «l'offre d'indemnisation de l'Etat par conclusions du 28 avril 2008 a mis un terme au cours des intérêts prévus par l'article L. 211-13 du Code des assurances » (arrêt p. 11, dernier alinéa), que la MATMUT devait être condamnée à payer des intérêts au taux majoré à la victime sur la somme de 449.319,68 euros qui correspond au montant de l'indemnité allouée par le juge et non pas au montant offert à la victime, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 211-13 du Code des assurances.




Moyen produit au pourvoi n° A 08 19.628 par la SCP Ancel et Couturier Heller, avocat aux Conseils, pour l'agent judiciaire du Trésor.


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'Etat à payer à M. Y... la somme de 234.831,19 euros en réparation de son préjudice en n'imputant sur le poste déficit fonctionnel permanent que les arrérages versés du 29 septembre 2001 au 31 mars 2006 pour 50% de la rente accident du travail qui lui est accordée, dont les autres 50% ont été imputés sur le poste perte de gains professionnels futurs ;


AUX MOTIFS QUE « déficit fonctionnel permanent (DFP) »


« Au vu du rapport d'expertise et compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation (30 ans), la cour fixera ce poste de préjudice, sur la base de 1.700 euros le point, à la somme de 34.000 euros ;


L'agent judiciaire du Trésor public entend voir imputer sur ce poste sa créance au titre de la rente accident du travail à concurrence de 50 % ;


Toutefois, dès lors que l'Etat entend comme en l'espèce exercer son recours sur un poste de préjudice personnel, tel celui du déficit fonctionnel permanent, il lui appartient d'établir que, au moins pour une part de cette prestation, il a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, au titre de ce poste ;


Dès lors qu'il ne justifie avoir versé des arrérages que pour la somme de 13.773,27 euros selon le dernier état de ses débours, il ne pourra exercer son recours sur ce poste qu'à hauteur de cette somme, de telle sorte qu'il restera devoir à M. Y... une somme de 34.000 – 13.773,27 = 20.226,73 » ;


ALORS QUE la rente accident du travail répare pour partie les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité et pour une autre partie le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ;


Que dès lors que le tiers payeur établit le versement de la rente et qu'elle répare pour partie le déficit fonctionnel permanent, celle-ci doit alors s'imputer pour cette partie sur ce poste de préjudice pour la totalité des arrérages échus comme échoir ;


D'où il résulte que la Cour d'appel qui constatait que l'Etat versait à M. Y... une rente accident du travail au taux de 36% qui réparait pour 50% le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent ne pouvait limiter l'imputation de la rente aux seuls arrérages versés jusqu'au 31 mars 2006, faisant ainsi bénéficier la victime d'une double réparation du préjudice déficit fonctionnel permanent ; qu'elle a ainsi violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 et l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale.

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