18 janvier 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 04-17.400

Troisième chambre civile

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - responsabilité - responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - garantie décennale - domaine d'application - désordres évolutifs - condition

De nouveaux désordres constatés au-delà de l'expiration du délai décennal qui est un délai d'épreuve, ne peuvent être réparés au titre de l'article 1792 du code civil que s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature avait été constaté et dont la réparation avait été demandée en justice avant l'expiration de ce délai.

Texte de la décision

Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2003), que la Société d'économie mixte et d'aménagement de la ville de Créteil a fait construire par la société Quillery, en 1973-1974, un immeuble à usage de "parkings" ; que la réception a été prononcée sans réserves en décembre 1974 ; que des désordres sont apparus en 1981 sur des "corbeaux" ; que , par jugement du 4 mars 1988, le tribunal de grande instance de Créteil a retenu la responsabilité décennale de la société Quillery et l'a condamnée à procéder aux travaux de reprise ; qu'en 1997, de nouveaux "corbeaux" ont été affectés de désordres ; que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du parc de stationnement Silo Est, dit l'Echat, et l'Union des syndicats de copropriétaires ont de nouveau assigné la société Quillery en réparation de ces désordres ;


Attendu que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du parc de stationnement Silo Est, dit l'Echat, et l'Union des syndicats de copropriétaires font grief à l'arrêt d'accueillir la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'habilitation des syndics et de déclarer irrecevable leur action, alors, selon le moyen :


1 / que la garantie décennale couvre non seulement les dommages actuels mais également les conséquences futures des vices dont la réparation a été demandée au cours de la période de garantie et qui ont été visés par l'assignation ; que, procédant des mêmes causes que les dommages décennaux déjà constatés sur des éléments semblables, ces conséquences futures sont couvertes quand bien même affectent-elles un élément isolé et distinct non encore endommagé et non encore réparé mais de même nature que les éléments endommagés et réparés dans le délai décennal, l'ensemble de ces éléments déjà endommagés ou non, et réparés ou non, constituant un ouvrage unique ou du moins, une partie d'ouvrage ; que le juge d'appel a relevé que, de même nature que les précédents et procédant des mêmes causes, les désordres survenus en 1997 affectent d'autres corbeaux que ceux déjà réparés au cours du procès clos en 1988; qu'il a également constaté l'appartenance de tous les corbeaux au même lot gros oeuvre confié à la société Quillery ainsi que l'absence de limitation du nombre des corbeaux réparables dans l'assignation initiale ; qu'en statuant de la sorte sans rechercher si les corbeaux ne constituaient pas un même ouvrage ou du moins une même partie d'ouvrage, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 2270 du Code civil ;


2 / qu'est couvert le désordre apparaissant après l'expiration du délai décennal dès lors qu'il est contenu en germe dans la malfaçon constatée en temps utile, le dommage étant alors certain en son principe comme inéluctable ; qu'en refusant la garantie des dommages affectant certains corbeaux au motif que ces dommages n'étaient pas encore visibles dans le délai décennal et avaient ainsi subi avec succès le délai d'épreuve tout en admettant que ces dommages procédaient exactement des mêmes causes que ceux initialement visés par la première assignation et garantis aux termes d'une première décision de justice, le juge d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1792 et 2270 du Code civil ;


3 / qu'en tout état de cause, une décision de justice doit se suffire à elle-même et être suffisamment motivée ; qu'en se bornant à relever qu'ensuite de la première expertise de M. X..., la société Quillery a réparé à ses frais dix-huit corbeaux et qu'ensuite de la seconde expertise du même auteur, cette même société a réparé d'autres corbeaux moins nombreux que les précédents et que les désordres des derniers corbeaux exigent la mise en oeuvre de travaux de réfection de neuf d'entre eux dont les emplacements sur plusieurs niveaux sont précisés au devis du 22 mars 1999 de l'entreprise retenue par l'expert Y..., le juge d'appel n'a pas mis en évidence la non-identité des corbeaux déjà réparés et de ceux visés dans la nouvelle assignation ;


qu'en statuant de la sorte, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 2270 du Code civil ;


4 / que sous le régime de la copropriété, une nouvelle délibération de l'assemblée générale n'est pas nécessaire pour assigner en réparation de désordres résultant d'un vice déjà visé par assignation préalable ayant déjà été autorisée en son temps ; qu'en prenant acte de l'insuffisance de l'habilitation donnée dans le cadre de la nouvelle action ne visant que de simples nouvelles manifestations d'un vice déjà visé pour l'ensemble des corbeaux dans l'assignation de 1981, le juge d'appel a violé les articles 1792 et 2270 du Code civil, 31 et 117 du nouveau Code de procédure civile et 55 du décret du 17 mars 1967 ;


5 / que la seule irrégularité d'une habilitation réelle ne peut être invoquée par le défendeur à l'action mais seulement par les copropriétaires ; qu'en prenant acte d'une simple insuffisance d'identification de l'objet du litige invoquée par la société Quillery, le juge d'appel a violé les articles 1792 et 2270 du Code civil, 31 et 117 du nouveau Code de procédure civile et 55 du décret du 17 mars 1967 ;


6 / que l'action intentée par le syndicat des copropriétaires lui-même, propriétaire de lots interrompt le délai décennal au profit des autres copropriétaires et de l'union des syndicats de copropriétaires ;


qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'il le lui était demandé, si la qualité de propriétaire du syndicat suffisait en soi à conférer à son action, un effet interruptif en dépit même d'une habilitation imparfaite et tout en adoptant le motif du premier juge par lequel celui-ci a admis l'indéniable qualité de propriétaire du syndicat et de l'union des syndicats, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 2270 du Code civil, 31 et 117 du nouveau Code de procédure civile et 55 du décret du 17 mars 1967 ;


Mais attendu que de nouveaux désordres constatés au-delà de l'expiration du délai décennal qui est un délai d'épreuve, ne peuvent être réparés au titre de l'article 1792 du Code civil que s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration de ce délai ; qu'ayant, d'une part, constaté que les désordres survenus en 1997 affectaient d'autres "corbeaux" que ceux qui avaient déjà été réparés au cours du procès clos en 1988 et que les derniers "corbeaux" au nombre de neuf avaient satisfait au délai d'épreuve décennal, la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes sur la qualification d'ouvrage, a souverainement retenu que les désordres dénoncés en 1997 s'analysaient en des désordres nouveaux ;


Et attendu, d'autre part, que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble parc de stationnement Silo Est, dit L'Echat, et l'Union des syndicat des copropriétaires n'ayant pas soutenu que l'irrégularité de l'habilitation ne pouvait être invoquée que par les copropriétaires, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;


D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne le syndicat des copropriétaires de l'Immeuble du Parc de stationnement Silo Est, dit L'Echat, et l'Union des syndicats des copropriétaires du Parc de stationnement Silo Est, dit L'Echat, aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l'Immeuble du Parc de stationnement Silo Est, dit L'Echat, et l'Union des syndicats des copropriétaires du Parc de stationnement Silo Est, dit L'Echat, à payer à la société Quillery la somme de 1 800 euros ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l'Immeuble du Parc de stationnement Silo Est, dit L'Echat, et de l'Union des syndicats des copropriétaires du Parc de stationnement Silo Est, dit L'Echat ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille six.

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