25 avril 1969
Cour de cassation
Pourvoi n° 66-13.446

Chambre mixte

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

PRESCRIPTION CRIMINELLE ACTION CIVILE DOMMAGE REPARATION ACTION POSTERIEURE DE LA VICTIME POUR AGGRAVATION DE SON ETAT - cette regle s'appliquait a toute action qui avait pour objet la reparation d'un dommage cause par un delit notamment celui de blessures involontaires - des lors l'action introduite en application des textes susvises qui a la suite de l'aggravation de l'etat de la victime a pour objet la reparation complementaire de ce dommage est elle - meme soumise a la prescription triennale - et le point de depart de cette prescription est la date de l'arret correctionnel

SELON LES ARTICLES 637 ET 638 DU CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE, L'ACTION CIVILE RESULTANT D'UN DELIT DE NATURE A ETRE PUNI CORRECTIONNELLEMENT SE PRESCRIVAIT PAR TROIS ANS A COMPTER DU JOUR OU IL AVAIT ETE COMMIS SI DANS CET INTERVALLE IL N'AVAIT ETE FAIT AUCUN ACTE D'INSTRUCTION NI DE POURSUITE ET S'IL EN AVAIT ETE FAIT A COMPTER DU DERNIER DE CES ACTES.

Texte de la décision

FAITS

La compagnie d'assurances La Concorde s'est pourvue contre un arrêt rendu le 18 mai 1966 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence. Par arrêt en date du 28 octobre 1968, la deuxième Chambre civile a ordonné le renvoi de ce pourvoi devant une Chambre mixte. Par ordonnance du 17 janvier 1969, M. le Premier Président, au vu de cet arrêt, a désigné la première Chambre civile, la deuxième Chambre civile, la Chambre sociale et la Chambre criminelle pour composer ladite Chambre mixte.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation dont le premier est ainsi conçu :

"Violation des articles 10 du Code de procédure pénale, 1382, 1383 et 2252 du Code civil, et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale - en ce que l'arrêt attaqué, rejetant comme injustifié au fond l'appel de l'exposante, a confirmé le jugement entrepris qui a "réservé en l'état le moyen tiré de la prescription" et, en conséquence, ordonné une expertise médicale, après avoir, d'ores et déjà, écarté toute limitation de garantie - au motif que la prescription extinctive ne pouvait courir qu'à partir du moment où l'aggravation invoquée s'était révélée, le créancier éventuel ne pouvant agir auparavant, et qu'il y avait donc lieu de recourir à une expertise pour déterminer le point de départ de cette situation nouvelle - alors que la demande en aggravation pour des blessures, ayant donné lieu à une condamnation pénale devenue définitive, demeure une action civile dérivant du délit et se trouve exclusivement soumise à la prescription trentenaire de l'article 10 du Code de procédure pénale, dont le point de départ est invariablement le jour de la répression du fait délictieux ; qu'en refusant, dès lors, d'accueillir de plano l'exception de prescription soulevée par l'exposante, s'agissant d'un accident remontant au 31 janvier 1920 et réprimé définitivement le 26 juillet 1920, et Barbier, partie civile, n'ayant introduit sa demande en aggravation que le 9 novembre 1964, soit quarante quatre ans plus tard, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision."

Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe par Me Le Bret, avocat de la compagnie La Concorde. Un mémoire en défense a été produit par Me Calon, avocat de Barbier.



Sur quoi, la Cour, en l'audience publique du 25 avril 1969 ;

Statuant en Chambre mixte, et vidant le renvoi qui lui a été fait par la deuxième Chambre civile ;

Sur le rapport de M. le Conseiller Cunéo, les observations de Me Le Bret, avocat de la compagnie La Concorde, de Me Calon, avocat de Barbier, les conclusions de M. Schmelck, avocat général, et après en avoir délibéré en la Chambre du conseil ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 637 et 638 du Code d'instruction criminelle, seuls applicables en l'espèce ;

Attendu qu'aux termes de ces textes, l'action civile résultant d'un délit de nature à être puni correctionnellement se prescrit par trois ans à compter du jour où il a été commis, si dans cet intervalle il n'a été fait aucun acte d'instruction ni de poursuite et s'il en a été fait à compter du dernier de ces actes ; que cette règle s'applique à toute action qui a pour objet la réparation d'un dommage causé par un délit ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, qu'un jugement du Tribunal correctionnel en date du 15 mai 1920, confirmé par un arrêt du 26 juillet 1920, a déclaré Collard coupable de blessures involontaires sur la personne de Raymond X..., alors âgé de neuf ans, et l'a condamné, ainsi que la compagnie La Métropole, son employeur, déclarée civilement responsable, à constituer au profit de Raymond X... une rente annuelle et viagère, que la compagnie La Concorde, assureur de la compagnie La Métropole, lui a depuis régulièrement versée avec les majorations légales ;

Attendu que son état s'étant aggravé, Raymond X... a, par exploit du 3 novembre 1964, assigné la compagnie La Concorde en augmentation de ladite rente ; que cette compagnie a opposé à cette demande l'exception de prescription ;

Attendu que pour réserver l'examen de cette exception, après détermination, par une expertise médicale, du jour où l'aggravation s'était révélée, l'arrêt énonce que la prescription n'avait pu courir que dudit jour ;

Mais attendu que l'action de Raymond X... avait pour objet la réparation complémentaire du dommage qui lui avait été causé par les blessures involontaires sanctionnées par l'arrêt du 26 juillet 1920 ; qu'elle se trouvait donc soumise à la prescription triennale dont le point de départ était la date dudit arrêt ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen subsidiaire :

Casse et annule l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 18 mai 1968 ; remet en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nîmes.

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