26 janvier 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/00972

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 26 JANVIER 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00972



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/10731



APPELANT :



Monsieur [I] [R]

né le [Date naissance 1] 1945

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Jacques MONTACIE de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie MASKER, avocat au barreau de SAINT ETIENNE



INTIMEE :



SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie MASKER de la SELAFA JEAN CLAUDE COULON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0002



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC



Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.



ARRET :



- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.


M. [R] était associé de la société civile des Mousquetaires (SCM), société fermée à capital variable dans laquelle seuls peuvent être associés les chefs d'entreprise indépendants exploitant leurs activités sous l'une des enseignes du groupement Intermarché. Entre 1993 et 1999, il a souscrit 60 parts pour un montant total de 95.890,40 euros.



A la suite de la cession de son entreprise, conformément aux statuts, M. [R] a été exclu de la SCM par assemblée générale du 25 mai 2005, ses parts lui étant remboursées en quatre fois pour un montant total de 274.243,80 euros calculé sur la base de la valeur statutaire de 4.570,13 euros la part.



Contestant cette valorisation, M.[R] a sollicité la désignation d'un expert. Par ordonnance du 2 juin 2010, le président du tribunal de grande instance de Paris a désigné M.[S] en qualité d'expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil. Sur appel-nullité de la SCM, la présente cour a par arrêt du 16 mars 2011 infirmé l'ordonnance en ce qu'elle avait désigné un tiers évaluateur. Cet arrêt a été cassé et annulé par la Cour de cassation le 15 mai 2012, seulement en ce qu'il avait infirmé l'ordonnance ayant désigné un tiers évaluateur et a dit n'y avoir lieu à renvoi.



C'est dans ce contexte que M.[S] a accompli sa mission et déposé son rapport le 25 février 2011, dans lequel il évalue les 60 parts à 3.208.306 euros.



Au vu de ce rapport, M.[R] a par acte du 17 juillet 2012 fait assigner la société civile des Mousquetaires devant le tribunal de grande instance de Paris en remboursement de ses parts sur la base de la valeur déterminée par l'expert.



Par jugement du 6 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la fin de non-recevoir tirée du non respect du préalable de conciliation, a dit n'y avoir lieu à homologation du rapport de M. [S], a débouté M.[R] de toutes ses demandes et l'a condamné à payer 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.



M.[R] a relevé appel de cette décision le 13 janvier 2015 et dans ses conclusions signifiées le 1er juin 2015 demande à la cour de dire que les dispositions de l'ordonnance du 31 juillet 2014 modifiant les dispositions de l'article 1843-4 du code civil sont inapplicables au rapport du tiers évaluateur déposé le 25 février 2011, de constater le caractère obligatoire du rapport du tiers évaluateur qui n'est affecté d'aucune erreur grossière, de constater que le principe du contradictoire a été respecté par le tiers évaluateur, de juger qu'en tout état de cause l'application de l'article 16-4 des statuts de la société et de l'article 6 du règlement intérieur aboutit au remboursement des capitaux propres consolidés soit un montant identique à celui du rapport, de dire que le tiers évaluateur s'est placé à la date la plus proche possible du remboursement pour déterminer la valeur des parts, d'écarter l'exception de nullité de ses apports et l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 1843-4 du code civil, de juger que l'existence d'une cession parfaite ne saurait découler de l'obligation de remboursement des parts de l'associé retrayant prévue par la loi et les statuts, en l'absence de pacte extra-statutaire et de levée d'option aménagée au profit du cessionnaire, de juger que l'application de l'article L 231-1 du code du commerce dans le cadre d'une société non coopérative ne peut aboutir au plafonnement du remboursement des parts du retrayant à concurrence de ses seuls apports, sauf à le priver de ses résultats mis en réserve, de juger qu'il n'a commis aucune faute et que le remboursement des parts dont la valeur a augmenté depuis son entrée dans la société ne caractérise aucun enrichissement personnel étant fondé sur le principe du contrat de société, en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable son action en paiement, de l'infirmer pour le surplus, de condamner la SCM au paiement de 2.934.062,20 euros, de 46.530,49 euros à parfaire au titre des intérêts moratoires à compter de l'assignation du 26 avril 2010, capitalisés et arrêtés au 12 juillet 2012, à parfaire à la date du paiement, subsidiairement, de condamner la société à 46.362,61 euros au titre de ces intérêts, au paiement de la moitié des frais d'expertise soit 17.342 euros, de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.



Dans ses écritures signifiées le 14 septembre 2015, la SCM demande à la cour, à titre principal, de dire que l'expert désigné par application de l'article 1843-4 du code civil était tenu d'appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur des parts prévues par les statuts ou par toute convention liant les parties, que le rapport de

M. [S] méconnaît les dispositions de l'article 1843-4 du code civil en ce qu'il refuse de tenir compte de l'engagement des associés et de la valeur résultant de l'application des statuts et du règlement intérieur de la société, de juger que la valeur des droits sociaux d'un associé démissionnaire ou exclu ne peut être déterminé par un expert désigné en application de l'article 1843-4,I du code civil dès lors que l'article L231-1 du code du commerce applicable aux sociétés à capital variable ne renvoie pas à ce texte, ni par application de l'article 1843-4, II du code civil dès lors que le prix de rachat des parts est déterminé par le règlement intérieur auquel renvoient les statuts, en conséquence, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de dire nul et de nul effet le rapport de M. [S], de débouter M.[R] de toutes ses prétentions, subsidiairement, 1) de juger la demande irrecevable en l'état, faute pour M.[R] de demander l'annulation des dispositions statutaires fixant les droits de l'associé retrayant et faute d'avoir préalablement mis en oeuvre la procédure de conciliation, 2) d'annuler le rapport de M.[S] pour défaut d'impartialité, 3) d'annuler les contrats d'apports de M.[R] du fait de l'erreur commise sur sa personne et par voie de conséquence d'annuler le rapport de M.[S], 4) d'annuler le rapport au vu de l'article 6-1 de la CESDH en ce que la décision désignant l'expert n'a pas fait l'objet d'un contrôle effectif dans le cadre du recours qu'elle avait formé et subsidiairement de ce chef, au titre de chacune des erreurs commises par l'expert sans égard pour le caractère d'une erreur grossière, 5) en ce qu'il porte une atteinte excessive au respect des biens protégés par l'article 1er du protocole additionnel de la CESDH, 6) en ce que l'article 1843-4 du code civil est inapplicable à une opération de réduction du capital définitivement réalisée, 7) en ce qu'il a commis une erreur grossière en évaluant les parts sociales à une date postérieure à la perte de qualité d'associé de M.[R], en s'estimant tenu d'évaluer les titres au 31 décembre 2009, 8) en ce qu'il a évalué les titres en violation de l'article L231-1 du code du commerce et a commis une erreur grossière de ce chef, 9) en ce qu'il a évalué les titres à une valeur différente de celle fixée par les statuts en violation des engagements contractuels pris par M.[R], 10) en ce qu'il a commis une erreur grossière en fixant la valeur des parts à une valeur de remboursement différente de celle qui avait été acceptée par M.[R], 11) en ce que l'expert a évalué les titres à une valeur économique fictive en ayant recours à des méthodes d'évaluation inadaptées à l'objet de l'évaluation et sans tenir compte des conséquences de son évaluation sur le patrimoine et donc sur la valeur des parts sociales, à titre subsidiaire et reconventionnel, de condamner M.[R] à lui payer par compensation le montant des sommes qui lui seraient dues sur la base du rapport de M.[S], en ce qu'il a engagé sa responsabilité contractuelle en méconnaissant ses obligations et en ce que les sommes qui seraient le cas échéant dues par la société à son profit constitueraient un enrichissement sans cause, en tout état de cause, de dire M.[R] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, de le condamner au paiement de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.




SUR CE

Liminairement, il sera relevé que la SCM qui conclut à titre principal à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la nullité du rapport d'expertise ne reprend qu'à titre subsidiaire ses fins de non-recevoir notamment celle tirée du défaut de conciliation préalable.



- Sur le rapport d'expertise et la demande en paiement des parts



Pour dire n'y avoir lieu à homologation du rapport d'expertise de M.[S] et rejeter la demande en paiement de M.[R], le tribunal a considéré que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil telles que modifiées par l'ordonnance du 31 juillet 2014 étant d'application immédiate, l'expert aurait dû appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur des parts prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties, ce qu'il n'a pas fait, ayant clairement retenu une valeur différente de celle fixée par les statuts.



M.[R] critique le jugement pour avoir appliqué rétroactivement à une situation contractuelle en cours, l'article 1843-4 du code civil en sa rédaction issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014 alors qu'il ne s'agit pas d'une loi interprétative dès lors qu'elle visait à restreindre les pouvoirs de l'expert quant à sa méthode d'évaluation des parts. Il considère en conséquence que les griefs à l'encontre du rapport d'expertise ne peuvent prospérer, dès lors qu'antérieurement à l'ordonnance du 31 juillet 2014, l'expert n'était pas tenu de respecter les stipulations contractuelles, que sa mission était de déterminer la valeur des parts en suivant la méthode lui apparaissant la plus appropriée, les conditions d'application de la loi dans le temps étant particulièrement floues et le texte ne précisant pas qu'il est d'application immédiate, que la convention des parties demeurait régie par le droit existant au jour de sa conclusion, que la loi nouvelle ne pouvait remettre en cause des droits acquis suivant une valeur déterminée par un rapport d'expertise plus de trois ans avant l'ordonnance du 31 juillet 2014, étant relevé que la mission de l'expert et par voie de conséquence la procédure d'évaluation qui aboutit à la fixation du prix par le tiers évaluateur s'est achevée avec le dépôt de son rapport, que le montant évalué par le tiers évaluateur est conforme à la valeur statutaire de remboursement résultant de l'article 16-4 des statuts, que l'article 6 du règlement intérieur ne définit pas la valeur de remboursement des parts sociales mais seulement leur valeur de souscription, cette dernière ne pouvant servir de valeur de remboursement que si elle est supérieure à la valeur résultant de l'application du premier alinéa de l'article 16-4 des statuts, qu'étant ici inférieure elle ne peut servir de valeur de référence pour la sortie, qu'enfin la valeur de remboursement des parts n'est ni déterminée ni déterminable dans la version 2002 applicable au litige de l'article 16-4 des statuts et de l'article 6 du règlement intérieur, de sorte que la nouvelle rédaction de l'article 1843-4 du code civil n'aurait eu aucun impact ni sur la désignation du tiers évaluateur, ni sur la recherche de la valeur de remboursement.



La SCM réplique à titre principal qu'en l'absence de dispositions transitoires, la loi nouvelle est d'application immédiate dès lors qu'elle ne remet pas en cause une situation définitivement constituée avant son entrée en vigueur, que l'article 1843-4 du code civil ne porte que sur le droit de faire désigner un expert et ne confère pas un droit acquis à une valeur, de même que l'ordonnance qui n'a d'autorité que pour la désignation qu'elle a décidé, que le rapport n'a pas non plus fait naître un droit acquis puisqu'il peut être contesté, qu'en outre la modification apportée par l'ordonnance du 31 juillet 2014 présente un caractère interprétatif permettant son application rétroactive, le législateur s'étant borné non pas à réformer le texte mais à en limiter l'interprétation extensive qui en avait été faite par la jurisprudence.



L'article 16.4 des statuts de SCM stipule que 'l'associé retrayant ou exclu est remboursé conformément à l'article 48 de la loi du 24 juillet 1867:

- de la fraction libérée et non amortie de son apport,

- et, s'il y a lieu, de sa quote-part dans les bénéfices de la société mis en réserves, telles que ces réserves figurent sur le dernier bilan régulièrement approuvé.

L'assemblée générale extraordinaire pourra toutefois décider que le montant du remboursement du à l'associé qui se retire ou est exclu sera fixé à la valeur de souscription des parts, déterminée par application des dispositions de l'article 6 du règlement intérieur, dans la mesure où cette valeur est supérieure au montant résultant de l'application de l'alinéa qui précède [....]'



Selon l'article 6 du règlement intérieur, la gérance proposera chaque année à l'assemblée générale annuelle une valeur de souscription des parts qui pourra également être retenue par l'assemblée générale conformément à l'article 16-4 de statuts comme valeur de remboursement, la valeur sera :



'- celle de l'année d'avant, majorée d'un pourcentage représentant une plus value de dix pour cent plus l'inflation ( indice INSEE des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé 'alimentation et boissons' base 100 en 1998.)



- toutefois, cette majoration n'interviendra que dans la mesure où le résultat net consolidé d'ITM ENTREPRISES et des ses filiales sera au moins égal, en valeur absolue, à l'augmentation des parts qui résulterait de l'application de la formule ci-dessus.'

Le quatrième alinéa de l'article 16-4 des statuts renvoie les parties en cas de

contestation de la valeur de remboursement des parts à la désignation d'un expert à l'amiable ou, à défaut, par le président du tribunal de grande instance du siège social conformément aux modalités de l'article 1843-4 du code civil, et précise: 'En tout état de cause, l'expert désigné déterminera la valeur de remboursement dans le respect des Statuts et du Règlement intérieur.'



Il est constant que M.[S] a été désigné au visa de l'article 1843-4 du code civil par l'ordonnance du 2 juin 2010 qui a retrouvé son plein effet ensuite de l'arrêt de la Cour de cassation ayant cassé l'arrêt de la cour d'appel qui avait annulé sa nomination. Il est donc intervenu en qualité de tiers évaluateur pour fixer la valeur des parts.



L'évaluation fixée par le tiers évaluateur s'impose aux parties à moins qu'il ne soit établi l'existence dans le rapport d'une erreur grossière d'appréciation.



Les parties sont contraires sur l'existence d'une telle erreur au regard de la loi applicable et des méthodes d'évaluation retenues par l'expert.



Dans sa version antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, l'article 1843-4 du code civil dispose: 'Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur des droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible'.



Est inopérant le moyen pris de ce que la modification de l'article 1843-4 du code civil issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014 selon laquelle ' [....]L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties', n'est pas applicable aux expertises ordonnées antérieurement à l'entrée en vigueur de cette nouvelle rédaction, dès lors qu'aucune disposition sous la rédaction antérieure n'autorisait l'expert à s'affranchir des méthodes d'évaluation arrêtées conventionnellement par les parties lorsque celles-ci existent, étant ajouté que la désignation de l'expert par le juge en application de la convention des parties ne confère pas à ce dernier une mission différente de celle résultant du mandat qui lui aurait été confié par les parties elles-mêmes si elles avaient été suffisamment diligentes pour s'entendre sur sa désignation, le respect par l'expert des modalités d'évaluation arrêtées par les parties étant essentiel dès lors qu'à défaut d'erreur grossière d'appréciation, l'évaluation de ce dernier s'imposera aux intéressés.



Il est par conséquent indifférent pour apprécier l'existence d'une erreur grossière d'évaluation que l'expert ait été désigné et ait accompli sa mission avant l'entrée en vigueur du nouveau texte, étant surabondamment relevé que ni la date des statuts ou de la convention des parties, ni l'ordonnance désignant l'expert, ni le dépôt du rapport d'expertise déterminant la valeur des parts ne sont constitutifs de droits acquis sur le prix de remboursement à dire d'expert, dès lors que l'évaluation faite par le tiers évaluateur ne s'imposera aux parties que si elle n'est pas arguée d'erreur grossière ou si l'existence d'une telle erreur est écartée par le juge, l'évaluation de M.[S] ayant en l'espèce toujours été contestée par la SCM.



Il ressort des dispositions statutaires et du règlement intérieur ci- dessus rappelées

que les parties ont expressément entendu encadrer les méthodes d'évaluation qui seront mises en oeuvre par l'expert, tiers évaluateur, en le renvoyant aux statuts et au règlement intérieur.



Dans son rapport, M.[S] a fixé la valeur des 60 parts à 3.208.306 euros en considérant qu'il lui appartenait de prendre en compte la valeur économique des parts basée sur l'offre et la demande d'un marché réel, qu'il a ainsi expressément écarté de sa méthode d'évaluation la valeur statutaire proposée par la SCM, celle-ci, selon lui, 's'écartant de manière trop importante des valeurs obtenues par les autres méthodes de valorisation' et a procédé à la recherche des valeurs au travers de trois méthodes: mathématique ou patrimoniale (actif net réévalué), comparaison avec le marché boursier et Price to Book (comparaison entre le valeur de marché des capitaux propres et leur valeur comptable).



M.[R] invoque vainement l'absence de modalités précises définies par les parties et le caractère indéterminé et indéterminable de la valeur de remboursement dans la convention des parties qui autorisait le tiers évaluateur à effectuer librement la recherche de valeur dans le cadre de la contestation, dès lors qu'il ne ressort pas du rapport une impossibilité de valoriser les parts dans le cadre fixé par les parties, les méthodes d'évaluation retenues par l'expert résultant au contraire d'un choix de méthodes jugées plus appropriées, étant en outre observé que la SCM verse au débat le rapport d'expertise établi dans le cadre d'un litige similaire avec un autre associé sortant qui a fixé la valeur des parts sur la base des critères conventionnels.


Il est donc manifeste, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, que l'expert a manifestement retenu une autre valeur que celle fixée par les statuts et convenues entre les parties, ce constat caractérisant à suffisance une erreur grossière d'appréciation.



Cette erreur grossière prive de tout effet l'évaluation des parts réalisée par M.[S], la cour n'ayant, compte tenu de la spécificité de la mission du tiers évaluateur, et de la procédure définie par les parties pour déterminer la valeur des parts en cas de contestation, que le pouvoir d'annuler le rapport et non pas celui de discuter le montant retenu en se substituant au tiers évaluateur pour fixer la valeur de remboursement des parts.



En conséquence, n'est pas opérant le moyen de M.[R] pris de ce que le montant évalué par l'expert serait cependant conforme à la valeur statutaire de remboursement résultant de l'article 16-4 des statuts au motif que la valeur de souscription, étant inférieure à la valeur résultant de l'application du premier alinéa de l'article 16-4 des statuts, ne peut servir de valeur de remboursement, ce moyen revenant à discuter l'évaluation fixée par M.[S].



A ces motifs, le jugement sera confirmé sauf à juger en lieu et place du refus d'homologation, que le rapport du tiers évaluateur sera annulé, M.[R] étant débouté de toutes ses demandes en paiement d'un complément de prix.



- Sur les demandes accessoires et les dépens



Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné M.[R] au paiement de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, sans qu'en équité il y ait lieu d'y ajouter en appel.



M.[R], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que les frais d'expertise de M.[S], qui a été désigné en exécution de la convention des parties à raison de leur désaccord sur la valeur des parts seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à homologation du rapport de M.[S],



Statuant du chef infirmé,



Annule le rapport de M.[S],



Y ajoutant,



Déboute M.[R] de toutes ses demandes,





Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [R] aux entiers dépens, qui seront recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne les frais d'expertise de M.[S] qui seront partagés par moitié entre les parties.







La Greffière, La Présidente,

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