8 mars 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/12175

Pôle 1 - Chambre 3

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 8 MARS 2016



(n° 158, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12175



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Mai 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS 17 - RG n° 14/000330





APPELANT



Monsieur [W] [H] [S] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1] (MAURITANIE)





Représenté par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

assisté de Me Christophe NICOLAS de l'ASSOCIATION RICHEMONT NICOLAS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J054





INTIMEE



SA SOCIETE DE REPRESENTATION EN MAURITANIE Prise en la personne de Maître [U] [M], ès qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation de la société SRM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

. [Adresse 2]



Représentée par Me Dominique TRICAUD de l'ASSOCIATION TRICAUD - TRAYNARD Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1292

assistée de Me Marie D'HARCOURT, de l'ASSOCIATION TRICAUD - TRAYNARD Avocats Associés avocat au barreau de PARIS, toque : D1292













COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère





Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.









La SA La Société de Représentation en Mauritanie (SRM) a eu pour Président Directeur Général et gérant M. [W] [S] [H].



Par acte notarié du 30 septembre 2003, elle a acquis un appartement situé au [Adresse 1].



Une hypothèque conventionnelle a été prise le 14 novembre 2003 à effet jusqu'au 30 septembre 2025 au profit de la société Franco Africaine de Négoce (FAN).



Par jugement du 8 mars 2012 le tribunal de commerce de la Wilaya de Nouakchott (Mauritanie) a placé la SA SRM en liquidation judiciaire.



Le 27 février 2014, le liquidateur a adressé mise en demeure à M. [W] [S] [H] de restituer les clés de l'appartement, les actes de vente et tout autre pièces relative à l'appartement pour reprendre possession du bien, mise en demeure restée sans effet.



Par ordonnance du 15 juin 2014, le juge-commissaire du tribunal de commerce de la Wilaya de Nouakchott a ordonné à M. [W] [S] [H] de remettre les clés de l'appartement au syndic chargé de la liquidation, décision qui est restée vaine malgré signification par acte d'huissier.



Par arrêt de la cour d'appel de Nouakchott ouest du 25 février 2015, M. [W] [S] [H] a été débouté de son appel à l'encontre de 1'ordonnance du 15 juin 2014.



Par acte d'huissier du 9 septembre 2014, la SA SRM, représentée par son liquidateur, a assigné M. [W] [S] [H] en expulsion sous astreinte et en paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle.



Par ordonnance contradictoire du 15 mai 2015, le juge des référés du tribunal d'instance de Paris 17ème a :

- constaté que M. [W] [S] [H] est occupant sans droit ni titre des lieux,



- ordonné son expulsion,



- condamné M. [W] [S] [H] à payer à la SA la Société de Représentation en Mauritanie une somme de 1800 euros au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 8 mars 2012 jusqu'a libération effective des lieux par remise des clefs ou procès-verbal d'expulsion,



- débouté les parties du surplus de leurs demandes,



- condamné M. [W] [S] [H] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



M. [W] [S] [H] a interjeté appel de cette décision le 10 juin 2015.



Par ses conclusions régulièrement transmises le 29 septembre 2015, il demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise et de condamner la société SRM au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens



Il soutient que la société SRM lui a cédé la propriété de l'appartement en vertu d'un protocole d'accord du 29 juin 2007 régularisé devant notaire le 1er septembre 2008 et homologué par jugement du 21 décembre 2011. Il conteste le caractère faux de ce protocole qui constitue la contrepartie des fonds personnels qu'il a employés à l'acquisition du bien immobilier ainsi que de son cautionnement personnel et solidaire au paiement de la dette de la société SRM envers la société FAN ; il fait valoir que la signature du représentant de la société SRM est valide, M. [E] [M] [S] [H] bénéficiant bien d'un mandat valide de représentation, attesté par le procès-verbal des inventaires des biens mobiliers et immobiliers de la société, qui a également été signé par M. [E] [M] [S] [H] et contresigné par le liquidateur.



Il ajoute qu'une action pétitoire, tendant à voir reconnaître sa qualité de propriétaire est actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, excluant dès lors la compétence du juge des référés.



Il souligne que les conditions pour prononcer l'expulsion ne sont pas réunies, puisqu'aucune décision ni procès verbal de conciliation exécutoire n'a autorisé cette expulsion, et qu'aucun commandement de quitter les lieux n'a été délivré, qu'un appel et un pourvoi en cassation ont été diligentés contre l'ordonnance numéro 04/2014 de remise des clés.



Par ses conclusions régulièrement transmises le 16 novembre 2015, la SA SRM représentée par Maître [U] [M], ès qualités de liquidateur de la Société de Représentation en Mauritanie, intimée, demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée et de condamner l'appelant au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Elle soutient que l'occupation des lieux par M. [H] est illicite, et que cette occupation sans droit ni titre est constitutive d'un trouble manifestement illicite.





Elle soutient que le jugement du 21 décembre 2011 rendu par le tribunal de Moughataa de Teyaret attribuant la propriété de l'immeuble à l'appelant est un faux, puisque le greffier de ce tribunal a attesté de l'inexistence de cette décision dans les registres du tribunal ; qu'en outre, l'ancien président du tribunal a attesté devant notaire qu'il confirmait formellement que ce jugement n'avait pas été rendu par le tribunal qu'il présidait et que la signature n'était pas la sienne.




Elle conteste également la véracité du protocole du 29 juin 2007 qui aurait attribué la propriété de l'appartement litigieux à M. [H] en contrepartie du règlement de diverses dettes de la société SRM ; que l'acte de dépôt notarié du l er septembre 2008 porte des numéros de téléphone à huit chiffres alors qu'en Mauritanie, les numéros sont passés de sept à huit chiffres seulement le ler janvier 2011 ; que ces documents sont antérieurs à 1'hypothèque du 3 décembre 2010 enregistrée le 8 décembre 2010 au service de la publicité foncière ; que le protocole a été conclu entre l'appelant lui-même et la société représentée par son frère dont le mandat est incertain.



Elle ajoute que cette occupation illicite constitue un dommage imminent, alors que les opérations de liquidation de la société SRM ont pour but de dédommager des créanciers de la société, l'inventaire de ses actifs n'ayant pas pris en considération ce bien immobilier.






SUR CE, LA COUR





Considérant qu'aux termes de l'article 849 du code de procédure civile, le juge du tribunal d'instance peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;



Considérant que la SRM produit une attestation notariée du 24 mai 2013, aux termes de laquelle il est établi que par reçu par l'Office notarial [Adresse 3]), en date du 30 septembre 2003, Mme [R] a cédé à la société SRM un bien immobilier sis à [Adresse 1] ;



Considérant que M. [S] [H] produit aux débats la copie d'un protocole d'accord daté du 29 juin 2007 entre la société SRM, représentée par M. [E] [M] [S] [H] et lui-même, aux termes duquel, la société se reconnaissant débitrice à l'égard de la société Franco-Africaine de Négoce (FRAN) d'une somme de 3 770 943,57 euros, que M. [W] [S] [H], dirigeant de la SRM, a acceptée de garantir sur ses fonds propres, a cédé à titre de contre-partie de cette garantie à son dirigeant, la pleine propriété d'un appartement situé [Adresse 1], 'acheté au nom de la SRM grâce aux fonds versés par Monsieur [W] [S] [H]' ; que cet acte a été déposé le 1er septembre 2008 au rang des minutes de Maître [S] [O] [Y] [I], notaire à [Localité 2] ; que toutefois, la validité de ce protocole est pertinemment contestée par la SRM en ce que sa représentation par le frère de M. [W] [S] [H] est suspecte alors que le même jour ce dernier a signé en sa qualité de représentant de la société un protocole avec la société Netter ; que le procès verbal d'inventaire signé par M. [E] [M] [S] [H] le 12 février 2012, soit près de 5 années après le protocole n'est pas suffisant pour attester avec l'évidence requise en référé la validité de ce document, alors que de surcroît l'acte de dépôt notarié porte des numéros de téléphone à huit chiffres et qu'il est produit la justification que cette nouvelle numérotation n'a été effective en Mauritanie qu'à compter du 1er janvier 2011 ;



Considérant que par ordonnance rendue en la forme des référés par le juge délégué du président du tribunal de grande instance de Paris, contradictoirement et en dernier ressort, M. [W] [S] [H] a été débouté de sa demande d'exequatur du jugement qui aurait été rendu le 21 décembre 2011 par le tribunal de la Moughataa de Teyarett, intitulé 'Jugement de confirmation de propriété foncière' au visa dudit protocole, au motif que l'authenticité des documents qui lui étaient soumis était plus que douteuse, dès lors que le greffier de ce tribunal avait attesté que ce jugement n'existait pas dans les registres de la juridiction, et au visa de l'attestation émanant du président de ce tribunal apparaissant comme celui ayant rendu la décision, qui certifie que le jugement n'avait pas été rendu par le tribunal à l'époque où il le présidait et que la signature qui y figure n'est pas la sienne ;



Considérant que l'engagement par M. [S] [H] d'une action pétitoire devant le juge du fond ne constitue pas en soi la démonstration de la propriété qu'il allègue sur le bien qu'il occupe ; qu'à la date de la saisine du tribunal de grande instance de Paris, le juge des référés était déjà saisi par la SRM de la demande d'expulsion ; que la saisine du juge du fond en tout état de cause n'interdit pas au juge des référés de statuer dans la limite de ses pouvoirs ;



Considérant que les développements des écritures de l'appelant relatives à l'application de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles sont hors débats, la présente action de la SRM tendant précisément à obtenir de la juridiction des référés le titre qui lui permettra d'y recourir, et l'ordonnance produite du 15 juin 2014 du tribunal de commerce de la wilaya de Nouakchott lui enjoignant de remettre les clefs de l'appartement litigieux au syndic chargé de la liquidation de la SRM n'équivaut pas à une décision d'expulsion ;



Considérant enfin que le fait que M. [S] [H] occuperait les lieux depuis 2003 et s'acquitterait intégralement des charges n'équivaut pas à un titre de propriété ;



Considérant qu'il résulte des constatations qui précèdent que M. [S] [H] produit des éléments douteux qui ne sauraient remettre en cause la propriété de la société SRM résultant d'un acte notarié, de sorte que, son occupation des lieux est sans droit ni titre et constitutive d'un trouble manifestement illicite, de sorte que l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a ordonné son expulsion ;



Considérant que bien que l'appel soit général, M. [S] [H] ne critique pas le quantum de l'indemnité d'occupation allouée par le premier juge, de sorte que l'ordonnance sera également confirmée de ce chef ;



Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;



Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder à Maître [U] [M], ès qualités de liquidateur de la SRM, contraint d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;



Que M. [S] [H] qui succombe ne peut prétendre à l'allocation d'une indemnité de procédure et supportera les dépens d'appel ;





PAR CES MOTIFS





Confirme l'ordonnance entreprise ;



Y ajoutant



Condamne M. [W] [S] [H] à verser à Maître [U] [M], ès qualités de liquidateur de la Société de Représentation en Mauritanie, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Condamne M. [W] [S] [H] aux dépens.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.