21 juin 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/01614

Pôle 6 - Chambre 3

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 21 Juin 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01614



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section RG n° 12/00784







APPELANTE

Madame [I] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Kheir AFFANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0253







INTIMEE

SAS ELEUSIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 402 579 643

représentée par Me Natacha LE QUINTREC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0768







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 03 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré





Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats









ARRET :



- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








EXPOSÉ DU LITIGE



Madame [I] [Z], engagée par la société ELEUSIS, à compter du mois de mai 1999 sans contrat écrit, en qualité de Directrice d'établissement, au salaire mensuel brut moyen de 4601,94 euros a été licenciée par un courrier du 30 décembre 2011. La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants:



«' Nous vous avons exposé les faits qui vous sont reprochés et vous nous avez fait part de vos observations.

Ces faits sont les suivants :

Nous avons constaté lors de votre absence, que Mademoiselle [B] [U] démissionnaire au cours du mois d'avril 2011, a fait l'objet d'une prime « exceptionnelle» d'un montant de 700 euros sur son bulletin de paie du mois d'avril 2011.

Vous n'en avez pas fait part à votre supérieur hiérarchique, ni a priori pour validation, ni a minima pour information.

Cette salariée a par ailleurs été reembauchée en contrat à durée indéterminée le lendemain de la date effective de sa démission (19 mai 2011) dans des conditions d'emploi bien plus avantageuses (coefficient 409 au lieu de 330 initialement) lui garantissant un même niveau de rémunération en dépit d'un temps de travail mensuel inférieur.

Ainsi, à équivalent temps plein, celle-ci a quitté son poste de travail à 2 253,90 euros pour être réembauchée le lendemain à 2 793,47 euros, soit une augmentation de près de 24%.(!)

Nous déplorons qu'une telle gestion ait été réalisée.

Nous avons eu la surprise de découvrir que cette salariée n'était autre que votre fille. Ainsi, notamment par ces faits, vous avez occasionné une véritable confusion entre les sphères professionnelle et personnelle, et manifestement profité de votre position de Directrice.

Au-delà du non-respect des procédures groupe et des validations nécessaire vous avez créé des privilèges non justifiés et un déséquilibre dans le traitement des salariés. Vous avez par ailleurs véhiculé une image ternie de la gestion de la résidence, et ce en inadéquation avec celle véhiculée par le groupe.

Lors de l'entretien préalable, vous avez évoqué le fait que cette indemnité avait été versée « pour éviter une rupture conventionnelle », sans autre explication.

Cette justification est pour le moins contestable, votre hiérarchie n'ayant pas été sollicité sur le sujet, elle ne peut donc être valablement accueillie car sans fondement et sans lien avec la démission datée du 1er avril 2011.

Aussi, nous nous permettons de vous rappeler que vous disposez d'un «service support » au sein de la Direction des Ressources Humaines ayant vocation à assister les Directeurs et à permettre. d'apporter des solutions adaptées, lequel n'a visiblement pas été consulté.

L'ensemble de ces faits, terni de manière considérable la confiance nécessaire à l'exercice de vos fonctions et rend impossible une collaboration pérenne.

Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La présente notification de licenciement est assortie d'une dispense de préavis qui vous sera tout de même rémunéré. Ce licenciement sera effectif au terme de votre préavis de six mois débutant immédiatement dès l'envoi de la présente lettre' »



Madame [Z] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes.



Par jugement du 11 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Meaux a débouté Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes et la société ELEUSIS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Madame [Z] a relevé appel de cette décision.




Par conclusions visées au greffe le 3 mai 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [Z] demande à la cour l'infirmation du jugement, soulève la prescription des griefs reprochés et considérant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sollicite la condamnation de la société à lui payer :

' 94500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 30000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

' 114 392,81 euros de rappel d'heures supplémentaires et 11439,28 euros de congés payés afférents,

' 31504,02 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

' 113552,01 euros à titre d'indemnisation des périodes d'astreinte,

' 4000 euros au titre de la prime sur objectif 2011 et 400 euros de congé payés afférents,

' 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions visées au greffe le 3 mai 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la société ELEUSIS sollicite la confirmation du jugement entrepris, le rejet des demandes de Madame [Z] et sa condamnation à payer 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.






MOTIFS



Sur la rupture du contrat de travail



En vertu des dispositions des articles L.1232-1 et suivants du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié ; le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié ;



Lorsqu'une faute est invoquée à l'appui du licenciement, l'employeur, en vertu des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail, doit engager la procédure dans les deux mois qui suivent la découverte du fait fautif ;



Il convient, en l'espèce, de préciser que les fautes reprochées à la salariée concernent l'attribution injustifiée d'une prime de 700 euros à sa fille, Madame [U] alors démissionnaire en avril 2011 et sa réintégration le 19 mai 2011, avec des conditions financières plus avantageuses et ce sans validation ou information de la hiérarchie.



** Madame [Z] soutient que la hiérarchie savait que Madame [U] était sa fille et qu'elle avait interrogé le service des ressources humaines sur l'octroi de la prime. Elle en déduit que le service des ressources humaines était informée de la démission et soutient que les faits reprochés sont prescrits.



S'il n'est pas contesté que l'entourage de la salariée et sa hiérarchie étaient informés depuis longtemps que Madame [U] était bien sa fille, rien n'établit que les faits reprochés aient été portés à la connaissance de l'employeur avant la mise en place de la procédure de licenciement de cette dernière, qui a conduit à la découverte du nouveau contrat de travail, souscrit le 19 mai 2011.



Contrairement aux déclarations de Madame [Z], l'employeur rapporte la preuve que le service des ressources humaines n'était pas informée. Mme [Q], responsable des affaires sociales, indique : ' Madame [Z] a abordé divers problématiques liées aux ressources humaines avec moi. Néanmoins, elle ne m'a jamais fait part de la démission de Mme [U] et ni, a fortiori, des conditions dans lesquelles elle comptait traiter ce départ. Il en a été de même pour la réembauche de Madame [U]. Madame [Z] ne m'a pas interrogée sur les possibilités contractuelles ou de conditions d'emploi'.





M [X], référent des affaires sociales, confirme dans son témoignage n'avoir pas été sollicité par la directrice sur le départ et la réembauche de Madame [U].



Madame [Z] n'a pas informé sa hiérarchie. L'employeur est fondé à soutenir que ce n'est qu'à la suite d'un mouvement de grève, quand Madame [U] a fait l'objet d'une sanction disciplinaire, qu'il a découvert au travers de l'analyse de son dossier, les conditions de la démission et de l'embauche entre avril et mai 2011.



Dès lors, la connaissance des faits est concomitante à l'entretien préalable de Madame [U], intervenu le 14 novembre 2011 et les faits n'étaient pas prescrits au moment de la convocation à l'entretien préalable de Madame [Z], le 8 décembre 2011.





** Le défaut d'information de la hiérarchie sur la situation octroyée à Madame [U] constitue un des griefs fait à la salariée.



Elle prétend que la situation sociale, comme l'autonomie de gestion du personnel dont elle disposait dans le cadre de ses fonctions de directrice, lui conféraient la possibilité d'agir sans autorisation préalable en matière d'embauche ou d'octroi de prime et qu'il appartient à l'employeur de prouver qu'elle n'a pas respecté un règlement interne ou une procédure.



Or il apparaît tout à fait superfétatoire de prétendre qu'il faille que l'employeur mette en place un règlement en interne pour interdire à un directeur d' attribuer unilatéralement à un salarié démissionnaire, une prime exceptionnelle équivalente à la prime de licenciement.



Madame [Z] fait valoir qu'il existe au sein de la société un usage à l'octroi d'une prime lors du départ d'un salarié et transmet pour preuve la situation de deux salariés.



L'usage correspond à une pratique habituellement suivie dans l'entreprise et prend la forme d'un avantage supplémentaire, accordé aux salariés ou une partie d'entre eux, par rapport à la loi, la convention collective ou le contrat de travail. Cet avantage doit être instauré de manière générale, constante et fixe. Il appartient au salarié qui revendique le bénéfice de cet usage d'en faire la preuve.



En l'espèce, cet usage n'est pas établi par la prime allouée à Monsieur [Y] qui est une prime sur objectif, à laquelle il pouvait prétendre même à défaut de départ.



L'octroi d'une prime à Mme [C], lors de son départ, ne suffit pas à prouver l'existence d'un usage, Madame [Z] n'établissant pas, par ce seul témoignage, que l'avantage était instauré de manière générale, constante et fixe.



Enfin, Madame [Z] ne justifie pas des difficultés relatives à la mise en place d'une rupture conventionnelle pour expliquer l'attribution unilatérale une prime de licenciement à un salarié démissionnaire.



** S'agissant de la réembauche Madame [U], il est reproché à Madame [Z] d'avoir effectuer cette réembauche en avantageant sa fille au détriment des intérêts de la société.

Il ressort en effet des fiches de paie, du contrat de travail du 1er août 2009 et de celui du 19 mai 2011 qu'entre sa démission, sans exécution de son préavis, et son embauche moins d'un mois plus tard, Madame [U] a bénéficié malgré un nombre d'heures de travail inférieur (43,33 heures contre 34,67 heures par mois), d' une majoration conséquente de son classement indiciaire ( de 330 à 409), faisant passer son salaire d'un taux horaire de16,94 euros à 18,47 euros.



Contrairement aux prétentions de Madame [Z], la différence d'expérience entre les psychologues embauchées au sein de l'établissement ne pouvait justifier l'alignement des salaires.



Sans évoquer l'inexécution du préavis, ni le sort des congés payés, l'employeur a pu justement considérer qu'en octroyant unilatéralement une prime lors de la démission et une augmentation de salaire injustifiée à un salarié démissionnaire le mois précédent, Madame [Z] a entendu faire bénéficier d'un régime de faveur à sa fille.



Le préjudice pour l'entreprise est indéniable, car, outre les conséquences financières, la directrice expose par son attitude à l'égard d'un salarié, la société à des revendications de nature salariale de la part des autres membres du personnel.



En conséquence, le licenciement est justifié par des motifs précis circonstanciés et constitutifs d'une cause réelle et sérieuse rendant impossible la poursuite du contrat de travail.



Sur les heures supplémentaires



Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;



Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;



Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande



Madame [Z] sollicite la somme de114392,80 euros de rappels de salaire sur heures supplémentaires effectuées entre 2007 et 2011, outre les congés payés afférents. Elle estime avoir réalisé pendant cinq ans, des journées de travail d'une amplitude horaire de10 heures ( de 9 heures à 20 heures moins une heure de pause repas). Elle produit pour en justifier des tableaux dactylographiés récapitulatifs, quatre attestations de collègues et une série de mails envoyés autour de 19h30/ 20h30.



À la lecture des pièces transmises par la salariée, il convient de relever que la demande est étayée pour l'année 2011. Pour les années précédentes, l'élaboration de tableaux, fixant de manière identique l'amplitude horaire de travail sur une période de cinq ans, sans tenir compte des démarches personnelles qui ont pu émailler ce planning et sans précision sur la nature des activités qui ont contraint à la réalisation d'heures supplémentaires, ne suffit pas à justifier la demande si d'autres éléments ne corroborent pas ces déclarations unilatérales.



Les quatre attestations transmises par les collègues de travail sont insuffisantes à ce titre, car elles sont à la fois imprécises sur les horaires, parfois contradictoires et permettent simplement de constater que Madame [Z] était très disponible à l'égard du personnel.



A l'inverse, les messages professionnels de 2011, envoyés par la salariée entre 19h30 et 20h30 confirment ses dires et pour cette année-là, la demande est suffisamment étayée.



Il appartient dès lors, à l'employeur de fournir les éléments propres à déterminer les horaires exacts de la salariée.



L'employeur ne transmet aucun document de travail ou planning susceptibles de contredire des horaires de travail justifiés sur 2011. Il convient, en conséquence, au vu des mails et des tableaux communiqués de retenir que la salariée a bien réalisé sur l'année 2011, un total de 312 heures supplémentaires et de lui allouer, en application des pourcentages conventionnels, la somme de 14011,45 euros, outre 1401,14 euros de congés payés afférents.



Sur la demande de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé



En vertu de l'article L 8221-5du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.



En l'espèce, aucun élément ne permet d'établir que l'employeur avait connaissance des heures supplémentaires effectuées et Madame [Z] n'a jamais attiré l'attention de son employeur sur l'accomplissement de ces heures. Il n'est donc pas établi qu'il y ait eu une intention frauduleuse de la part de l'employeur dans les déclarations salariales et la demande doit être rejetée.



Sur la prime sur objectif de l'année 2011



Il appartient à celui qui se prévaut d'un usage d'apporter la preuve que la prime ou gratification relève de cet usage répondant à des caractères de généralité, de constance et de fixité.



Même s'il appartient au salarié qui revendique la prime de justifier qu'il a droit à son attribution, en fonction d'un usage, l'employeur est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base de calcul de son salaire, notamment de cette part variable.



Pour la prime d'objectif, sauf dispositions contractuelles contraires, les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Il peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. Si l'employeur n'a ni précisé les objectifs à réaliser, ni fixé les conditions de calcul vérifiables de la part variable de la rémunération et si aucune période de référence n'est mentionnée, la part variable doit être intégralement versée au salarié.



Madame [Z] soutient que lors de son entretien d'embauche, comme chaque année, elle a bénéficié d'une prime sur objectif. Elle sollicite pour 2011, la somme de 4000 euros, outre les congés payés afférents. Elle fait valoir que ni l'absence d'entretien d'évaluation, ni ses arrêts maladie, ni l'imprécision des critères fournis par l'employeur pour l'attribution de cette prime ne sont susceptibles de justifier l'absence de paiement de cette prime.



L'employeur indique qu'à défaut de contrat écrit, la prime sur objectif relève d'un usage dont les conditions d'attribution au regard des objectifs ont été précisées à la salariée en 2009 et n'ont pas variées. Pour 2011, l'employeur soutient que les objectifs n'ont pas été réalisés, la salariée ayant été absente une bonne partie de l'année et licenciée en décembre.



En l'espèce, il est constant qu'aucun contrat ne détermine les conditions d'attribution de la prime sur objectif et l'employeur reconnaît que l'attribution de la prime sur objectif à Madame [Z] résulte d'un usage.



Un courrier du 24 janvier 2010 de Monsieur [T], directeur opérationnel, détermine les critères d'attribution qui : « tiennent tant aux résultats financiers, qu' aux prestations hôtelières et à la gestion, notamment en terme de ressources humaines, de la résidence dont vous avez la responsabilité ». Ces critères n'ont pas été modifiés depuis 2009. Un relevé décision de novembre 2009 fixe à Madame [Z] un objectif en matière d'hôtellerie : 'ramener le ratio hôtelier à 0,15 maximum'.



L'employeur ne démontre pas que le ratio hôtelier n'a pas été atteint. Pour le reste, il ne transmet aucun élément sur les résultats financiers, les critères relatifs aux calculs de la réalisation des prestations hôtelières et de la gestion des ressources humaines, et ne permet pas au salarié et à la cour de vérifier si l'absence de versement de la prime est justifiée.



En conséquence, il sera fait droit en intégralité à la demande de Madame [Z] soit la somme de 4000 euros à outre les congés payés afférents 400 euros.



Sur la demande de rémunération des astreintes



En application de l'article 3121-5 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Seule, la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.



En application de l'article L 3121-7 du code du travail, les astreintes sont mises en place par conventions ou accords collectifs de travail étendus ou par accord d'entreprise ou d'établissement, qui en fixent le mode d'organisation, ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos, à laquelle elles donnent lieu. À défaut de conclusion d'une convention ou d'un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu, sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel et après information de l'inspecteur du travail.



Madame [Z] sollicite la somme de 113552,01 euros de compensation financière pour les temps d'astreinte réalisés entre 2007 et 2011. Elle transmet quatre éléments de nature à établir sa demande : un planning d'encadrement relevant les astreintes de jour et de nuit sur ces cinq années, un tableau récapitulatif du total des heures d'astreintes réalisées sur cette période, un courriel de la hiérarchie sur les week-end et une attestation de Mme [K]. Elle précise avoir sollicité les relevés téléphoniques sur cette période et que le juge doit tirer conséquence du refus de communication de la société de ses relevés. Elle estime qu'en l'absence de tout justificatif de la part de l'employeur, sa demande doit être accueillie.



La société reconnaît qu'aucune norme conventionnelle ou contractuelle n'organise les compensations en matière d'astreinte pour les cadres supérieurs dans la société. Elle conteste avoir imposé à Madame [Z] une présence en continu, tous les jours, le samedi, le dimanche et les jours fériés et indique que les tableaux d'astreinte relèvent de sa propre initiative. Elle fait valoir que la preuve n'est pas établie que la salariée soit restée à la disposition de son employeur pendant les 483 heures d'astreinte qu'elle revendique.



En l'espèce, en l'absence de contrat de travail et de convention collective ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, le régime des astreintes applicable aux cadres supérieurs n'est pas précisément défini. En application de l'article 100 de la convention collective, il appartenait à l'employeur de déterminer par la voie contractuelle, les contreparties au temps d'astreinte applicable aux cadres supérieurs. En application de l'article R3121-1 du code du travail, il lui incombait « en fin de mois, ( de remettre) à chaque salarié intéressé un document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte accomplies par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante. »



La défaillance de la société dans l'élaboration des normes contractuelles ne peut lui permettre de se soustraire au règlement des compensations.



L'employeur estime que la mise en place d'astreintes résulte de la seule initiative de Madame [Z].



Toutefois les documents communiqués permettent de constater que les temps d'astreinte s'inscrivent dans la gestion plus globale du temps de travail des médecins et des cadres. Les plannings déterminent pour chacun d'entre eux les jours d'astreintes, de repos, de RTT, de récupération outre les astreintes de nuit.



L'employeur ne peut sérieusement soutenir qu'il ignorait la mise en place d'astreinte du personnel d'encadrement, pour un établissement d'accueil de personnes âgées comme celui géré par Madame [Z]. Le témoignage de Mme [K] confirme que ces astreintes existaient bien et que les plannings étaient affichés dans l'établissement.



En application de l'article R3121-1 du code du travail, il appartient à l'employeur d'établir au regard des demandes formulées par la salarié, les temps d'intervention effectivement réalisés qui ouvrent droit à compensation.



En l'espèce, la société ne transmet aucun élément permettant de déterminer des interventions de la salariée durant ses temps d'astreinte.



Il résulte des documents produits au débat que la demande de Madame [Z] est formulée en jours. Or seules les interventions effectives ouvrent droit à compensation.



Comme l'indique Mme [K], la mise en place d'un tableau de permanence permettait au personnel de 'faire appel à la personne astreinte lorsqu'il y avait un soucis important: résident perdu, résident violent que nous n'arrivions pas à maîtriser, en cas de problème électrique, ou de porte qui se ferme pas, en cas d'un décès, etc.''.



Ce témoignage démontre que seul un événement grave pouvait être à l'origine du déclenchement de l'astreinte, de l'appel d'un cadre et d'une obligation d' intervention. Madame [Z] qui occupait une fonction administrative, dans un établissement doté d'une équipe médicale, intervenait nécessairement de façon exceptionnelle, surtout sur les astreintes de nuit.



Dès lors , au vu des plannings, du mode de calcul fourni par la salariée, compte tenu qu'elle est inscrite pour les années 2007 à 2011, sur 54 jours d'astreintes de jour et 482 astreintes de nuit, il y a lieu de retenir, un total de 378 heures d'astreinte de jours et 241 heures d'astreinte de nuit et d'allouer à la salarié la somme de 20930,62 euros au titre de la compensation financière



Sur les dommages-intérêts au titre du préjudice moral



Madame [Z] soutient que l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur a été à l'origine de problèmes de santé importants qui l'ont conduite à une situation d'épuisement professionnel.



Elle expose qu'en 2003, elle a été victime d'une rétrogradation qui a notamment affecté sa situation salariale ; que par la suite, elle a du faire face à un contexte difficile en matière de gestion de ressources humaines à la suite de la création du groupe DOMUSVI ; que la charge de travail qui lui était imposé et les pressions de sa hiérarchie ont conduit à une situation « harcèlogène » et à une dégradation considérable de ses conditions de travail.



Elle estime que l'absence de soutien de sa hiérarchie constitue une atteinte à l'obligation de sécurité de résultat de son employeur à l'origine de ses arrêts de travail. Elle ajoute que compte tenu des circonstances de son licenciement, elle est bien fondée à solliciter la somme de 30000 euros en réparation de son préjudice.



L'employeur indique que contrairement aux prétentions de la salariée, il a pris les dispositions à la suite du comportement de Mme [J] et dans le cadre de la fusion des sociétés. Il précise que le surmenage de la salariée n'est pas lié à ses fonctions, dans la mesure où elle multipliait à l'extérieur d'autres activités auprès d'associations et de la mairie [Établissement 1].



Il estime enfin que les certificats médicaux ne démontrent pas l'origine professionnelle de la situation dépressive de Madame [Z]. Il ajoute enfin, avoir fait preuve de mansuétude en écartant le licenciement pour faute grave et en permettant à la salariée de bénéficier de son préavis et de son indemnité de licenciement.



Au vu de l'ensemble des ces éléments versés aux débats, il convient d'emblée d'écarter toute faute de l'employeur sur un certain nombre de faits reprochés par la salariée.



La seule transmission des bulletins de salaire de 2003 et la diminution de son salaire ne permettent pas de considérer qu'elle ait été victime d'une rétrogradation, en acceptant les fonctions de l'établissement de [Établissement 2].



De la même manière, l'échange de courriels intervenu en 2010 à la suite de la réorganisation de la société n'établit pas que la surcharge d'activité générée par la fusion des deux sociétés et l'impact que cette opération a pu avoir en matière de gestion des ressources humaines, soient à l'origine d'un comportement fautif de l'employeur, alors que Madame [Z] disposait des fonctions de responsable des ressources humaines au sein de son établissement et d'un statut de cadre supérieur.



S'agissant de la situation de harcèlement invoqué par le salariée, elle transmet plusieurs mails du docteur [J] [R], un message de Mme [H], responsable administrative, et de Mme [G]. Aucun de ces éléments ne démontre autre chose que l'existence d'une mésentente entre Madame [Z], le médecin et une déléguée syndicale, Mme [J]. La demande relative à une situation de harcèlement moral n'est pas suffisamment étayée.



En tout état de cause, même si les documents et de médicaux produits démontrent de réels soucis de santé de la salariée, la faute de l'employeur et le lien de causalité entre la faute et les conséquences dommageables pour la salariée ne sont pas établies. La demande de dommages-intérêts pour préjudice moral n'apparaît pas justifiée et sera rejetée.





PAR CES MOTIFS



INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes d'heures supplémentaires, de compensations aux périodes d'astreinte et de prime sur objectif ;



Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;



CONDAMNE la société ELEUSIS à payer à Madame [Z] les somme de :



- 4000 euros à titre de prime sur objectif pour l'année 2011 et la somme de 400 euros au titre des congés payés afférents ;

- de14011,45euros au titre des heures supplémentaires, outre1401,14 euros de congés payés afférents ;

- 20930,62 euros au titre de la compensation financière à ses intervention sur les périodes d'astreintes ;



Y ajoutant,



DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt;



VU l'article 700 du code de procédure civile ;



DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;



DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;



CONDAMNE la société ELEUSIS aux dépens de première instance et d'appel.





LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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