14 septembre 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/09644

Pôle 6 - Chambre 6

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 14 Septembre 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09644 BDC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/00169





APPELANT

Monsieur [Y] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1948 à PARIS 14 (75014)

comparant en personne, assisté de Me Amélie D'HEILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0029



INTIMEE

SAS BATES

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° RCS : 622 003 630

représentée par Me Marie-aimée PEYRON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0443 substitué par Me Marine VERGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0443







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benoît DE CHARRY, Président

Madame Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère





Greffier : Mme Eva TACNET, greffière lors des débats





ARRET :



- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Eva TACNET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.












RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES



Monsieur [Y] [I] a été engagé par la société TED BATES SA, devenue BATES SAS par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 janvier 1985 en qualité de directeur administratif.



Monsieur [Y] [I] a ensuite été investi de différents mandats sociaux : directeur général de 1989 à 1992, président de 1992 à 1993, directeur général 1993 à 2003 puis président de 2003 à 2005.



Le 30 mars 2005, il a démissionné de ses fonctions de président.



Le 29 juin 2005, il a été licencié pour motif économique.



Le 11 juillet 2005, les parties ont souscrit un protocole transactionnel.



Monsieur [Y] [I] a pris sa retraite en 2012 et a sollicité de BATES SAS versement d'une retraite supplémentaire à compter du 1er mars 2012, ce qui lui a été refusé par son ancien employeur.



Monsieur [Y] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 10 septembre 2015 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a déclaré son action recevable mais non fondée, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a débouté BATES SAS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Monsieur [Y] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 30 septembre 2015.



Monsieur [Y] [I] soutient qu'il est fondé à solliciter le bénéfice du Règlement du régime de retraite du Groupe BATES du 25 juillet 2000, qu'il n'a jamais consenti à ce que le bénéfice de sa retraite supplémentaire soit subordonné à la condition qu'il termine sa carrière au sein de la société BATES, que le contrat d'assurance collectif n° 8006 ne lui est pas opposable, que le protocole transactionnel n'avait pour objet que le règlement des conséquences de son licenciement et ne fait pas obstacle à la recevabilité de son instance.



En conséquence, il sollicite :

-la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré le règlement du régime de retraite du groupe BATES comme valable, jugé son action à l'encontre de la société BATES recevable, retenu que le protocole transactionnel conclu entre les parties le 11 juillet 2005 ne prévoyait aucune renonciation de sa part en matière de retraite et débouté BATES SAS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-la réformation de ce jugement et que la cour dise que seuls le règlement du régime de retraite du Groupe BATES et son avenant sont applicables à l'exclusion de tout autre convention et que ses droits au régime de retraite supplémentaire sont ouverts depuis le 1er mars 2012,

-la condamnation de BATES SAS à lui payer 328 514 euros au titre de sa retraite supplémentaire, et à titre subsidiaire, 116 977,73 euros au titre de la retraite supplémentaire jusqu'au 30 mai 2016 et du non versement de la somme de 64 565 euros, que BATES SAS soit contrainte de lui verser sa retraite supplémentaire d'un montant de 12 569 euros par an et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30 mai 2016,

-en tout état de cause la condamnation de BATES SAS à lui payer 15 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis en raison de la non-exécution de son engagement contractuel à lui verser une retraite supplémentaire une fois qu'il aurait atteint l'âge de 60 ans, ainsi que 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pour l'ensemble des instances, et enfin que les intérêts légaux courent à compter de la saisine.



En réponse, BATES SAS fait valoir qu'elle a souscrit le 21 août 2000 un contrat d'assurance permettant à l'entreprise de constituer un fonds collectif destiné à assurer la couverture financière des régimes d'indemnités de fin de carrière, que les demandes de Monsieur [Y] [I] sont irrecevables comme sont dirigées à son encontre et non à l'encontre de la compagnie d'assurances SURAVENIR, que Monsieur [Y] [I] a renoncé dans une transaction conclue avec la société au moment de son départ à toute indemnité tirée de son contrat de travail, que le contrat d'assurance lui est opposable et exclut qu'il en soit bénéficiaire, que le règlement du Groupe BATES est dépourvu de toute valeur juridique, et résulte d'une collusion ayant pour but de procurer à ses deux signataires un avantage personnel au détriment de la société et enfin que Monsieur [Y] [I] n'exerçait pas des fonctions de mandataire distinctes de ses fonctions de salarié. Subsidiairement, BATES SAS fait valoir que l'avenant à partir duquel Monsieur [Y] [I] calcule le montant de sa demande ne peut avoir aucune valeur juridique, que Monsieur [Y] [I] a abusé Monsieur [O] pour ce qui regarde la somme de 64 145 euros que celui-ci s'est engagé à verser à la compagnie d'assurances, que Monsieur [Y] [I] ne peut solliciter aucune somme au titre de la pension de réversion de son épouse et ne justifie pas avoir subi un préjudice financier et/ou moral.



En conséquence, elle sollicite que la cour :

-déclare irrecevables les demandes de Monsieur [Y] [I] à son encontre,

-confirme le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a constaté que Monsieur [Y] [I] n'était pas éligible au bénéfice du contrat d'assurance retraite supplémentaire souscrit par la société le 20 août 2000,

-le déboute de l'ensemble de ses demandes,

-le condamne à lui verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIFS



Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.



Sur la recevabilité



BATES SAS fait valoir que Monsieur [Y] [I] aurait dû diriger son action à l'encontre de l'assureur.



Monsieur [Y] [I] ne demande pas l'exécution à son profit du contrat d'assurance souscrit par BATES SAS, mais l'exécution par BATES SAS du Règlement du régime de retraite du Groupe BATES qu'il estime applicable.



En conséquence, c'est à bon droit qu'il dirige son action contre BATES SAS.



BATES SAS fait valoir que le protocole transactionnel du 11 juillet 2005 rend irrecevable la demande de versement d'une retraite supplémentaire.



Monsieur [Y] [I] répond que ce protocole qui n'avait pour objet que de régler les conséquences de son licenciement ne fait pas allusion à sa retraite supplémentaire, de sorte qu'il ne peut affecter cette dernière.



Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui est faite à tout droit, action et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.



Le protocole transactionnel que les parties ont signé le 11 juillet 2005 expose que Monsieur [Y] [I] a été licencié pour motif économique le 29 juin 2005, que, le 1er juillet 2005, il a contesté les motifs invoqués à l'appui de son licenciement et a estimé que cette décision lui causait un préjudice moral et de carrière considérable compte tenu de son âge et des difficultés à retrouver un emploi, que les parties, afin de mettre fin définitivement au litige qui les oppose, et pour éviter les aléas et lenteurs inhérentes à toute procédure judiciaire, se sont rapprochées et sont parvenues, après concessions réciproques, au présent accord.



Ainsi la transaction a pour objet de régler les conséquences pour Monsieur [Y] [I] de son licenciement.



Dans son article 5, intitulé : RENONCIATION, il est stipulé :



« Moyennant le paiement de cette indemnité transactionnelle et du solde de tout compte les parties considèrent que tous les comptes, désaccords, différends, litiges sans exception ni réserve pouvant exister entre elles à quelque titre que ce soit sont définitivement et irrévocablement réglés et éteints. »



En 2005, date de la transaction, il n'existait aucun litige entre les parties concernant la retraite supplémentaire de Monsieur [Y] [I] dont la mise en 'uvre ne devait intervenir que plusieurs années plus tard.



Si, dans ce protocole, Monsieur [Y] [I] a renoncé expressément et mis fin irrévocablement et définitivement en toute liberté et connaissance de cause à tout droit, action, instance, réclamation, prétention, demande ou indemnité de quelque nature que ce soit, né ou à naître ainsi qu'à toute somme ou forme de rémunération ou d'indemnisation auxquels il pourrait éventuellement prétendre à l'égard de BATES SAS et/ou l'une des sociétés du groupe auquel elle appartient et cela à quelque titre et pour quelque cause que ce soit du fait notamment du droit commun, des dispositions de la convention collective, de son contrat de travail et/ou de ses avenants et/ou tout autre accord, ou promesse et/ou découlant de tout autre rapport de fait et de droit, il n'est nullement fait mention dans cet acte du cas particulier de la retraite supplémentaire du salarié licencié, alors que les clauses contractuelles destinées à trouver leur application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf disposition expresse contraire, affectées par la transaction réglant les conséquences d'un licenciement.



En conséquence, l'existence du protocole précité ne fait pas obstacle à la recevabilité de la présente instance.



Sur le contrat d'assurances



BATES SAS fait valoir que le contrat d'assurance contient une clause aux termes de laquelle les garanties ne sont accordées qu'aux seuls salariés terminant leur carrière chez l'entreprise contractante, ce qui n'est pas le cas de Monsieur [Y] [I], de sorte que ce dernier ne peut prétendre bénéficier du contrat d'assurance supplémentaire.



Monsieur [Y] [I] répond qu'en application de l'article 1165 du Code civil, les dispositions de ce contrat d'assurance, qu'il n'a pas signé en son nom personnel, ne peuvent lui nuire.



Si par l'effet de la clause rappelée ci-dessus, Monsieur [Y] [I] ne peut obtenir de l'assureur la garantie souscrite par BATES SAS, cette disposition, à laquelle il n'a pas personnellement souscrit, ne saurait le priver de dispositions internes à l'entreprise et les développements de BATES SAS sur les termes du contrat d'assurance sont sans emport dans le débat qui oppose l'ancien salarié à son ex-employeur.







Sur le Règlement du Groupe Bates



Le 25 juillet 2000, le groupe Bates et les Cadres Dirigeants Bénéficiaires ont signé un document intitulé : « Règlement du régime de retraite du groupe Bates » (ci-après : le Règlement) dont l'objet est de préciser les modalités de fonctionnement du régime de retraite mis en place au sein de son groupe. En son article deux, ce règlement indique que les bénéficiaires du régime de retraite sont les cadres dirigeants hors convention collective ayant une ancienneté d'au moins cinq ans dans le groupe et ayant appartenu au comité de direction du groupe et que ces conditions doivent être remplies au moment du départ du groupe. Le Règlement stipule que lorsque le bénéficiaire remplit la condition d'ancienneté et celle d'appartenance au comité de direction du groupe, il perçoit au plus tôt à l'âge de 60 ans une rente dont le montant est calculé sur la base de 0,90 % du traitement de base par année ancienneté dans la limite maximale de 100 % du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur lors de la liquidation de la rente. Un avenant au Règlement a stipulé une indexation du traitement de base et a porté à 1,2% du traitement de base par année d'ancienneté le montant des droits des bénéficiaires pour le collège des cadres dirigeants responsables d'unité opérationnelle ayant en charge la gestion de budgets publicitaires.



BATES SAS fait valoir que le Règlement est dépourvu de toute valeur juridique en ce que, lorsque le dirigeant cumule son mandat avec un contrat de travail et que la société décide de verser à son personnel une allocation de retraite s'ajoutant aux régimes légaux, cette décision en tant qu'elle profite au dirigeant au titre de son contrat de travail doit être soumise à la procédure prévue par les articles L.225-38 et L. 225-86 et suivants du code de commerce. Elle dénie également toute valeur à l'avenant au Règlement.



Monsieur [Y] [I] répond qu'il ressort du procès-verbal du conseil d'administration du 30 mai 2000 que le Règlement du régime de retraite du Groupe BATES est expressément visé par une délibération spécifique, de sorte que le régime de retraite supplémentaire du Groupe BATES a été valablement autorisé. Il ajoute que si tel n'était pas le cas, il n'est plus possible de se prévaloir de la nullité du Règlement dès lors que cette nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention.



Le Règlement est une convention intervenue entre le groupe BATES, dont la SA BATES, et les Cadres Dirigeants Bénéficiaires. Monsieur [Y] [I] avait la double qualité de directeur général de la SA BATES et de bénéficiaire du Règlement stipulant, en faveur des cadres dirigeants hors convention collective ayant au moins cinq ans d'ancienneté et ayant appartenu au comité de direction du groupe, le versement d'une rente au titre du régime de retraite. Le Règlement était donc soumis aux dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce qui exige que toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général soit soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration.



Le 30 mai 2000, le conseil d'administration de la SA BATES a examiné une étude et une proposition de convention portant souscription d'une assurance de passif social, au bénéfice de l'ensemble du personnel des sociétés du Groupe. Après en avoir délibéré, le conseil d'administration a autorisé la souscription de la convention qui lui a été présentée, en prenant acte qu'elle bénéficiera à l'ensemble du personnel salarié et aux dirigeants assimilés de la société et des sociétés du Groupe. Le conseil a donné à son président tous pouvoirs à l'effet d'arrêter et convenir des termes de la convention et de fixer, selon les modalités de paiement définitif de la convention, les modalités de prise en charge de cette assurance par les différentes sociétés bénéficiaires. BATES SAS n'établit pas que la convention qui était soumise à son conseil d'administration le 30 mai 2010 ne soit pas celle qui a été régularisée au mois de juillet suivant. Dès lors, le Règlement a été autorisé par cette instance. En revanche, il n'est pas établi que l'avenant qui, à compter du 1er janvier 2004, a stipulé l'indexation du traitement de base pris en compte pour le calcul de la rente à hauteur de 1,5 % par an jusqu'à l'âge de la liquidation des droits à la retraite et a porté à 1,2% du traitement de base par année d'ancienneté le montant de la rente, a été approuvé préalablement par le conseil d'administration. Aux termes de l'article L.225-42 du code de commerce les conventions visées à l'article L.225-38 conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société. L'action en nullité se prescrit par 3 ans à compter de la date de la convention. Toutefois, si la convention a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée. Au cas d'espèce l'avenant est nécessairement antérieur à sa date de prise d'effet de sorte que trois ans au moins se sont écoulés entre la date de la convention et les contestations soulevées par BATES SAS. Dans la mesure où BATES SAS ne démontre pas que l'avenant lui a été dissimulé, la prescription de l'action en nullité est acquise.



BATES SAS fait valoir que Madame [H] [T], président du conseil d'administration de Bates France SA ne démontre pas avoir eu qualité pour engager la société.



Madame [H] [T] a signé le Règlement en qualité de présidente directrice générale de BATES FRANCE et BATES SAS ne démontre pas qu'elle n'avait pas cette qualité ou que, du fait de l'étendue de ses pouvoirs attachés à cette fonction, celle-ci ne l'autorisait pas à engager la société.



BATES SAS fait valoir que Monsieur [Y] [I] exerçait des fonctions de mandataire qui n'étaient pas distinctes de ses fonctions en tant que salarié de sorte que ces dernières fonctions ont été absorbées par l'exercice de ses mandats sociaux. En conséquence, BATES SAS estime que Monsieur [Y] [I] ne peut bénéficier d'une assurance retraite supplémentaire qui a vocation à bénéficier uniquement aux salariés du groupe.



La question du bénéfice en faveur de Monsieur [Y] [I] du contrat d'assurance souscrit par BATES SAS est étrangère au débat. Le contrat de travail de Monsieur [Y] [I] est antérieur à sa nomination en tant que mandataire social. Les dernières fonctions de mandataire social exercées par Monsieur [Y] [I] ont pris fin le 30 mars 2005 alors que son licenciement est intervenu le 29 juin suivant. Ainsi, au jour de la rupture, Monsieur [Y] [I] avait recouvré, si tant est qu'il l'ait jamais perdue, la qualité de salarié.



En conséquence, Monsieur [Y] [I] peut se prévaloir du Règlement et BATES SAS est tenue d'exécuter les obligations que celui-ci met à sa charge sans pouvoir ajouter d'autres conditions que celles qui y sont exprimées, et notamment une concomitance entre la date de départ du salarié de la société et celle de sa prise de retraite. Pour bénéficier du régime de retraite mis en place au sein du Groupe BATES, il est seulement nécessaire d'avoir été cadre dirigeant hors convention collective ayant une ancienneté d'au moins cinq ans dans le groupe, et avoir appartenu au comité de direction du groupe, l'existence de ces conditions s'appréciant au moment du départ du groupe, conditions que réunissait Monsieur [Y] [I] lors de la rupture de son contrat de travail.



Il s'ensuit que Monsieur [Y] [I] est fondé à obtenir de BATES SAS le versement de sommes au titre du régime de retraite du Groupe BATES suivant les modalités mentionnées dans le Règlement et son avenant.



Comme stipulé dans le Règlement et son avenant, le bénéficiaire perçoit une rente. Le montant de celle-ci, pour les cadres dirigeants responsables d'unité opérationnelle ayant en charge la gestion de budgets publicitaires, ce qui était le cas de Monsieur [I], prend en compte un traitement de base égal au salaire annuel brut (hors bonus) plafonné à la tranche C figurant sur la déclaration annuelle des salaires 2004, indexé chaque année à hauteur de 1,5 % jusqu'à l'âge de la liquidation des droits à la retraite et son montant est de 1,2 % du traitement de base par année d'ancienneté. Les rentes sont payables trimestriellement à terme civil échu. Compte tenu du salaire de base de Monsieur [Y] [I] en 2004, de la revalorisation telle que définie ci-dessus, de l'ancienneté de celui-ci et de sa date de prise de retraite le 1er mars 2012, il lui est dû, au titre des droits acquis 52 412,73 euros et le montant de la rente annuelle est de 12 569 euros.

BATES SAS sera condamnée à lui payer la première de ces sommes ainsi qu'à lui verser, suivant les modalités prévues par le Règlement, la rente à compter du 30 mai 2016 sur la base annuelle de 12 569 euros sans qu'il soit besoin d'assortir la condamnation au paiement de la rente d'une astreinte.



Monsieur [Y] [I] sollicite également une somme au titre de la pension de réversion.



BATES SAS fait valoir que Monsieur [I] demande le versement d'une somme indue comme étant particulièrement incertaine et aléatoire et que de surcroît, il ne peut formaliser de demande au nom de son épouse.



Aux termes du Règlement, une pension de réversion est versée au conjoint survivant et à défaut, viagèrement et au plus pendant 5 ans, à l'ayant droit désigné comme bénéficiaire de la réversion.



Monsieur [Y] [I] étant à ce jour vivant, le droit à pension de réversion n'est pas ouvert et sa demande au titre de la pension de réversion ne peut être accueillie.



Monsieur [Y] [I] sollicite enfin la condamnation de BATES SAS à lui verser 64 565 euros promis par le président du groupe BATES le 21 juin 2005.



Pour s'opposer à cette demande, BATES SAS répond que Monsieur [O], alors président de la société a été manifestement abusé et que si un versement est effectué par la société sur le fonds collectif, il ne peut être individualisé.



Le 21 juin 2005, le président de la SAS BATES a adressé à Monsieur [Y] [I] un courrier aux termes duquel il a prit l'engagement de procéder au versement de la somme de 64 565 euros sur le compte ouvert au nom de ce salarié auprès de son courtier au plus tard le 20 juillet 2005 dans le cadre d'une retraite par capitalisation numéro 800600.



Eu égard aux termes de cette lettre, l'employeur a souscrit un engagement de verser la somme précitée au profit de Monsieur [Y] [I] et il lui appartient de démontrer qu'il s'est libéré de l'obligation ainsi contractée, ce qu'il ne fait pas.



La SAS BATES sera condamnée au paiement de 64 565 euros.



Sur la demande fondée sur l'article 1147 Code civil



Monsieur [Y] [I] fait valoir qu'alors que BATES SAS s'était engagée contractuellement envers lui à lui verser une retraite supplémentaire de l'âge de 60 ans, il n'a toujours rien perçu alors qu'il est âgé de 67 ans, ce qui lui a causé non seulement un préjudice financier mais aussi moral.



BATES SAS répond que Monsieur [Y] [I] ne démontre aucunement en quoi il a subi un préjudice qui serait distinct de celui résultant du défaut de versement de la pension.



Saisie en 2012, à juste titre, par Monsieur [Y] [I] d'une demande de versement d'une pension complémentaire en exécution du Règlement du régime de retraite et de son avenant applicables à BATES SAS, cette dernière a, durant plusieurs années, refusé de s'exécuter. Cette résistance infondée a généré au détriment de Monsieur [Y] [I], maintenu dans l'incertitude quant à l'effectivité de la perception de sommes d'un montant important, constitutive d'une retraite additionnelle, un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation de la somme de 3000 euros.



Il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a déclaré l'action de Monsieur [Y] [I] non fondée.



Sur les intérêts



Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du Code civil, les condamnations en paiement au titre des arrérages échus et de l'engagement de 2005 seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par BATES SAS de la convocation devant le bureau de conciliation, le 29 janvier 2013, et les dommages et intérêts alloués porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.



Sur les frais irrépétibles


Partie succombante, BATES SAS sera condamnée à payer à Monsieur [Y] [I] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande à ce titre.


Sur les dépens



Partie succombante, BATES SAS sera condamnée au paiement des dépens.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Déclare recevable l'action de Monsieur [I],



Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a déclaré l'action de Monsieur [Y] [I] non fondée et l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,



Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,



Condamne BATES SAS à payer à Monsieur [Y] [I] une rente annuelle de 12 569 euros à compter du 30 mai 2016, payable trimestriellement à terme civil échu,



Ainsi qu'à lui payer les sommes de :



*52 412,73 euros au titre des arrérages échus,

*64 565 euros au titre de l'engagement du 21 juin 2005,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2013,

*3000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt,



Confirme le jugement déféré pour le surplus,



Ajoutant,



Condamne BATES SAS à payer à Monsieur [Y] [I] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,



Condamne BATES SAS au paiement des dépens.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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