14 décembre 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/22775

Pôle 3 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2016



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/22775



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mai 2012 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 10/06116





APPELANTE



Madame [W] [J]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (JAPON)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Julia ROTIVEL, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Jacques RANDON, avocat au barreau de NICE





INTIME



Monsieur [C] [R], né le [Date naissance 2].1925, décédé le [Date décès 1].2015 à [Localité 2]





PARTIES INTERVENANTES



Madame [X] [R], ès qualités d'héritière d'[C] [R]

née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Monsieur [B] [R], ès qualités d'héritier d'[C] [R]

né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentés et assistés par Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010







COMPOSITION DE LA COUR :



Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON



ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.





***





M. [R] et Mme [J] se sont mariés le [Date mariage 1] 1991 sous le régime de la séparation de biens.



Par acte du 6 juin 2001, ils ont acquis en indivision, chacun pour moitié, une propriété située à [Localité 5] pour le prix de 7 500 000 francs payé comptant.



Par jugement du 12 novembre 2009, le juge aux affaires familiales de Paris a prononcé leur divorce et fixé la prestation compensatoire due à l'épouse à la somme de 750 000 €.



Par acte du 20 avril 2010, M. [R] a assigné Mme [J] aux fins de révocation de la donation qu'il lui a consentie pour lui permettre d'acquérir sa part indivise de la villa d'[Localité 5].



Par jugement du 30 mai 2012, le tribunal de grande instance de Paris, a :

- constaté qu'[C] [R] a financé seul l'acquisition de la Villa Thalassa, située à [Adresse 4],

- constaté qu'il a ainsi consentie à son épouse, [W] [J], une donation indirecte portant sur la moitié du prix d'acquisition, soit de 3.750.000 francs (571.211€),

- constaté la révocation de cette donation,

- dit, en conséquence, que [W] [J] est redevable de la somme de 1.050.000 € envers [C] [R],

- condamné [W] [J] à payer à [C] [R] une indemnité de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes, tant principales que reconventionnelles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné [W] [J] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





Le tribunal a ainsi jugé au motif que cette donation intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 était révocable par le donateur, en application de l'article 1096 ancien du code civil qui prévoyait que les donations entre époux pendant le mariage étaient toujours révocables.



Mme [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 31 juillet 2012.



L'affaire a été radiée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 novembre 2012, à la demande de l'intimé sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.






[C] [R] est décédé le [Date décès 2] 2015.





Par actes des 11 et 12 février 2016, Mme [J] a assigné en reprise d'instance Mme [X] [R] et M. [B] [R], ès qualités d'héritiers d'[C] [R].



Ceux-ci ont constitué avocat le 10 mars 2016.



Mme [J] a formulé devant la cour d'appel une question prioritaire de constitutionnalité le 11 mars 2016 et par arrêt du 25 mai 2016, la cour a dit n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.






Par conclusions du 11 février 2016, Mme [J] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- constater que Mme [X] [R] et M. [C] [R] ont été assignés en reprise d'instance, à la suite du décès de leur père, [C] [R]

- infirmer le jugement entrepris,

- débouter [C] [R], et en tant que de besoin tous contestants, de sa demande en révocation de la donation de biens présents qui lui a été consentie et prenant effet pendant le mariage,

- condamner Mme [X] [R] et M. [C] [R], ès qualités d'héritiers de [C] [R], à lui payer en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5 000 €,

- les condamner aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Mme [X] [R] et M. [B] [R] n'ont pas conclu.






SUR CE, LA COUR,



Considérant que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a 'constaté qu'[C] [R] a financé seul l'acquisition de la Villa Thalassa, située à [Adresse 4]' ;



Qu'il n'est pas contesté que l'acquisition en indivision chacun pour moitié par les époux [R], a été financée intégralement par l'époux ;



Considérant que [C] [R] a assigné son ex-épouse aux fins de révocation de la donation de deniers qu'il lui a consentie pour lui permettre d'acquérir sa part indivise par acte d'huissier du 20 avril 2001 ;



Considérant que Mme [J] demande l'application de l'article 1096 du code civil dans sa rédaction actuelle résultant des modifications apportées à l'ancien article 1096 par les lois du 26 mai 2004 et 23 juin 2006, qui ne fait aucune distinction de régime suivant la date de la donation ;



Que Mme [J] soutient que selon le nouvel article 1096 du code civil, 'la donation de biens présents qui prend effet au cours du mariage faite entre époux n'est révocable que dans les conditions prévues par les articles 953 à 958", que l'article 953 ne vise que la révocation pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude et pour cause de survenance d'enfants tandis que l'article 955 limite la faculté de révocation pour cause d'ingratitude à trois cas : attentat à la vie du donateur, sévices, délits ou injures graves sur sa personne par le donataire ou refus d'aliments ;



Considérant que la loi du 26 mai 2004, entrée en vigueur le 1er janvier 2005 a abrogé le caractère révocable des donations entre époux de biens présents ;





Considérant que la loi du 23 juin 2006 dans son article 25 2° a précisé que cette abrogation portait sur la donation de biens présents qui prend effet au cours du mariage ;



Considérant que l'article 47 III de la loi du 23 juin 2006 est ainsi rédigé : 'les donations de biens présents faites entre époux avant le 1er janvier 2005 demeurent révocables dans les conditions prévues par l'article 1096 du code civil dans sa rédaction antérieure à cette date. Ces dispositions présentent un caractère interprétatif pour l'application de la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce';



Considérant que la donation effectuée par [C] [R] pour effectuer l'acquisition du 6 juin 2001 était donc révocable, possibilité dont l'époux a entendu user ainsi que cela résulte de l'assignation en révocation précitée ;



Considérant qu'après avoir contesté le caractère révocable de cette donation, Mme [J] conclut de manière contradictoire avec ce premier moyen que son ex-époux était dépourvu d'intention libérale ;



Qu'elle expose que lors de tout achat en commun avec elle, [C] [R] s'est arrangé pour annuler par différents moyens ce qui aurait pu constituer une donation de deniers si une intention libérale avait existé lors du versement des fonds, son but étant de paraître généreux aux yeux de son épouse et de tous ceux qui approchaient le couple, tout en restant parfaitement maître de la totalité de sa fortune, tirant quelques avantages fiscaux de surcroît du fait de ces achats en commun avec une épouse de nationalité japonaise ;



Considérant toutefois que les avantages allégués par l'appelante ne sont pas prouvés et ne peuvent donc nullement constituer une contrepartie qui priverait la donation de deniers de son caractère de libéralité, étant rappelé que Mme [J] a reconnu que le financement en intégralité du bien constituait une donation puisqu'elle en a contesté le caractère révocable et que ce financement correspond à une donation dès lors que [C] [R] n'a pas, par ailleurs dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux, sollicité la reconnaissance d'une créance du fait de ce financement ;



Considérant, en conséquence, que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;





PAR CES MOTIFS,



Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [J],



Condamne Mme [J] aux dépens d'appel.





Le Greffier, Le Président,

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