5 janvier 2017
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 15/04275

1ère Chambre D

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre D



ARRET DU 05 JANVIER 2017



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04275







Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 JUIN 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/04181







APPELANTE :



Madame [M] [F] [X] épouse [Z]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur LE COMPTABLE DES FINANCES PUBLIQUES CHARGE DU RECOUVREMENT * * responsable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) des Pyrénées-Orientales

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD-CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et assisté de Me Olivier MASSOT avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES, avocat plaidant







ORDONNANCE DE CLOTURE DU 01 Février 2016 suivie d'un arrêt avant dire droit en date du 24 mars 2016 qui a à nouveau clôturé l'affaire au 31 octobre 2016.



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 NOVEMBRE 2016, en audience publique, Madame CONTE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :



Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre

Madame Marie CONTE, Conseiller

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE







ARRET :



- Contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;



- signé par Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





-------------------------





Par arrêt du 24 mars 2016, auquel la présente décision se réfère expressément quant à la relation des faits, des prétentions et des moyens des parties, cette cour a ordonné la réouverture des débats invitant Monsieur le comptable public du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Pyrénées Orientales à remettre à la cour les originaux des avis de réception des courriers recommandés des 3 octobre 2008 et 30 octobre 2008.



Ces deux pièces ont été remises par courrier du 6 avril 2016 reçu au greffe de la cour le 7 avril 2016.








MOTIFS





Madame [X] a exercé les fonctions de gérante de droit de la société ALUMIR jusqu'au 1er janvier 2007, date à laquelle elle a cédé ses parts sociales.



La société ALUMIR a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en 2007, portant sur les exercices et années 2004 à 2006 laquelle a donné lieu à des rappels de TVA et des rehaussements d'impôt sur les sociétés pour un montant total de 173 132 € en ce compris les intérêts de retard et les pénalités.



La société ALUMIR a été déclarée en liquidation judiciaire le 3 septembre 2008, procédure qui a abouti à une clôture pour insuffisance d'actif le 27 mars 2013.





Sur la prescription de l'action en recouvrement



Madame [X] soutient que l'action de peut pas être engagée à son égard alors que le recouvrement de la créance fiscale à l'égard de l'entreprise elle-même est atteinte par la prescription.



Il convient cet égard de relever que le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire prononcé à l'égard de la société ALUMIR a été publié au BODACC le 24 septembre 2008 et qu'ainsi le comptable public a respecté les délais de déclaration de ses créances, par une première déclaration du 3 octobre 2008 reçue par Maître [V] le 6 octobre 2008 puis par une seconde déclaration du 30 octobre 2008 reçue par Maître [V] le 3 novembre 2008 (date qui apparaissent clairement à l'examen des originaux produits à la demande de la cour), interrompant ainsi la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la clôture pour insuffisance d'actif du 27 mars 2013, publiée au BODACC le 18 avril 2013.



Ces déclarations de créances ont été régulièrement effectuées par Madame [Y] [H], laquelle bénéficiait d'une délégation de signature, comprenant notamment la signature des bordereaux de déclaration des créances fiscales, accordée le 2 janvier 2006 par Monsieur [O] [C], receveur divisionnaire des impôts en charge du service des impôts des entreprises centralisateur de [Localité 4] et du pôle de recouvrement de [Localité 5], la circonstance que ce dernier ait bénéficié par arrêté du 24 juillet 2007 d'un avancement au grade de directeur divisionnaire étant sans conséquence alors que cet arrêté, produit par l'appelante, montre que cet avancement de grade n'a pas modifié les fonctions exercées.



Le moyen tendant à voir déclarer l'action engagée par l'administration fiscale prescrite ne peut par voie de conséquence qu'être écarté.





Sur le délai de mise en 'uvre de la responsabilité solidaire du dirigeant



Madame [X] soutient que l'administration n'aurait pas engagé son action dans un délai satisfaisant.



Pour autant, l'examen de la chronologie fait apparaître que l'administration fiscale, qui a régulièrement déclaré sa créance, était empêchée en raison de la procédure collective ouverte le 3 septembre 2008 de procéder au recouvrement de celle-ci et qu'elle n'a pris connaissance de l'irrécouvrabilité de sa créance qu'à la réception du certificat émis à cette fin par le mandataire le 18 septembre 2012, la clôture n'intervenant que le 27 mars 2013.



Le jugement de clôture pour insuffisance d'actif a été publié le 18 avril 2013 et l'autorisation d'engager une action contre Madame [X] a été accordée par le directeur départemental des Finances publiques le 27 juin 2014, soit à l'issue d'un délai de un an et deux mois au cours duquel le directeur départemental a pris position sur le bien-fondé de la mise en 'uvre de la présente procédure.



Le 21 octobre 2014, le comptable des Finances publiques chargé du recouvrement a été autorisé par le président du tribunal de grande instance de Perpignan a faire assigner Madame [X] pour la voir déclarer solidairement responsable avec la société ALUMIR du paiement des sommes en cause en application de l'article L.267 du livre des procédures fiscales.



Il résulte du rappel de ces différentes dates que l'administration fiscale a mis en 'uvre la procédure prévue par l'article L.267 du livre des procédures fiscales dans un délai satisfaisant dès lors que cette procédure a été engagée par la saisine du directeur départemental des Finances publiques un an et deux mois après la publication du jugement de clôture, marquant définitivement l'irrécouvrabilité de sa créance puis, quatre mois plus tard, par l'autorisation d'assigner donnée par le président du tribunal de grande instance de Perpignan.





Sur la compétence du comptable poursuivant



Madame [X] « s'interroge » sur la qualité de comptable chargé du recouvrement, au sens de l'article L.252 du livre des procédures fiscales, du comptable public du pôle de recouvrement spécialisé des Pyrénées-Orientales.



Il apparaît cependant que le SIE de Perpignan-Agly, et plus précisément le pôle de recouvrement forcé, service dépendant du SIE, a régulièrement transféré la créance en cause au pôle de recouvrement spécialisé des Pyrénées-Orientales, service créé le 1er juillet 2010 conformément aux dispositions des articles 3 et 5 de l'arrêté du 31 mai 2010 portant création de pôles de recouvrement spécialisé dans les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques.



Il convient par voie de conséquence de retenir que le transfert des créances fiscales s'est effectué régulièrement.





Sur l'ignorance du redressement fiscal subi par la société ALUMIR



Madame [X] fait valoir à cet égard qu'elle n'a jamais été convoquée pour s'expliquer sur les fautes fiscales relevées par l'administration fiscale alors même qu'elle n'était pas la bénéficiaire de ces fautes et qu'en réalité son salarié, Monsieur [U], était le dirigeant de fait de la société.



Il convient cependant d'observer que la procédure de redressement a été conduite, conformément aux dispositions des articles L.57 et L.256 du livre des procédures fiscales, à l'égard du contribuable, la société ALUMIR représentée durant la procédure par son gérant de droit, l'administration fiscale faisant observer à juste titre qu'elle n'est pas autorisée à adresser à une personne autre que le contribuable ou le redevable légal les pièces de procédure se rapportant au contrôle fiscal et au recouvrement des créances nées de ce contrôle.



À cet égard, il ne peut qu'être relevé que la procédure de redressement a bien été menée contradictoirement à l'égard du redevable, la société ALUMIR, et il ne saurait être exigé, pour les motifs exprimés ci-dessus, que la procédure fiscale ait été menée contradictoirement à l'égard des personnes susceptibles d'être mises en cause au titre des dispositions de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, lesquelles bénéficient d'un débat contradictoire à l'occasion de leur mise en cause devant le juge judiciaire.



Il n'est pas contesté que Madame [X] exerçait bien les fonctions de gérante de droit de la société ALUMIR, dont elle était par ailleurs associée, durant la période prise en compte par le redressement fiscal et qu'elle était donc bien investie, conformément aux dispositions des articles L.223-18 du code de commerce, des pouvoirs les plus étendus de direction et par voie de conséquence de la responsabilité énoncée par les dispositions de l'article L.223-22 du même code.



Contrairement à ce qui peut être affirmé par l'appelante, le vérificateur n'a en aucun cas écarté l'implication de Madame [X] dans la mise en place du système frauduleux, le vérificateur indiquant de manière explicite que Madame [X], parmi d'autres, a bénéficié des sommes soustraites à l'impôt, et il n'est pas davantage démontré qu'elle ait été écartée de ses fonctions, au bénéfice de Monsieur [U], son subordonné.



À cet égard, Madame [X] ne procède que par affirmations et le premier juge a également relevé, à juste titre, qu'elle a perçu des rémunérations, votées en assemblée générale, correspondant à ses fonctions au sein de la société ALUMIR.



Enfin, la seule circonstance que l'ordonnance du 7 mars 2007 du juge des libertés et de la détention ait pu qualifier, au visa des pièces connues à cette date, Monsieur [U], sans précision de date, de dirigeant de fait de la société n'exclut pas que la dirigeante de droit n'ait pas exercé effectivement ses pouvoirs alors même qu'il est démontré par les constatations du vérificateur que Madame [X], comme l'ensemble des salariés de la société (et notamment Monsieur [U]), a perçu des sommes occultes en espèces. Par ailleurs elle ne pouvait ignorer les minorations de TVA alors qu'il n'est pas contesté qu'elles ont été transmises sous sa signature.



Madame [X], qui ne justifie d'aucune délégation de ses pouvoirs de direction, ne saurait sérieusement prétendre en avoir été privée au visa de la seule attestation établie par un plombier chauffagiste dans le cadre d'un contentieux prud'homal ou encore en considération d'un simple billet rédigé par Monsieur [U] lui demandant de « prendre rendez-vous ». À aucun moment Madame [X] ne soutient ne pas avoir rempli les obligations résultant de sa gérance, notamment les déclarations de nature fiscale, l'embauche des salariés ou encore la gestion du compte bancaire.



Madame [X], gérante de droit, ne saurait dès lors prétendre être étrangère aux causes du redressement et les fautes susceptibles d'être imputées à des salariés de la société ALUMIR ne sont pas de nature à l'exonérer de la responsabilité légale des actes réalisés par la société et ses salariés.





Sur le recouvrement par l'administration fiscale



Madame [X] soutient qu'il n'est pas démontré que les sommes dues au titre du contrôle fiscal n'ont pas été réglées de son fait.



Il n'est pas contestable que Madame [X] exerçait, seule et conformément aux dispositions statutaires, les fonctions de gérante de droit de la société ALUMIR durant la période couverte par le contrôle fiscal.



À ce titre Madame [X] est susceptible de voir appliquer à sa personne les dispositions de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, indépendamment du degré d'implication de son salarié, Monsieur [U], dans la mise en place du système frauduleux, dès lors qu'il n'est en rien démontré que Madame [X] n'ait pas exercé effectivement les pouvoirs résultant des dispositions des articles L.223-18 et suivants du code de commerce.



En sa qualité, Madame [X] ne saurait contester les rappels de TVA, les rehaussements en résultant et les rappels d'impôts se rapportant aux années 2004 à 2006, dont le détail figurant dans les documents de la procédure fiscale n'est au demeurant pas discuté, dès lors que les périodes en cause coïncident bien avec la période de gestion de Madame [X], dirigeante de droit jusqu'au 1er janvier 2007.



Le premier juge a exactement relevé la gravité des faits en cause, répétés au cours de plusieurs exercices consécutifs, la rétention de TVA comme la minoration de l'impôt normalement dû, en raison de la minoration du chiffre d'affaires taxable, constituant des infractions d'une gravité certaine étant en outre observé que ces agissements ont conduit la société au dépôt de bilan, empêchant ainsi le recouvrement des taxes et des impôts normalement dus.



La gravité du système frauduleux, résultant notamment de l'application d'un taux réduit de TVA à des travaux explicitement exclus de cette disposition, ce qui ne saurait résulter de simples erreurs s'agissant de professionnels, ou encore de dissimulations de recettes ou de ventes « hors comptabilité », appliqué de façon régulière et répétée au cours des années visées par le contrôle fiscal ne saurait être contesté.



La responsabilité de Madame [X], gérante de droit, qui a effectivement encaissé les rémunérations correspondant à ses fonctions de direction, et qui n'a à aucun moment été empêchée d'exercer son mandat social, ne peut qu'être retenue au titre des dispositions de l'article L.267 du livre des procédures fiscales.



Madame [X], qui ne justifie d'aucune délégation de ses pouvoirs de direction, ne saurait sérieusement prétendre en avoir été privée



Les titres exécutoires résultant de la vérification de comptabilité ont été délivrés le 22 juillet 2008 et le 6 août 2008, moins de deux mois après la dernière réponse de l'administration aux observations de la société ALUMIR, conduisant ainsi à la déclaration de cessation des paiements laquelle a donné lieu à une décision immédiate de liquidation judiciaire par jugement du 3 septembre 2008.



Il s'en déduit, alors que le mandataire judiciaire a délivré un certificat d'irrécouvrabilité, que l'administration fiscale, qui s'est trouvée dès le 3 septembre 2008 privée des moyens d'agir, justifie d'une impossibilité définitive de recouvrer les impositions et pénalités dues.



Madame [X] ne saurait sérieusement prétendre que l'impossibilité de recouvrement résulterait d'autres circonstances en se prévalant d'extraits du compte de résultat 2006 et du bilan de la société au 31 décembre 2007 alors que les documents, partiels, dont elle se prévaut ne peuvent être retenus comme probants.



Au demeurant, les ventes effectuées « hors comptabilité » sur de nombreuses années, telles que relevées par le contrôle fiscal pour les années 2004 à 2006, ont nécessairement conduit, en l'état de la notification du redressement fiscal, la société ALUMIR à déclarer son état de cessation des paiements, circonstance qui ne peut qu'être imputée à Madame [X].



Elle ne peut pas davantage reprocher à l'administration fiscale de de pas avoir mis en 'uvre toutes les mesures utiles pour s'assurer du recouvrement de la créance alors que, comme rappelé ci-dessus, la déclaration de cessation des paiements est intervenue moins de deux mois après délivrance des titres exécutoires et que la déclaration de créance a été régulièrement effectuée.



Madame [X], redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune correspondant à une valeur brute de patrimoine s'élevant à 1 724 369 €, dispose d'un patrimoine permettant, au moment où l'action en recouvrement a été engagée, le règlement de la créance fiscale.



Il convient par voie de conséquence, sauf à réduire à la somme de 153 572 € le montant auquel Madame [X] doit être condamnée après déduction d'un rappel de TVA d'un montant de 19 560 € correspondant à la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 août 2007, au cours de laquelle Madame [X] n'était plus gérante de droit, de confirmer l'ordonnance entreprise, prise en la forme des référés, en ce qu'elle a déclaré Madame [X] solidairement responsable avec la société ALUMIR du paiement des impositions et pénalités dues par la société et a condamné Madame [X] au paiement desdites impositions et pénalités.



Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur le comptable public du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Pyrénées Orientales partie des frais irrépétibles qu'il a pu exposer et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2000 €.





PAR CES MOTIFS



La Cour,



Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,





Confirme l'ordonnance entreprise sauf à réduire à hauteur de la somme de 153 572 € le montant auquel Madame [X] est condamnée au bénéfice de Monsieur le comptable public du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Pyrénées Orientales,



Condamne Madame [X] à payer à Monsieur le comptable public du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Pyrénées Orientales la somme de 2000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Madame [X] aux dépens.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT



DM

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