16 février 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/09285

Pôle 5 - Chambre 5

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 16 FEVRIER 2017



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09285



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2015 - Tribunal de Commerce d'EVRY - 4ème chambre - RG n° 2014F00138







APPELANTE



SARL AZPEITIA TRANSPORTS EUROPEENS

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 394 740 328

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Nathalie MALAZDRA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1082

Ayant pour avocat plaidant Me José DELFONT, avocat au barreau de ROUEN





INTIMEE



SAS CARREFOUR HYPERMARCHES

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 451 321 335

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Stéphanie GRIGNON DUMOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2334







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère

Madame Anne DU BESSET, Conseillère, chargée du rapport



qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




****





FAITS ET PROCÉDURE :



La société Medipalm a confié à la société Azpeitia Transports Européens (ci-après dénommée Azpeitia) des prestations de transport à destination de différents établissements, qui ont fait l'objet de 111 lettres de voitures et de 7 factures émises du 28 février au 30 septembre 2013, pour un montant total de 69.095,26 euros TTC.



Le 23 octobre 2013, la société Medipalm a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Dax, la cessation de paiements étant fixée au 16 octobre 2013.



Se disant non payée de ses factures par la société Medipalm, la société Azpeitia, par lettre recommandée avec AR en date du 2 décembre 2013 de son mandataire, le cabinet Corec, a réclamé à la société Carrefour Hypermarchés, dont l'établissement principal a pour enseigne Carrefour (ci-après dénommée Carrefour), en sa qualité, selon elle, de destinataire des marchandises, le paiement de la somme de 69.095,26 euros, sur le fondement de l'article L. 132-8 du code du commerce.



La société Carrefour contestant le bien-fondé de cette demande et s'opposant au règlement, la société Azpeitia l'a faite assigner en paiement le 4 février 2014 devant le tribunal de commerce d'Evry.



Par jugement rendu le 9 mars 2015, le dit tribunal a':



- condamné la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société Azpeitia Transports Européens la somme de 32.663, 92 euros TTC ;

- condamné la société Azpeitia Transports Européens à indemniser la société Carrefour Hypermarchés de la somme de 32.663, 92 euros TTC ;

- ordonné la compensation desdites sommes ;

- débouté la société Azpeitia Transports Européens de sa demande de paiement de la somme de 36.341, 34 euros à l'encontre de la société Carrefour Hypermarchés ;

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société Azpeitia Transport Européens à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



Vu l'appel interjeté par la société Azpeitia Transports Européens le 22 avril 2015 ;




Vu les dernières conclusions signifiées par la société Azpeitia Transports Européens le 16 novembre 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de':



Vu l'article L 132-8 du code de commerce et l'article 1250 du code civil,



- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,





Et statuant à nouveau,



- Débouter l'intimée de ses demandes,



- Condamner la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société Azpeitia Transports Européens la somme de 69.095,26 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2013,



- Condamner la société Carrefour Hypermarchés au paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.



Vu les dernières conclusions signifiées par la société Carrefour Hypermarchés le 13 octobre 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de':



Vu l'article 1315 du code civil,

Vu l'article L. 132-8 du code de commerce,

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,



- Dire et juger irrecevable et non fondée la société AZPEITIA en son appel à l'encontre du jugement entrepris ;



- Confirmer ce jugement en ce qu'il a jugé que la société AZPEITIA n'avait pas la qualité de voiturier et ne bénéficiait pas de l'action directe de l'article L.132-8 du Code du commerce pour les transports à hauteur de 36 341,374 euros d'une part et qu'elle avait fait preuve de négligence en poursuivant ses relations avec un client qui ne la réglait pas et l'a en conséquence condamnée à indemniser la société CARREFOUR HYPERMARCHES pour les autres transports à hauteur de la somme de 32 663,92 euros et ordonné la compensation, d'autre part ;



- Débouter la société Azpeitia de toutes ses demandes, fins et conclusions ;



- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Carrefour Hypermarchés avait la qualité de destinataire aux transports ;



Statuant à nouveau :



- Dire et juger que la société AZPEITIA n'a pas déplacé personnellement la marchandise et exécuté elle-même tous les transports, ne justifie pas de la qualité de destinataire de la société CARREFOUR HYPERMARCHES, ni du caractère certain de sa créance et de la défaillance de la société MEDIPALM ; et que l'action directe de l'article L132-8 ne peut s'acquérir par la subrogation qu'elle soit légale ou conventionnelle ;



En tout état de cause :



- Dire et juger que la société AZPEITIA ne justifie pas de la régularité des subrogations

conventionnelles qu'elle invoque ;



En conséquence :



- Dire et juger que la société AZPEITIA est irrecevable et non fondée en son action directe en paiement formée à l'encontre de la société CARREFOUR HYPERMARCHES sur le fondement de l'article L132-8 du code de commerce et la débouter de toutes ses demandes en paiement fondées sur l'action directe de l'article L. 132-8 du Code de Commerce ;



A titre reconventionnel :







Pour le cas où par extraordinaire la cour ferait droit aux demandes de la société AZPEITIA, il y aurait néanmoins lieu de confirmer le jugement et de :



- Dire et juger que la société AZPEITIA s'est rendue coupable d'une négligence fautive

engageant sa responsabilité à l'égard de la société CARREFOUR HYPERMARCHES et doit indemniser le préjudice subi par celle-ci égal au montant du prix des transports réclamés ;



En conséquence :



- Condamner la société AZPEITIA à indemniser la société CARREFOUR HYPERMARCHES de son préjudice égal au montant du prix des transports réclamés et ordonner la compensation judiciaire ;



- Condamner la société AZPEITIA à verser à la société CARREFOUR HYPERMARCHES la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;



En tout état de cause :



- Condamner la société AZPEITIA à verser à la société CARREFOUR HYPERMARCHES la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;



L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 novembre 2016.



La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.






MOTIFS :



Sur les demandes principales de la société Azpeitia :



La société Azpeitia exerçant à l'encontre de la société Carrefour, en sa qualité alléguée de destinataire, l'action en paiement directe prévue à l'article L 132-8 du code de commerce, il convient de distinguer les transports qu'elle a sous-traités à d'autres transporteurs, de ceux qu'elle a elle-même effectués, qui seront successivement examinés.




Sur les 48 transports sous-traités par la société Azpeitia, facturés à hauteur de 36.341,34 euros :




La société Azpeitia demande le paiement de la somme de 36.341,34 euros correspondant selon elle aux factures afférentes aux 48 transports que lui a confiés la société défaillante Medipalm, transports qu'elle a sous-traités à d'autres transporteurs, qu'elle a directement rémunérés et qui l'ont chacun conventionnellement subrogée dans leurs droits et notamment dans l'action directe à l'encontre du destinataire des marchandises, la société Carrefour.



Or, l'action directe en paiement des prestations de transport prévue à l'article L 132-8 du code de commerce qui s'exerce à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire et se trouve destinée à protéger du risque d'impayé par le donneur d'ordre et à garantir le paiement, est ouverte au seul voiturier, lequel se définit comme le professionnel qui effectue personnellement le déplacement de la marchandise. Par suite, cette action n'est pas transmissible à quiconque par le voiturier, fût-ce par le biais de la subrogation.



En l'espèce, la société Azpeitia reconnaissant expressément avoir sous-traité les transports en cause à d'autres transporteurs, qui doivent donc être considérés comme ayant seuls assuré le déplacement de la marchandise, peu important que ce soit sous la direction de l'intéressée, n'est pas fondée à exercer l'action directe précitée, nonobstant les subrogations conventionnelles effectuées par ces sous-traitants à son profit qui sont à cet égard inopérantes ; le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Carrefour au paiement de la somme de 36.341,34 euros.




Sur les 63 transports effectués par la société Azpeitia elle-même, facturés à hauteur de 32.663,92 euros :




La société Azpeitia demande le paiement de la somme de 32.663,92 euros correspondant selon elle aux factures demeurées impayées afférentes aux 63 transports que lui a confiés la société défaillante Medipalm, qu'elle a effectués elle-même et dont la société Carrefour Hypermarchés était le destinataire.



Cette dernière s'y oppose, faisant valoir que l'appelante ne rapporte pas la preuve de sa qualité de destinataire des marchandises qu'elle conteste, ainsi que du caractère certain de sa créance.



Il est rappelé que la charge de la preuve de la qualité de destinataire des marchandises du défendeur à l'action en paiement direct pèse sur le demandeur à cette action, soit ici sur la société Azpeitia, et, que cette preuve peut être rapportée par tous moyens, même si la lettre de voiture est incomplète ou imprécise.



En l'espèce, les lettres de voiture litigieuses indiquent comme destinataires certes non pas la société 'Carrefour Hypermarchés', mais selon le cas 'Carrefour' suivi d'un nom de commune et d'une adresse (par exemple : 'Carrefour Villiers', sis [Localité 3], 'Carrefour Ecully', sis [Localité 4]...etc) et/ou un organisme comme 'ID Logitics' ou 'ND Logitics' dont le cachet précise 'pour le compte de Carrefour' (sic).



Il apparaît ainsi que différentes sociétés logistiques ont reçu et accepté la livraison des marchandises en tant que mandataires de 'Carrefour' (sic), ce qui atteste d'une organisation logistique importante du groupe Carrefour.



Par ailleurs, selon son Kbis, 'Carrefour' est l'enseigne de plusieurs établissements, dont l'établissement principal, de la SAS Carrefour Hypermarchés, société-mère du groupe Carrefour, étant rappelé qu'il est courant de désigner une société par son enseigne.



Enfin, il résulte de l'échange de correspondances intervenu courant décembre 2013 entre Corec, société de recouvrement mandatée par Azpeitia, et la 'direction juridique France' de Carrefour, que la qualité de destinataire des marchandises de la société Carrefour Hypermarchés n'était absolument pas contestée par cette dernière ; par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, la preuve de cette qualité est ici suffisamment rapportée.



S'agissant du caractère certain de la créance, contrairement à ce que soutient la société Carrefour Hypermarchés, celle-ci étant partie au contrat de transport en sa qualité de destinataire des marchandises transportées, elle se trouve tout comme l'expéditeur, garante du paiement du prix du transport à l'égard du voiturier. Par suite, l'action directe de ce dernier n'est pas subordonnée à la déclaration de sa créance au passif de son donneur d'ordre, ici l'expéditeur.



En outre, la preuve du prix convenu se déduit de l'envoi des factures par la société Azpeitia à l'expéditeur et donneur d'ordre, la société Medipalm, sans protestation de la part de celle-ci et alors qu'elle était encore in bonis. Le moyen tiré du caractère incertain de la créance sera donc rejeté.





En conséquence, le jugement sera également confirmé, par motifs adoptés, en ce qu'il a accueilli l'action directe de la société Azpeitia à hauteur de 32.663,92 euros et ainsi condamné la société Carrefour Hypermarchés à lui payer la dite somme. Il sera ajouté que les intérêts au taux légal seront dus à compter du 2 décembre 2013, date de la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception de la société Corec.



Sur les demandes reconventionnelles de la société Carrefour Hypermarchés :



La société Carrefour demande la condamnation de la société Azpeitia à lui payer une indemnité égale au montant des condamnations dont elle ferait l'objet, avec compensation, en réparation de sa négligence fautive ayant consisté à poursuivre sa relation commerciale avec Medipalm pendant 9 mois (de février à octobre 2013) sans être payée, alors que les factures de transport routier sont payables dans un délai maximum de 30 jours à compter de leur émission en vertu de l'article L441-6 du code de commerce, compte tenu de ce qu'elle était assurée d'être rémunérée par elle-même par le biais de l'action directe, dont l'esprit était ainsi détourné.



L'engagement de la responsabilité d'Azpeitia à l'égard de Carrefour suppose que cette dernière rapporte la preuve d'une faute de la première et d'un préjudice pour elle-même, ainsi que d'un lien causal entre ces deux éléments.



Or, l'action directe légalement prévue offerte au transporteur routier, ici accueillie, constituant pour celui-ci un droit, preuve n'est pas rapportée par l'intimée que son exercice serait fautif et que la condamnation au paiement qui en résulte pour elle en sa qualité de destinataire constituerait un préjudice réparable, s'agissant là d'une obligation tout à la fois contractuelle et légale. En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande indemnitaire de la société Carrefour sur ce point.



Enfin, succombant partiellement, la société Carrefour ne démontre pas en quoi le droit d'ester en justice de la société Azpeitia à son encontre aurait dégénéré en abus ; la décision querellée sera donc confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.



**********



Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Azpeitia aux dépens et à payer à la société Carrefour la somme de 3.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. En effet, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Carrefour, qui devra en outre s'acquitter d'une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de son adversaire.





PAR CES MOTIFS





Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a condamné la société Azpeitia Transports Européens à indemniser la société Carrefour Hypermarchés de la somme de 32.663,92 euros TTC, ordonné la compensation et condamné la société Azpeitia Transport Européens à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;



Statuant de nouveau sur les points réformés,



Déboute la société Carrefour Hypermarchés de sa demande de dommages intérêts ;





Condamne la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société Azpeitia Transports Européens la somme de 2.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Rejette toutes autres demandes ;



Ajoutant au jugement entrepris,



Dit que la somme de 32.663,92 euros, objet de la condamnation au paiement de la société Carrefour Hypermarchés au profit de la société Azpeitia Transports Européens, produira intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2013 ;



Condamne la société Carrefour Hypermarchés aux dépens de première instance et d'appel.







Le Greffier Le Président



B. REITZER L. DABOSVILLE

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