7 mars 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/12585

Pôle 1 - Chambre 3

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 7 MARS 2017



(n° 193 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12585



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/53834





APPELANT



Monsieur [J] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]



Représenté et assisté de Me Paul YON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0347







PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE INTIMEE :



VILLE DE PARIS prise en la personne de Madame Le Maire Madame [L] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée et assistée de Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079







PARTIE JOINTE



MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS - Service Civil

Palais de Justice

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représenté par Madame Isabelle SCHLANGER, avocat général











COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, et Madame Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère



Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.








Par ordonnance réputée contradictoire du 3 mai 2016, le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés, constatant que M. [J] [X] avait enfreint, au minimum de janvier 2015 à septembre 2015, les dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation relativement à son appartement situé au 4ème étage porte face gauche de l'escalier A du bâtiment A de l'immeuble sis [Adresse 4], a principalement :



- condamné M. [J] [X] au paiement d'une amende de 20 000 euros ;



- ordonné en tant que de besoin le retour du local concerné à l'habitation ;



- décerné à cette fin injonction à M. [X] d'en justifier en produisant à M. le Procureur de la République un bail d'habitation relatif au local, ou toute autre pièce opérante pour justifier de son occupation à usage d'habitation au sens de la loi, ce dans les trois mois de la signification de la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, pour un nouveau délai de deux mois, en se réservant la liquidation de cette astreinte.



Par déclaration du 7 juin 2016, M. [J] [X] a interjeté appel de cette décision.




Par ses conclusions transmises le 26 janvier 2017, il demande à la cour de :



à titre principal,



- prononcer la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée le 21 mars 2016 ainsi que celle de l'ordonnance du 3 mai 2016,



- déclarer la Ville de Paris irrecevable en son intervention volontaire ;



à titre subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance de référé du 3 mai 2016,



- et débouter le Parquet et la Ville de Paris de leurs demandes ;



en tout état de cause,



- condamner in solidum l'Etat et la Ville de Paris à lui verser la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Paul Yon, avocat au Barreau de Paris, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Il soutient :



- qu'il convient, en application de l'article 114 du code de procédure civile, d'annuler l'assignation qui ne contient ni l'indication de la date d'audience ni l'autorisation du juge d'assigner d'heure à heure en violation des articles 56 et 485 du code de procédure civile, ces omissions lui causant un grief, ayant été empêché d'assurer sa défense ;



- que l'intervention volontaire de la Ville de Paris est irrecevable en application de l'article 554 du code de procédure civile, ayant été représentée en première instance, cette intervention lui permettant de contourner les délais de l'article 909 du code de procédure civile ;



- à titre subsidiaire, qu'il n'y a pas de violation de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, le parquet ne rapportant pas la preuve qu'il loue son appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, le rapport de la Direction du logement et de l'habitat, qui se contente de constater sans précision ces occupations, ne prouvant rien et ne se fondant sur aucun témoignage précis ;



- qu'au demeurant, si son appartement a fait l'objet de locations de courtes durées, il n'y est pour rien et sa responsabilité ne peut être recherchée dans la mesure où il a loué son appartement à la société Habitat Parisien par acte sous seing privé du 2 juin 2010 renouvelable par tacite reconduction, et qu'il a toujours déclaré à l'administration fiscale les revenus qu'il en tirait ;



- qu'enfin, dès l'information par la Mairie de Paris que son appartement faisait l'objet d'une location meublée de courte durée, il l'a loué en meublé par acte sous seing privé du 29 décembre 2015 pour une durée d'un an renouvelable.



Par ses conclusions transmises le 30 janvier 2017, le Ministère public représenté par le Procureur général demande à la cour d'infirmer l'ordonnance uniquement en ce qu'elle a ordonné le retour à l'habitation, et de condamner M. [X] à une amende civile d'un montant de 20 000 € conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation dont le montant sera intégralement versé à la commune de Paris dans laquelle est situé l'immeuble conformément à l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation.



Il fait valoir :



- que l'assignation délivrée à M. [X] est régulière et qu'il n'a subi aucun grief dans la mesure où elle l'a été en même temps que l'autorisation du 16 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Paris qui contenait la date d'audience ;



- qu'il est rapporté la preuve par les constatations précises de la mairie de Paris que M. [X] louait son appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage touristique par l'intermédiaire de 'booking.com' ;



- que M. [X] ne peut s'exonérer de sa responsabilité du fait du contrat conclu avec la société Habitat Parisien, dont il ne rapporte pas la preuve qu'il était effectivement applicable durant la période visée dans l'ordonnance à savoir de janvier à septembre 2015 ;



- qu'au regard des revenus potentiels de ce type de location, le montant de l'amende doit être maintenu.



Par ses conclusions en intervention volontaire transmises le 24 janvier 2017, la Ville de Paris demande à la cour de confirmer l'ordonnance, de dire qu'en application de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, le produit de cette amende lui sera intégralement versé, et de condamner M. [X] à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par Me Bruno Mathieu, avocat.



Elle fait valoir :



- que son intervention volontaire est recevable, répondant à un intérêt à agir et se rattachant par un lien suffisant à la prétention originaire au regard de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 qui lui donne désormais compétence pour agir en justice afin de faire cesser les usages de locaux d'habitation à des fins interdites et d'obtenir le prononcé de sanctions pécuniaires ;



- que l'assignation délivrée à M. [X] est régulière, dès lors qu'elle comporte une date d'audience inscrite à la main et non dactylographiée et qu'il n'a subi aucun grief puisque l'ordonnance d'autorisation d'assigner à jour fixe constitue une mesure d'administration judiciaire dont l'absence à l'acte n'affecte pas la validité de l'assignation ;



- que la loi du 4 août 2008 modifiée par la loi du 17 février 2009 ayant subordonné le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation à une autorisation préalable de la Mairie afin de préserver le parc de résidences principales dans la capitale, les amendes et astreintes prononcées doivent avoir un caractère dissuasif compte tenu des bénéfices tirés par les propriétaires de ce type de locations de courte durée.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions transmises et développées lors de l'audience des débats.




MOTIFS



Considérant préalablement, sur l'exception de nullité soulevée, que l'exemplaire de l'assignation produit par Monsieur [X] n'est pas le premier original qui est remis par l'huissier au défendeur, mais une expédition ; que dans ces conditions, la Cour ne peut vérifier si la date de comparution à l'audience figurait bien sur l'original qui lui a été signifié à domicile à la personne de son épouse, étant observé de surcroît que la copie produite ne reproduit pas non plus l'annexe de signification qui n'est pas numérotée, laquelle précise bien que l'acte remis comporte 26 pages à l'expédition, et que la page 1, qui manque sur l'exemplaire produit par Monsieur [X], est la requête aux fins d'assigner d'heure à heure et l'ordonnance du président autorisant cette assignation pour la date du 7 avril 2016 ; que l'exception doit être rejetée ;



Considérant ensuite, sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la Mairie de Paris, que celle-ci a été rendue obligatoire par les dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, modifiées la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, d'application immédiate s'agissant d'une loi de procédure, qui dispose que :

'Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.' ;

Qu'il importe donc peu que le jugement attaqué mentionne la Ville de Paris, au demeurant non comme partie mais comme 'présente', en la personne de son contrôleur assermenté, celui-ci n'ayant pas qualité à l'époque pour poursuivre l'infraction civile, qualité que la loi lui confère désormais ; qu'il doit être ajouté que cette intervention volontaire n'a pas permis à la Mairie de Paris de contourner les délais de l'article 909 du code de procédure civile lesquels ne sont pas applicables en matière de référé par application de l'article 905 du code de procédure civile ;



Considérant enfin que la loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté un dernier alinéa à l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation selon lequel « Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article », ledit changement d'usage des locaux destinés à l'habitation étant, selon l'alinéa 1, soumis à autorisation préalable dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1 ; que ces locations « répétées » de courtes durées sont alors considérées comme destinées à un usage hôtelier et non plus à un usage d'habitation ; qu'à défaut d'une autorisation municipale, l'amende susvisée est encourue ;



Or considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'enquête diligentée par la Direction du logement et de l'habitat à la suite de la plainte du syndic de la copropriété du [Adresse 5] transmettant une pétition des occupants de l'immeuble que l'appartement de Monsieur [X] a été loué sur le site de booking.com et budgetplaces.com, les photos prises sur place les 3 septembre 2015 et 8 décembre 2015 après ouverture du logement par les touristes qui l'occupaient temporairement correspondant à celles figurant sur le site ; que le même logement était proposé à la location touristique sur le site Habitat Parisien les 23 octobre 2013 et 15 septembre 2015 ; que Monsieur [X], dit [X], ne peut contester ces faits puisqu'il justifie avoir donné son appartement en location meublée par contrat du 2 juin 2010 à la société Habitat Parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement, cette location en connaissance de cause ne pouvant le dégager de sa responsabilité en qualité de propriétaire, et qu'il a répondu le 20 décembre 2015 à l'injonction qui lui était faite par la Mairie de Paris le 4 décembre précédent de cesser l'infraction constituée par la location meublée de courte durée du logement qu'il en prenait bonne note et entendait s'y conformer ; qu'il produit effectivement un contrat de bail meublé signé le 29 décembre 2015 sans qu'aucune autre pièce n'établisse l'effectivité dudit bail ; qu'il convient au vu de l'ensemble de ces éléments de confirmer la décision attaquée en ce qui concerne tant le principe que le montant de l'amende prononcée, étant ajouté qu'elle devra être intégralement versée à la Mairie de [Localité 1], commune dans laquelle est situé l'immeuble conformément à l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ; que s'agissant de la condamnation sous astreinte au retour à l'habitation du logement, elle n'est plus demandée par le Ministère public et il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance sur ce point ;



Considérant que le sort des dépens a été exactement réglé par le premier juge ; qu'en appel, il y a lieu d'allouer à la Ville de Paris une indemnité de procédure dont le montant sera justement fixé à 1500 € ;





PAR CES MOTIFS





La Cour, statuant en la forme des référés,



Confirme l'ordonnance attaquée, sauf en ce qui concerne l'injonction sous astreinte de remettre le local à l'habitation et d'en justifier ;



Statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant,



Dit n'y avoir plus lieu d'ordonner ce retour à l'habitation ;



Dit que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de Paris conformément à l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;



Condamne Monsieur [J] [X] dit [X] à payer à la Ville de Paris la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Le condamne aux dépens d'appel, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Mathieu.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.