18 septembre 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/04747

Pôle 5 - Chambre 10

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2017



(n°267, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04747 (Absorbant le RG : 15/05128)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/08399





APPELANT



Monsieur [E] [O]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Pierre LE ROUX de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE





INTIMÉE



MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 1]

Pôle Fiscale Parisien 1

Pôle Juridictionnel Judiciaire

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibéré.





Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN









ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Clémentine GLEMET, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS ET PROCÉDURE



Madame [K] [W] veuve [O], décédée le [Date décès 1] 2008, a laissé pour lui succéder son fils [E] [O] et son petit-fils [I] [O], par représentation de son père [X] [O], qui a renoncé à la succession. Deux déclarations partielles de succession ont été enregistrées le 8 avril 2009 pour les contrats d'assurance vie souscrits par la défunte au bénéfice de [E] [O], la déclaration de succession principale étant enregistrée le 18 décembre 2009.



Par proposition de rectification adressée à [E] [O], le 21 avril 2011, l'administration fiscale a réintégré à l'actif net de la succession une créance de « bouclier fiscal » au titre des revenus de l'année 2007, et rectifié la valeur des titres de la SICAV ortalgos investissement ainsi que celle des contrats d'assurance-vie.



En réponse aux observations formulées par M. [O] le 15 juin 2011, l'administration fiscale a confirmé les rectifications opérées par courrier du 5 septembre 2011. Un avis de mise en recouvrement était émis le 23 janvier 2012 pour une somme de 671 922 euros en droits et 59 129 euros de pénalités.



Suite à l'absence de réponse de l'administration fiscale à sa réclamation contentieuse du 31 mai 2012, M. [E] [O] a saisi le tribunal de grande instance de Paris par assignation en date du 6 juin 2013, aux fins d'obtenir la décharge des impositions supplémentaires résultant la rectification susvisée.



En cours d'instance, l'administration fiscale a accordé le dégrèvement des suppléments de droits concernant les contrats d'assurance-vie.



Par jugement rendu le 12 février 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- constaté que l'administration fiscale a accordé le 4 décembre 2013 et le 12 juin 2014 les deux dégrèvements sollicités au titre des contrats d'assurance vie cardif n°6999309 et n°6999004 ;

- débouté [E] [O] du surplus de ses demandes ;

- condamné le directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'[Localité 1] aux frais visés par l'article R*207 du livre des procédures fiscales ;

- condamné le directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'[Localité 1] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit.



M. [E] [O] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 6 mars 2015.




Par conclusions signifiées le 5 avril 2017, il demande à la cour de :

- Ouïr les parties en leurs explications orales sur le rapport fait par un juge en audience,

- adjuger à M. [E] [O] le bénéfice de son exploit introductif d'instance.

- déclarer M. [E] [O] recevable et bien-fondé dans ses demandes,



En conséquence,

- annuler le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 12 février 2015 ;

- déclarer nul et de nul effet l'avis de mise en recouvrement du 23 janvier 2012 ;

- prononcer au profit de M. [E] [O] la décharge des impositions y relatées et non encore dégrevées, et la restitution de la somme de 578 663 euros représentant les droits en principal et 50 922 euros d'intérêts de retard assorties le cas échéant des intérêts moratoires calculés à compter de la date du paiement desdites impositions contestées ;

- condamner la direction générale des finances publiques au paiement des entiers dépens par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et aux frais non compris dans les dépens à hauteur d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Dans ses conclusions déposées le 12 mai 2017, l'administration fiscale souhaite voir la cour :

- dire et juger M. [E] [O] mal fondé en son appel du jugement rendu le 12 février 2015 par le tribunal de grande instance de Paris,

l'en débouter, ainsi que de toutes ses demandes,

- confirmer la décision entreprise,

- rejeter les demandes en paiement des dépens et de la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles,

- condamner l'appelant aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.



La clôture est intervenue par ordonnance en date du 22 mai 2017.




SUR CE,



Sur la créance de restitution d'impôt (« bouclier fiscal » au titre des revenus 2007)



Les héritiers de Mme [W] ont présenté et obtenu une réponse favorable à leur demeande de plafonnement des impôts directs à 50 % des revenus de l'année 2007. Il a été restitué à ce titre la somme de 629 738 euros.

L'administration fiscale a réintégré cette somme à l'actif, en se fondant sur les dispositions de l'article 750 ter et 758 du code général des impôts.



L'appelant soutient que le jugement critiqué, est dépourvu de base légale. M. [O] fait valoir que l' instruction 13A-1-06 du 14 décembre 2006, n'est pas de nature à fonder, en droit strict, l'existence d'une créance à rattacher rétroactivement à l'actif net successoral du défunt, s'agissant du mécanisme de plafonnement des impôts direct et non de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit ; que le jugement ne fait référence à aucun texte confortant la position adoptée par l'administration. Il considère qu'à la date du décès, la défunte n'était titulaire d'aucune créance au titre du bouclier fiscal, le fait générateur étant postérieur, et qu'elle ne doit donc pas être intégrée à l'actif successoral, ne s'agissant pas d'une créance certaine dans son principe et son montant à la date du décès.



L'administration fiscale réplique que, le droit à restitution au titre du « bouclier fiscal » est acquis le 1er janvier de la deuxième année qui suit celle de celle de la réalisation des revenus ; l'instruction précise qu'en cas de décès du contribuable au cours de l'année du paiement des impositions, la demande en restitution est exercée au nom et pour le compte du contribuable décédé , par ses ayants droits ; qu'en vertu de l'article 750 ter du code général des impôts le droit à restitution existe au décès de la défunte dès lors que les conditions pour en bénéficier sont remplies, précisant que l'article 750 ter du code général des impôts ne prévoit pas que les créances conditionnelles ne seraient pas taxables. Elle ajoute au surplus que la créance est taxable dans la succession en tant que bien entré dans l'hérédité.



Ceci exposé, il est de régle que la doctrine administrative doit permettre d'éclairer le contribuable et que la mesure ne lui est opposable que dès lors qu'elle correspond à une circulaire, une note administrative ou une réponse ministérielle qui correspond à la situation du contribuable.

En l'espèce, l'instruction administrative 13A-1-06 du 15 décembre 2006 , figure dans la loi 2005-1719 du 30 décembre 2005, laquelle prévoit que la demande en restitution peut être exercée au nom et pour le compte du contribuable décédé par ses ayants droits .Elle admet qu'un contribuable qui est décédé au cours de l'année de paiement des impositions ouvre droit à restitution pour ses ayants droits.



L'article 1649 -0 A 1 du code général des impôts prévoit un droit de créance ou de restitution au titre du bouclier fiscal, à compter du 1er janvier de la deuxième année qui suit celle de la réalisation des revenus pris en compte, ce qui suppose une créance certaine en son principe et son montant, soit définitivement acquise au jour du décès.



Mme [W] veuve [O] est décédée le [Date décès 1] 2008. Les héritiers de Mme [W] veuve [O] ont obtenu satisfaction, au titre de leur demande de plafonnement des impôts directs de l'année 2007, formée le 26 janvier 2009. Ce droit à restitution a été obtenu par les ayant droits en vertu des dispositions de l'instruction administrative précitée. Le défaut de base légale ne sera donc pas accueilli.

S'agissant de la créance, l'appelant critique la réintégration à l'actif de la restitution, opérée par l'administration. La cour considère que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que, si l'exercice du droit à restitution appartient aux ayant-droits agissant au nom et pour le compte du contribuable décédé, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une créance du contribuable décédé sur l'Etat, laquelle doit être réintégrée à l'actif successoral en application de l'article 750 précité.



En tout état de cause, le bien est taxable en vertu de la théorie des biens rentrés dans l'hérédité. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.



Sur la valeur des actions de la SICAV Ortalgos investissement



M. [O] expose que les titres détenus par Mme [K] [W] veuve [O] dans la SICAV Ortalgos investissement ont été retenus dans l'actif successoral pour une valeur nulle, estimant qu'une partie de l'actif de cette SICAV était investie en titres de la SICAV Luxalpha american b, directement impactée par la fraude « [D] ».



M. [O] critique le jugement en ce qu'il a estimé que le mode d'évaluation était mal fondé au regard des dispositions applicables et a retenu un cours irréaliste.

Il soutient que le relevé du 30 novembre 2008 transmis par la banque BNP Paribas securities services, ne correspond pas à la valeur vénale des titres au décès, que ce n'est pas la révélation de la fraude le 11 décembre 2008, quelques jours après le décès ([Date décès 1]), mais la réalisation de celle-ci qui a vidé la SICAV de toute substance.



M. [O] précise que le dernier ordre de vente, intervenu le 4 novembre 2008 avant le décès , n'a pas été réglé par la banque dépositaire de la SICAV Luxalpha, ce qui démontre que la valeur liquidative des actions était nulle dès avant le décès de Mme [O]. Il s'appuie sur l'adage « la fraude corrompt tout » pour en déduire que la valeur du portefeuille de la SICAV ortalgos au 30 novembre 2008 comporte un montant d'actif fictif de la SICAV Luxalpha pour 3 069 830,82 €, et ajoute que l'évaluation des actions a été confirmée par la décision de la direction des services fiscaux du 6 novembre 2009 valant prise de position formelle au regard de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales. Il reproche à la juridiction de ne pas avoir répondu à ce moyen.



En réplique, l'administration fiscale indique que les actions de SICAV sont évaluées sur la base de la dernière valeur de rachat connue à la date du décès. Elle fait valoir que les actions de la SICAV Ortalgos pouvaient faire l'objet de transactions au jour du décès de Mme [K] [W] veuve [O] en évoquant des valeurs liquidatives entre le 23 novembre et le 21 décembre 2008 et précise qu'il convient de supposer que le fonds n'a pas jugé utile de suspendre les opérations de souscription et de rachat après la recommandation non impérative de l'AMF du 17 décembre 2008, concernant les actifs touchés par la fraude « [D] ».

Elle soutient également que le rescrit du 6 novembre 2009 invoqué ne concerne pas le fonds Ortalgos, qui n'a pas suspendu ses opérations, et que dans tous les cas, la suspension ne serait intervenue que postérieurement au fait générateur de l'impôt (le décès) et serait donc sans incidence sur l'assiette des droits. Elle ajoute que le gestionnaire du fonds a dévalué la valeur liquidative de 7,1% entre le 7 et le 14 décembre 2008 pour tenir compte des actifs impactés, et qu'il n'y a donc pas lieu de retraiter les actifs lors de la déclaration. Elle considère que le prix unitaire de cession des actions de la SICAV ortalgos au 7 décembre 2008 aurait été de 3 221,84 € et non 3 011,35 €, qu'ainsi, la dernière publication avant le décès à hauteur de 3 221 € a été justement prise en compte pour la détermination de l'assiette des droits.



Ceci exposé, l'article 666 du code général des impôts énonce que les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement sont assis sur la valeur. L'article 799 du même code dispose que les actions de SICAV et parts de FCP sont évaluées sur la base de leur dernière valeur de rachat connue à la date du décès.



L'administration fiscale a réévalué la SICAV Ortalgos à 3 221, 72 euros, telle que figurant sur le relevé de la banque Indosuez .

La recommandation de l'autorité des marchés financiers (AMF) dont se prévaut l'appelant

est intervenue postérieurement au décès de Mme [W] et il ressort du relevé de succession transmis par la banque Indosuez qu'au [Date décès 1] 2008 le cours de la SICAV Ortalgos était valorisé à 3 221, 840 euros.



Ainsi, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, que le tribunal a relevé la postériorité au décès de Mme [W] de la recommandation de l'Autorité des marchés financiers et a tenu compte du relevé au [Date décès 1] 2008, date du décès de Mme [W], de la valorisation du cours des SICAV Ortalgo à la somme de 3 221, 840 €.



S'agissant de la mesure prévue par le rescrit 2009/37 elle concernait les droits entrant dans l'assiette des droits de mutation à titre gratuit, qui ont fait l'objet d'une suspension des souscriptions et des achats. Or, le [Date décès 1] Mme [W] détenait des actions de la SICAV Ortalgo dont 6, 53 % était investi au titre de la SICAV Luxalpha, si bien qu'elle ne détenait pas directement d'actions Luxalpha. Il s'en déduit que les fonds Ortalgos n'étaient pas concernés par le rescrit.

En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.





Sur les autres demandes



Il paraît équitable d'allouer à l'intimée une somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en appel.



M. [E] [O] partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu de supporter la charge des dépens.





PAR CES MOTIFS



La cour,



CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ,



Y ajoutant,



CONDAMNE M. [E] [O] à payer à M. Le directeur régional des finances publiques d'[Localité 1] pôle fiscal parisien la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE M. [E] [O] aux dépens.













LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT



C. GLEMET E. LOOS

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