7 décembre 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-15.230

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:CO01262

Titres et sommaires

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B du livre des procédures fiscales) - Voies de recours - Appel contre l'ordonnance d'autorisation - Intervention de titulaires du droit d'appel - Irrecevabilité

Les titulaires du droit d'appel à l'encontre des ordonnances rendues par le juge des libertés et de la détention en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne sont pas fondés à intervenir devant le premier président. Ayant retenu que la demande aux fins d'annulation d'une ordonnance, formée sous la forme de conclusions d'intervention volontaire aux cotés de contribuables suspectés de fraude n'était pas recevable, peu important que les personnes intervenant n'aient pas été informées par l'administration de la possibilité de faire appel, le premier président, qui a ainsi fait ressortir qu'elles étaient titulaires du droit d'appel, en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient intervenir volontairement

Texte de la décision

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2010


Rejet


Mme FAVRE, président


Arrêt n° 1262 FS-P+B

Pourvoi n° M 10-15.230





R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme [F] [P], domiciliée 7 rue du Loing, 75014 Paris,

2°/ la société [P] France, société à responsabilité limitée, dont le siège est 69 rue Molière, 94200 Ivry-sur-Seine,

3°/ Mme [R] [J], épouse [P],

4°/ M. [K] [P],

5°/ M. [A] [P],

6°/ M. [V] [P],

tous quatre domiciliés 7 rue du Loing, 75014 Paris,

contre l'ordonnance rendue le 18 mars 2010 par le premier président de la cour d'appel de Paris (Pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par le chef des services fiscaux chargé de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié 6 bis rue Courtois, 93695 Pantin cedex,

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 novembre 2010, où étaient présents : Mme Favre, président, M. Delbano, conseiller référendaire rapporteur, Mme Tric, conseiller doyen, MM. Petit, Jenny, Mmes Pezard, Laporte, Bregeon, M. Le Dauphin, Mmes Mandel, Jacques, M. Grass, conseillers, Mmes Farthouat-Danon, Michel-Amsellem, M. Pietton, Mmes Maitrepierre, Tréard, Schmidt, conseillers référendaires, Mme Bonhomme, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Delbano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé, avocat des consorts [P] et de la société [P] France, de Me Foussard, avocat du directeur général des finances publiques, l'avis de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par un premier président de cour d'appel (Paris, 18 mars 2010, n° 124) et les pièces produites que, le 26 juin 2006, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé les agents de l'administration des impôts à procéder, conformément aux dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des opérations de visites et saisies dans les locaux et dépendances situés 7 bis rue du Loing à Paris , susceptibles d'être occupés par [F] [U] et (ou) [F] [U] et (ou) [V] [U] et (ou) [V] [U] et (ou) [L] [T], épouse [V] [U] et (ou) [E] [A] [U] et (ou) [A] [U] et (ou) [B] [K] [U] et (ou) [R] [J], épouse [K] [U] et dans ceux situés 32 rue des Jeûneurs à Paris, susceptibles d'être occupés par la société JLJ & Associés et [X] [W], en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société [P] France, présumée minorer ses achats et ses stocks, omettre de comptabiliser les ventes correspondantes et avoir passé des écritures comptables inexactes, se soustrayant ainsi à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA ; que Mme [F] [P] et la société [P] France ont fait appel de l'ordonnance ayant autorisé les visites ; que, devant le premier président, M. et Mme [K] [P], M. [A] [P] et M. [V] [P] sont intervenus volontairement à l'instance en déposant des conclusions communes aux appelants ;

Attendu que Mme [F] [P], la société [P] France, Mme [R] [J], épouse [P], MM. [K], [A] et [V] [P] font grief à l'ordonnance d'avoir déclaré irrecevable la demande aux fins d'annulation de l'ordonnance de première instance formée par Mme [R] [J], épouse [P], MM. [K], [A] et [V] [P] sous la forme de conclusions d'intervention volontaire, alors, selon le moyen, qu'aucune disposition de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui prévoit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel par voie de déclaration au greffe, n'exclut la possibilité d'une intervention volontaire au soutien d'un appel principal formé contre cette ordonnance ; qu'en jugeant le contraire, le premier président de la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble les articles 329 et 330 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la demande aux fins d'annulation de l'ordonnance contestée, formée par Mme [R] [J], épouse [P], MM. [K], [A] et [V] [P] sous la forme de conclusions d'intervention volontaire aux cotés de la société [P] France et de Mme [F] [P] n'était pas recevable, peu important que ces personnes n'eussent pas été informées par l'administration de la possibilité de faire appel, le premier président, qui a ainsi fait ressortir qu'elles étaient titulaires du droit d'appel, en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient intervenir volontairement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [F] [P], la société [P] France, Mme [R] [J], épouse [P], MM. [K], [A] et [V] [P] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros au directeur général des finances publiques et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour les consorts [P] et la société [P] France ;

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST REPROCHE A L'ORDONNANCE ATTAQUEE D'AVOIR déclaré irrecevable la demande aux fins d'annulation de l'ordonnance de première instance formée par Mme [R] [J] épouse [P], MM. [K], [A] et [V] [P] sous la forme de conclusions d'intervention volontaire,

AUX MOTIFS QUE l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoyait expressément que l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire et la saisie de documents devait être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée par pli recommandée ou à compter du 1e r janvier 2009, par voie électronique au greffe de la cour ; que dès lors la demande aux fins d'annulation de l'ordonnance contestée, formée par Mme [R] [J] épouse [P], MM. [K], [A] et [V] [P] sous la forme de conclusions d'intervention volontaire aux cotés de la société [P] et de Mme [F] [P] n'était pas recevable, peu important le fait que ces personnes n'eussent pas été informées par l'administration de la possibilité de faire appel, le délai pour ce faire n'ayant pas de ce fait couru à leur égard, ALORS QU'aucune disposition de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui prévoit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel par voie de déclaration au greffe, n'exclut la possibilité d'une intervention volontaire au soutien d'un appel principal formé contre cette ordonnance ; qu'en jugeant le contraire, le premier président de la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble les articles 329 et 330 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST REPROCHE A L'ORDONNANCE CONFIRMATIVE ATTAQUEE D'AVOIR autorisé les agents de l'administration des impôts à procéder, conformément aux dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des opérations de visites et saisies domiciliaires à l'encontre de la société [P] FRANCE dans les locaux et dépendances situés 7 bis rue du Loing à PARIS 14ème , susceptibles d'être occupés par Mme [F] [P], Monsieur [V] [P] et son épouse Mme [L] [T], Monsieur [A] [P], Monsieur [K] [P] et son épouse Mme [R] [J] et dans ceux situés 32 rue des Jeûneurs à PARIS 2ème , susceptibles d'être occupés par la société JLJ & Associées et M. [X] [W],

AUX MOTIFS QUE, sur la non mention des coordonnées du juge des libertés et de la détention et l'insuffisant contrôle de ce dernier, la cour européenne des droits de l'homme n'avait pas posé d'exigences concrètes au déroulement des opérations elles-mêmes de visite et de saisie dès lors que l'ordonnance d'autorisation était suffisamment protectrice et précisait et qu'elle était respectée sur place ; que l'ordonnance contestée contenait le nom du magistrat qui l'avait rendue, mentionnait expressément que les agents qu'ils désignaient devraient le tenir informé du déroulement des opérations et veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense, que toute difficulté d'exécution serait portée à sa connaissance et que la décision serait notifiée verbalement sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou son représentant qui en recevrait copie intégrale, qu'elle était susceptible d'un recours, de sorte que la garantie des droits était acquise au stade de la décision prescrivant la visite ; que, par ailleurs, les appelants ne précisaient aucunement quelles coordonnées du juge auraient dû figurer sur l'ordonnance les ayant privés de la possibilité de le saisir de difficultés ; qu'enfin les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales étaient réputés établis par le juge qui l'avait rendue et signée ; que la circonstance que la décision en cause fût rédigée dans les mêmes termes qu'une ordonnance du même jour visant les mêmes personnes et rendues par le juge des libertés et de la détention d'une autre juridiction dans les limites de sa compétence était sans incidence sur sa régularité ; que sur la violation des droits de la défense et des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'ordonnance avait été rendue conformément à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales en vigueur à l'époque de l'ordonnance contestée lequel ne prévoyait pas la possibilité d'accès à l'avocat et la cour européenne des droits de l'homme n'en avait pas non plus affirmé le caractère indispensable ; que l'impossibilité pour le contribuable de saisir le juge pendant la visite n'était pas établie au regard des mentions de l'ordonnance ; que, sur le bien fondé et la proportionnalité de l'autorisation, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne subordonnait pas la saisine de l'autorité judiciaire pour son application au recours préalable à d'autres procédures, à une demande de pièce ou à des explications du contribuable ; que par ailleurs le juge des libertés et de la détention, pas plus que le délégué du premier président, n'étant le juge de l'impôt, la production de preuve d'une fraude n'était pas requise, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales imposant seulement que soient caractérisées des présomptions d'infractions ; qu'en l'espèce, au vu des pièces produites, dont l'origine apparemment licite n'était pas contestée, sur une discontinuité dans la numérotation des factures établies par la société [P] FRANCE sur la période du 1er décembre au 9 décembre 2003, des feuillets manquants dans le journal des ventes de ce même exercice et des incohérences d'écritures concernant les comptes emballages, le refus du commissaire aux comptes de certifier les comptes annuels pour l'exercice 2003 et l'absence de dépôt au greffe du tribunal de commerce de CRETEIL des comptes annuels pour l'exercice 2004, le juge des libertés et de la détention avait considéré à juste titre qu'il existait des présomptions selon lesquelles la société aurait minoré ses stocks, ses achats et parallèlement les ventes correspondantes, passé des écritures comptables inexactes et ainsi minoré ses recettes taxables à la TVA et ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés justifiant la mise en oeuvre des dispositions de l'articles L. 16 B du livre des procédures fiscales,

ALORS D'UNE PART QU' en cas de décision du Conseil constitutionnel de non-conformité à la Constitution d'une disposition législative, la décision juridictionnelle ayant pour fondement ladite disposition se trouve privée de fondement légal ; qu'en l'espèce l'ordonnance autorisant visites domiciliaires et saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales se trouvera dépourvue de fondement légal par conséquence de la décision du Conseil constitutionnel à intervenir de non-conformité des dispositions dudit texte à la Constitution,

ALORS D'AUTRE PART QUE l'exigence d'un recours effectif défini par les articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose que, dans l'ordonnance autorisant visites domiciliaires et saisies en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, figurent les coordonnées précises du juge chargé du contrôle des opérations de visites et de saisies que le contribuable doit être en mesure de saisir sans contrainte ni difficulté ; qu'en écartant le moyen tiré de la nécessité de faire figurer ces cordonnées en raison de leur imprécision, l'ordonnance attaquée a violé lesdits textes,

ALORS EN OUTRE QUE le droit d'accès à un tribunal inclut l'assistance du justiciable par un avocat ; que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'exclut pas le recours au juge pendant le déroulement des opérations de visites et saisies et ne dispense pas du recours au ministère d'un avocat ; que, dans sa rédaction en vigueur en 2006, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que les opérations de visites et saisies s'effectuent sous le contrôle du juge qui les a ordonnées, lequel peut les suspendre ou les arrêter, mais qu'il n'offre pas un accès effectif à ce juge pendant le déroulement de ces opérations puisqu'il ne précise pas les modalités de saisine du juge pendant lesdites opérations et qu'à tout le moins, il ne permet pas aux justiciables de s'y faire assister d'un conseil, lequel serait en mesure de saisir le juge en tant que de besoin ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 26 juin 2006 ne mentionnait pas elle-même la possibilité pour les contribuables de saisir le juge des libertés et de la détention pendant le déroulement des opérations de visites et saisies ni les modalités de cette saisine ou encore la possibilité pour eux de se faire assister d'un conseil ; que, dans ces conditions, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales alors en vigueur n'étant pas conforme aux exigences des articles 6 § 1, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'ordonnance du 26 juin 2006 ne comportant pas elle-même les mentions susvisées, l'ordonnance attaquée se trouve privée de base légale au regard de ces mêmes textes,

ALORS PAR AILLEURS QU' il appartient au juge national de vérifier par lui-même la conformité d'une disposition de droit interne aux normes internationales qui lui sont supérieures ; qu'en opposant l'absence de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme au moyen tiré de la non conformité de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour n'avoir pas prévu de mentionner le recours à un avocat, le premier président a refusé d'exercer son pouvoir et a violé l'article 55 de la Constitution, ensemble les articles 6 § 1, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

ALORS ENFIN QUE les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoient que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée, cette demande devant comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite, et qu'il motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; qu'il ne peut être contesté, au cas présent, que la requête accompagnées de nombreuses pièces et l'ordonnance portent la même date du 26 juin 2006 ; qu'il n'est pas davantage contestable qu'au même moment, étaient présentées aux juges de CRETEIL et PARIS, les mêmes ordonnances pré-motivées par l'administration fiscale invoquant les mêmes moyens tendant aux mêmes fins, accompagnées des mêmes pièces ; qu'il en résulte que le juge n'a pas motivé luimême son ordonnance à partir des éléments retenus par lui, mais qu'il s'est borné, le même jour, à approuver complètement la motivation fournie par le service ; qu'en la confirmant l'ordonnance attaquée a violé le texte susvisé et les articles 6-1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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