15 décembre 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-70.538

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:C301484

Titres et sommaires

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Installations classées - Loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 - Arrêt définitif de l'exploitation - Obligation de remise en état du site - Portée

Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour débouter l'acquéreur d'un terrain pollué de ses demandes d'indemnisation des préjudices en résultant, retient que l'ayant-droit du dernier exploitant a effectué les travaux de dépollution dont les modalités ont été définies en dernier lieu par un arrêté préfectoral en date du 30 octobre 2007, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le dernier exploitant n'avait pas commis une faute, lors de sa cessation d'activité en 1992, pour ne pas avoir remis le site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Vente - Vente d'un terrain sur lequel une installation classée a été exploitée - Obligation de remise en état du site - Respect - Défaut - Appréciation - Office du juge

Texte de la décision

CIV.3

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2010




Cassation


M. LACABARATS, président



Arrêt n° 1484 FS-P+B

Pourvoi n° G 09-70.538







R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Pauli immeubles - Société foncière et financière (SOFI), société à responsabilité limitée, dont le siège est 3 rue Herder, 67000 Strasbourg,

contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2009 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la Société des pétroles Shell, venant aux droits de la société Shell direct, dont le siège est Porte de La Défense, 307 rue d'Estienne d'Orves, 92708 Colombes cedex,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 novembre 2010, où étaient présents : M. Lacabarats, président, Mme Masson-Daum, conseiller rapporteur, M. Cachelot, Mmes Lardet, Gabet, Renard-Payen, MM. Rouzet, Mas, Pronier, Jardel, conseillers, Mme Nési, M. Jacques, Mme Vérité, conseillers référendaires, M. Gariazzo, premier avocat général, Mme Jacomy, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Masson-Daum, conseiller, les observations de Me Foussard, avocat de la société Pauli immeubles - Société foncière et financière, l'avis de M. Gariazzo, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 dans sa rédaction issue du décret du 23 avril 1987 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 octobre 2009), que le 13 septembre 1973, le débordement d'un réservoir enfoui de fioul a entraîné la pollution du terrain sur lequel la société Copitherm, locataire, exploitait un dépôt de liquides inflammables et d'hydrocarbures ; que par courrier du 19 octobre 1992, la société Copitherm a déclaré à la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement qu'elle cessait son exploitation et restituait le terrain à ses propriétaires, les consorts [J] ; que ces derniers ont vendu le terrain le 19 novembre 1993 à la société Coprim résidence, laquelle y a entrepris la construction d'immeubles à usage d'habitation avant de les vendre en l'état futur d'achèvement à la société civile immobilière Immoret (la SCI), le 10 décembre 1993 ; que par arrêté préfectoral du 6 avril 1998, la société Thermo confort, venant aux droits de la société Copitherm, a été mise en demeure de respecter les dispositions d'un arrêté de prescriptions spéciales du 6 octobre 1997 imposant à la société Copitherm, dernière exploitante, de mettre en oeuvre les mesures de décontamination du terrain rendues nécessaires par l'accident du 13 décembre 1973 ; que le 17 juillet 2003, la SCI et la société Shell direct, venant aux droits de la société Thermo confort, ont conclu un protocole prorogé par un avenant du 27 février 2004, sur les modalités des opérations de décontamination à engager et les délais d'exécution des travaux qui devaient se terminer par la remise en état du site et de ses abords au plus tard à la fin du mois de janvier 2005 ; que par acte notarié du 7 mai 2004, la SCI a vendu l'immeuble à la société Pauli immeubles - Société foncière et financière (SOFI) ; qu'un arrêté préfectoral du 20 septembre 2004 a imposé à la société Shell direct la réalisation de travaux de dépollution consistant en l'enlèvement des terres polluées accessibles et en l'édification d'une barrière hydraulique ; qu'un arrêté préfectoral du 8 février 2005 a mis en demeure la société Shell direct de respecter les dispositions de l'arrêté du 20 septembre 2004 ; qu'en raison de l'impossibilité d'excaver les terres souillées situées sous un des immeubles, un nouvel arrêté préfectoral du 30 octobre 2007 a abrogé l'arrêté du 20 septembre 2004 et prévu des travaux de confinement par des parois verticales et une surveillance du site ; que les travaux ainsi prescrits ont été achevés le 10 juin 2008 ; que la société SOFI a fait assigner, par acte du 29 juin 2005, la société Shell direct en indemnisation de ses préjudices financiers et d'image et en désignation d'un expert ; que la société des Pétroles Shell est venue aux droits de la société Shell direct en cours d'instance ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la société SOFI, l'arrêt retient que les modalités de dépollution définies par l'arrêté préfectoral du 30 octobre 2007, dont le caractère définitif n'était pas contesté, s'étaient imposées en dernier lieu à la société Shell direct et que les travaux prescrits par cet arrêté avaient été effectués par cette dernière société ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Copitherm avait cessé son exploitation en 1992 et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le dernier exploitant n'avait pas commis une faute pour n'avoir pas remis le site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la Société des pétroles Shell aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société des pétroles Shell à payer à la société Pauli immeubles - Société foncière et financière la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Pauli immeubles - Société foncière et financière

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de la Société PAULI IMMEUBLES visant à faire constater un droit à réparation et à obtenir la désignation d'un expert s'agissant de l'étendue du préjudice ;

AUX MOTIFS propres QUE « la Société PAULI IMMEUBLES SOFI ne demande pas à la Cour d'ordonner à la SOCIETE DES PETROLES SHELL « de procéder à la dépollution immédiate et totale du site sous astreinte de 1.000 € par jour de retard » mais sollicite sa condamnation au paiement d'une provision à valoir sur les dommages intérêts en réparation de ses préjudices financier et d'image, ainsi que la désignation d'un expert en vue de leur évaluation ; qu'elle se prévaut également de « la liquidation d'une astreinte » conventionnelle journalière de 150 €, prévue par le protocole d'accord du juillet 2003 et par son avenant du 27 février 2004 ; que la Société PAULI IMMEUBLES – SOFI fait valoir à l'appui de son recours qu'elle s'est portée acquéreur d'un immeuble, au prix du marché, dont elle était certaine qu'il serait dépollué à bref délai, au vu des arrêtés préfectoraux et du protocole d'accord signé entre les sociétés SHELL DIRECT et IMMORET, aux droits de laquelle elle s'est trouvée expressément subrogée ; qu'elle n'aurait pas eu connaissance lors de la signature de l'acte de vente du 7 mai 2004, d'un certain nombre d'actes non mentionnés à l'acte de vente mais visés à l'arrêté préfectoral du 20 septembre 2004 ; qu'en tout état de cause, la Société SHELL DIRECT n'aurait respecté ni les protocoles convenus, ni les prescriptions administratives, ainsi qu'il ressortirait de l'arrêté du 8 février 2005 de mise en demeure, la Société SHELL DIRECT se prévalant de difficultés pratiques, antérieurement connues, ayant conduit l'administration à édicter un nouvel arrêté du 30 octobre 2007 ; que la Société SHELL DIRECT serait responsable de la pollution du site dont la dangerosité est établie, comme des retards dans sa dépollution, malgré des injonctions administratives et ses engagements, les travaux n'ayant été amorcés qu'en 2008 ; qu'il résulte cependant du dossier que la faisabilité des prescriptions initiales de dépollution de l'autorité administrative a été remise en cause du fait que la terre polluée était positionnée sous le niveau des fondations de l'immeuble avec parking et que la tenue des bâtiments était donc concernée ; qu'un nouvel arrêté préfectoral du 30 octobre 2007, constatant que la construction, sur le site du CHESNAY, 5 rue Julien Poupinet, d'un immeuble d'habitation comprenant un parking rendait impossible l'excavation des terres souillées, a abrogé l'arrêté sus visé du 20 septembre 2004 et a prévu des travaux de confinement par des parois verticales et une surveillance du site ; que les modalités de dépollution telles que définies par l'arrêté préfectoral du 30 octobre 2007, dont le caractère définitif n'est pas contesté, se sont donc imposées en dernier lieu à la Société SHELL DIRECT ; qu'aucune faute ne peut être reprochée à la SOCIETE DES PETROLES SHELL sur le fondement de l'arrêté préfectoral abrogé du 20 septembre 2004 ni par voie de conséquence sur le fondement de l'arrêté préfectoral du 8 février 2005 qui n'a fait qu'exiger le respect des dispositions de l'arrêté du 20 septembre 2004 ; que, par assignation du 30 septembre 2007, la Société SHELL DIRECT a introduit un référé préventif en assignant les différents riverains concernés par les travaux de dépollution effectués par elle ; que par une ordonnance de référé du 11 décembre 2007, à laquelle la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI était partie, le juge des référés du Tribunal de grande instance de VERSAILLES a désigné M. [H] [I] en qualité d'expert pour dresser des états descriptifs et quantitatifs des immeubles voisins, pour le cas où des désordres surviendraient du fait des travaux, sa mission consistant également en cas d'urgence ou de danger à procéder à la mise en place et à la réalisation de mesures de sauvegarde ou de travaux confortatifs de nature à éviter toute aggravation éventuelle de l'état des immeubles ; que dans son rapport d'expertise du 4 mai 2009, l'expert judiciaire indique qu'au 10 juin 2008, les travaux effectués par la Société SHELL étaient terminés ; qu'il conclut qu'aucun désordre qui aurait pu résulter du chantier n'a été signalé ; qu'il ne peut pas être reproché, sur le terrain de l'article 1382 du Code civil, à la SOCIETE DES PETROLES SHELL de ne pas effectuer la dépollution conformément aux exigences administratives ou d'avoir retardé la mise en oeuvre de la dépollution ; que la Société SHELL DIRECT, aux droits et obligations de laquelle vient la SOCIETE DES PETROLES SHELL, a respecté la procédure administrative ; qu'elle a fait procéder aux études demandées par l'autorité administrative, notamment l'évaluation détaillée des risques réalisée par la Société LISEC le 18 novembre 2004 et qui avait été exigée par l'arrêté préfectoral du 20 septembre 2004 ; que les problèmes techniques rencontrés et liés à l'implantation d'un immeuble sur le site pollué n'ont pas permis d'engager les travaux de dépollution demandés par l'autorité administrative, ce qui a été admis par cette dernière, laquelle a pris un nouvel arrêté le 30 octobre 2007 ; que la SOCIETE DES PETROLES SHELL n'est pas responsable de l'allongement de durée de cette procédure, ainsi que le tribunal l'a retenu ; que le protocole d'accord du 17 juillet 2003 et son avenant du 27 février 2004 sont invoqués par la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI, tant à l'appui de son argumentation selon laquelle le non-respect par SHELL DIRECT de son engagement contractuel à l'égard de la SCI IMMORET lui permettrait de rechercher la responsabilité délictuelle de l'intimée qu'à l'appui du fondement contractuel subsidiaire de ses demandes ; que toutefois ces accords entre vendeur et acquéreur du site, qui concernaient certaines modalités (travaux préparatoires, maîtrise d'oeuvre, assurances, modalités du chantier, descriptif sommaire) des travaux de dépollution, mis en oeuvre en application de l'arrêté préfectoral initial du 6 avril 1998, et qui prévoyaient des délais de réalisation, ont été suivis d'arrêtés préfectoraux successifs, lesquels ont soit introduit des prescriptions complémentaires soit modifié les travaux prévus et ont par voie de conséquence rendu caducs les délais prévus initialement ; que la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI n'est donc pas fondée à solliciter paiement de la somme de 219.000 €, calculée de février 2005 à février 2009 sur la base d'une indemnité journalière de retard de 150 € prévue par ces accords ; que l'acte de vente du 7 mai 2004 intervenu entre la SCI IMMORET et la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI détaille, en son article 21.2 intitulé pollution du sol l'affectation antérieure de l'assiette du terrain au dépôt d'hydrocarbures, le sinistre survenu le 13 décembre 1973, la procédure administrative engagée selon l'arrêté préfectoral du 6 avril 1998 ayant pour finalité la dépollution du site, le rapport de diagnostic approfondi sur la pollution du sol établi le 23 octobre 1992 par la Société LISEC, les protocole et avenant des 17 juillet 2003 et 27 février 2004, ainsi que divers courriers relatifs à des travaux complémentaires de dépollution, ensemble de documents qui ont été annexés audit acte de vente ; qu la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI a donc été informée de façon complète de l'état de pollution du site ; que la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI ne pouvait ignorer lors de cette acquisition les conséquences éventuelles lors de la commercialisation ultérieure du bien ; qu'elle a choisi néanmoins d'acquérir le bien et ce en toute connaissance de cause, l'état de pollution du terrain pouvant être pris en compte dans la transaction ; qu'en signant l'acte de vente, la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI a entériné le fait que la dépollution du site n'avait pas été effectuée après le démantèlement des installations en 1992, que la procédure administrative pour aboutir à cette dépollution était en cours et qu'elle a accepté cette procédure, ainsi que l'a retenu le Tribunal ; que la SOCIETE DES PETROLES SHELL n'étant pas responsable de l'allongement de durée qui résulte des difficultés techniques rencontrées sur le site, elle ne peut donc pas être tenue responsable d'un éventuel préjudice qu'aurait subi la Société SOFI du fait de ce retard ; qu'en outre, la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI fait état d'un retard de commercialisation des appartements dont le lien de cause à effet, direct et certain, avec un retard dans la dépollution n'est pas établi, tant relevé qu'il résulte de l'acte de vente du 7 mai 2004 que la Société IMMORET avait acquis l'ensemble immobilier 5 rue Julien Poupinet, déjà en l'état futur d'achèvement par acte authentique du 10 décembre 1993 et que la déclaration d'achèvement des travaux remonte au 13 juin 1995 ; qu'en tout état de cause, l'attestation du Cabinet KREMER & ASSOCIES, expert comptable, n'est pas probante dans la mesure où elle établit une comparaison du prix au mètre carré entre un prix de vente moyen en 2005/2006 et un prix du marché immobilier au 5 juin 2009, période au cours de laquelle d'autres causes, conjoncturelles, ont pu entrer en jeu ; qu'aucune atteinte à son image n'est justifiée par la société appelante ; que la Société PAULI IMMEUBLES - SOFI n'apporte la preuve ni d'une faute de la SOCIETE DES PETROLES SHELL ni celle des préjudices invoqués (…) » (arrêt, p. 7 à 11) ;

Et AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QUE « le 13 septembre 1973, lors de l'exploitation du site par la Société COPITHERM, est intervenu le débordement d'un réservoir enfoui de fioul domestique ; que ce n'est qu'après livraison à la Société IMMORET en 1996 des immeubles construits sur le site, que le Préfet des YVELINES a, par un arrêté en date du 6 avril 1998, mis en demeure la Société THERMO CONFORT de procéder à des mesures de décontamination du terrain rendues nécessaires suite au sinistre de 1973 ; qu'un rapport de diagnostic approfondi sur la pollution du sol et de la nappe sous-jacente du terrain d'assiette de l'immeuble a été établi par la Société LISEC FRANCE le 23 octobre 2002 ; que le 17 juillet 2003 a été signé entre la Société IMMORET et la Société SHELL DIRECT un protocole d'accord sur les modalités des opérations de décontamination à mener ; que, le 11 février 2004, SHELL DIRECT annonçait que des travaux complémentaires destinés à résorber la pollution de la nappe et des sous-sols allaient être entrepris à partir de l'immeuble ; que le 27 février 2004, IMMORET et SHELL DIRECT ont signé un avenant au protocole précédent pour prendre en compte la réalisation desdits travaux et proroger la validité du protocole ; que lors de la vente des immeubles à SOFI le 7 mai 1994, la SCI IMMORET a expressément subrogé SOFI en ses droits existants au regard de la pollution du sol et du sous-sol ; que par un nouvel arrêté portant le numéro 04-185 en date du 20 septembre 2004, le Préfet des YVELINES a prescrit à SHELL DIRECT : - de réaliser les travaux de dépollution dans un délai maximum de trois mois après notification du présent arrêté (enlèvement de terres et mise en place d'une barrière hydraulique sur toute la largeur du terrain jouxtant le terrain de la Société SOFI …) ; - d'effectuer un complément au diagnostic approfondi déjà réalisé sur le site par des investigations dans l'environnement et sur les propriétés riveraines du site dans un délai de cinq mois ; - de mettre en place des piézomètres supplémentaires de contrôle en dehors du site pollué visant à mettre en évidence l'étendue de la pollution en dehors du site dans un délai de cinq mois ; - de réaliser une évaluation détaillée des risques et d'établir un rapport de synthèse qui sera transmis à l'Inspection des installations classées dans un délai de neuf mois ; - de procéder à la surveillance mensuelle de la qualité des eaux souterraines ; - de traiter les eaux drainées provenant de la dépollution du site ou de la barrière hydraulique avant rejet dans le réseau public ; que seule a été réalisée l'étude détaillée des risques par la Société LISEC FRANCE à la demande de la Société SHELL DIRECT ; que cette étude a été déposée le 22 novembre 2004 et conclut à l'absence de risque sanitaire au niveau du site de M. [U], riverain de l'emprise foncière de SHELL DIRECT, que ce soit par inhalation, contact ou ingestion ; que considérant qu'aucun des travaux prescrits dans le cadre de l'arrêté précédent n'avait été réalisé, le Préfet des YVELINES a mis en demeure la Société SHELL DIRECT, par un nouvel arrêté en date du 8 février 2005, de respecter les dispositions de l'article 2 de l'arrêté précédent en retirant dans un délai maximum de deux mois, la terre polluée accessible, selon un plan joint en annexe, et en édifiant la barrière hydraulique prescrite ; que la Société SHELL DIRECT a fait valoir les difficultés pratiques d'application tenant au fait que le terrain se trouvait enclavé entre un collectif de deux étages reposant sur un parking composé de deux niveaux, un pignon de mur d'un pavillon et un mur de séparation d'une parcelle voisine ; qu'après avoir requis l'avis du Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques, la DRIRE a abrogé les arrêtés précédents et a suscité un nouvel arrêté préfectoral en date du 30 octobre 2007 prévoyant des travaux de confinement et une surveillance du site ; que par ordonnance de référé du 11 décembre 2007, le Tribunal de grande instance de VERSAILLES a missionné un expert pour dresser un état descriptif et quantitatif de l'immeuble afin de permettre l'application de l'arrêté précédent ; que sa mission consiste également à, en cas d'urgence ou de danger, procéder à la mise en place et à la réalisation de mesures de sauvegarde ou de travaux confortatifs de nature à éviter toute aggravation éventuelle de l'état de l'immeuble ; qu'en conséquence, le Tribunal, constatant que la procédure administrative concernant la dépollution du site est engagée et suit son cours, déclarera irrecevable par le Tribunal de céans la demande de la Société SOFI de condamner sous astreinte la Société SHELL DIRECT à procéder à la dépollution du site sis 5 rue Julien Poupinet sur la commune du CHESNAY (78) ; que, sur le préjudice, l'acte de vente du 10 décembre 1993 de la Société IMMORET à la Société SOFI détaille en son article 21.2 intitulé « Pollution du sol » le sinistre survenu le 13 décembre 1973 ainsi que l'ensemble de la procédure administrative engagée en 1998 et toujours en cours, ayant pour finalité la dépollution du site ; que la Société SOFI a donc été informée, en application de l'article L.514-20 du Code de l'environnement, de l'état de pollution du site et ne pouvait ignorer cette pollution lors de l'achat ni ses conséquences éventuelles en matière de préjudice lors de la commercialisation ultérieure du bien ; qu'elle a choisi de poursuivre la transaction, donc de faire siennes les conséquences d'un préjudice commercial éventuel ; qu'elle a acheté le bien en toute connaissance de cause, la transaction tenant compte de l'état de pollution puisqu'il était inscrit dans l'acte de vente ; qu'en conséquence, en signant l'acte de vente, la Société SOFI a entériné le fait que la dépollution du site n'avait pas été effectuée en 1992, que la procédure administrative pour aboutir à cette dernière était en cours et qu'elle a accepté cette procédure ; que la Société SHELL DIRECT a accepté de suivre la procédure administrative et qu'elle n'est pas responsable de son allongement de durée qui résulte des difficultés techniques rencontrées ; qu'elle ne peut donc être tenue responsable d'un éventuel préjudice qu'aurait subi la Société SOFI du fait de ce retard ; qu'en conséquence, le Tribunal constate que la Société SOFI a été instruite du préjudice qu'elle aurait éventuellement à subir lors de la commercialisation du bien qu'elle a acheté le 10 décembre 1993 ; qu'elle l'a intégré et qu'elle a accepté la procédure administrative visant à la dépollution ; que cette procédure est toujours en cours ; que la Société SHELL DIRECT a la volonté de mener cette procédure à son terme ; qu'elle a assuré et continue d'assurer ses obligations ; que, pour l'ensemble de ces motifs, le Tribunal constate que la Société SHELL DIRECT n'a aucune responsabilité dans l'éventuel préjudice commercial qu'aurait supporté la Société SOFI - qu'elle ne justifie d'ailleurs pas - ; qu'il dira mal fondée la Société SOFI en sa demande d'indemnisation de son préjudice par la Société SHELL DIRECT (…) » (jugement, p. 6 à 9) ;

ALORS QUE, premièrement, le propriétaire du terrain est en droit de se prévaloir, dans le cadre d'une responsabilité quasi délictuelle, de la faute que commet l'exploitant en matière de pollution, pour ne s'être pas conformé aux obligations de police qui lui incombaient ; qu'à supposer que l'exploitant n'ait pas commis de faute entre 2004 et la date de l'arrêt, eu égard à la configuration des lieux, en tout état de cause, les juges du second degré se devaient de rechercher, comme il leur était expressément demandé (conclusions du 3 septembre 2009, p. 19, § 1 et p. 20, § 1 à 4), si l'exploitant n'avait pas commis une faute pour n'avoir pas, lorsqu'elle a cessé son exploitation en 1992, procédé à la dépollution du terrain ; que faute de s'être prononcés sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, les stipulations de l'acte du 7 mai 2004 - portant vente de la SCI IMMORET au profit de la Société PAULI IMMEUBLES - ainsi que la connaissance manifestée à cette occasion de l'existence d'une dépollution et d'une procédure administrative en cours, ne concernaient que les rapports contractuels entre le vendeur et l'acquéreur, et que ces éléments étaient par suite indifférents quant à l'action de nature quasi délictuelle dont pouvait disposer l'acquéreur à l'égard du dernier exploitant ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1165 du Code civil, ensemble le principe de l'effet relatif des contrats ;

ALORS QUE, troisièmement, seule une renonciation expresse ou tacite pouvait faire obstacle à l'exercice par la Société PAULI IMMEUBLES d'une action en réparation, fondée sur les règles de la responsabilité quasi délictuelle, à l'encontre de l'exploitant ou de son ayant-droit ; qu'à défaut d'avoir mis en évidence l'existence d'une renonciation expresse ou l'existence d'une renonciation tacite, procédant d'actes non équivoques révélant une volonté d'abdiquer le droit à réparation de nature quasi délictuelle, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble au regard des règles régissant la renonciation ;

ALORS QUE, quatrièmement, les énonciations de l'arrêt relatives à l'absence de lien de cause à effet sont inopérantes dès lors qu'elles ne concernent pas la faute commise par l'exploitant et imputable à son ayant-droit, celle-ci n'ayant pas été examinée, déduites de ce que le site n'a pas fait l'objet d'une dépollution lors de la cessation de l'exploitation ; qu'à cet égard, la cassation est incontestablement encourue pour violation de l'article 1382 du Code civil ;

ALORS QUE, cinquièmement, la circonstance que le préjudice, lié à l'évolution du marché immobilier, ait pu être imputé à d'autres causes conjoncturelles, n'excluait pas, à défaut d'autres constatations, que le préjudice découlant du marché immobilier soit dû à la faute commise par l'exploitant et imputée à son ayant-droit pour n'avoir pas dépollué le terrain lors de la cessation d'exploitation ; que, de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1382 du Code civil ;

Et ALORS QUE, sixièmement, les juges du fond auraient dû, comme il le leur était expressément demandé (conclusions d'appel du 3 septembre 2009, p. 19, § 1 et p. 20, § 1 à 4), si l'existence d'un préjudice n'était pas nécessairement caractérisée du seul fait que, le terrain n'ayant pas été dépollué, la Société PAULI IMMEUBLES était dans l'impossibilité de procéder à la vente des lots dont elle était titulaire ; que, de ce point de vue, l'arrêt attaqué encourt la censure pour défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

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