20 février 2020
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/04333

16e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78F



16e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 FEVRIER 2020



N° RG 18/04333 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SOWV



AFFAIRE :



Société AL ARABI TRADING COMPAGNY



Société IRAQI AIRWAYS



Société LA REPUBLIQUE D'IRAK



C/



Société SOCIETE INSTRUBEL NV



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 15/01673



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20/02/2020

à :



Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Virginie DESPORT-AUVRAY, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT FEVRIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Société AL ARABI TRADING COMPAGNY

[Adresse 4]

[Localité 2] (IRAQ)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Société IRAQI AIRWAYS

[Adresse 3]

[Localité 2] (IRAQ)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



LA REPUBLIQUE D'IRAK

Représentée par le chef de l'état d'IRAK



Représentant : Me Ardavan AMIR ASLANI de la SELARL COHEN AMIR-ASLANI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0038 - Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20180254



APPELANTES



****************



Société SOCIETE INSTRUBEL NV

Société de droit hollandais

Inscrite au registre du commerce et des sociétés des Pays-Bas (Kamer van Koophandel) sous le numéro 27234864

[Adresse 5]

[Localité 1] PAYS-BAS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentant : Me Virginie DESPORT-AUVRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 361 - Représentant : Me Stéphane BONIFASSI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R189, substituée par Me Nevena IVANOVA, avocat au barreau de Paris



INTIMÉE

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Janvier 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller et Madame Caroline DERYCKERE, conseiller chargé du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,








EXPOSÉ DU LITIGE



Le Ministère de la Défense de la République d'Irak et le Ministère de l'Industrie, de la Recherche et du Développement de la République d'Irak, ainsi que l'Etablissement Public Salah Aldin ont été condamnés à payer diverses sommes à la société de droit hollandais Instrubel NV, par deux sentences arbitrales complémentaires des 9 février 1996 et 22 mars 2003, rendues exécutoires en France par décision d'exequatur du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 20 mars 2013.



Pour sauvegarde des créances issues de ces décisions, estimées à 8 25 1 869,61 euros au titre de la sentence partielle et à 30 041 939,16 euros au titre de la sentence définitive, la société Instrubel NV a fait pratiquer par actes du 20/01/2014, entre les mains de l'Union de Banques Arabes et Françaises (UBAF), une saisie conservatoire de droits d'associés et de valeurs mobilières ainsi qu'une saisie conservatoire de créance à l'encontre de l'État d'Irak et de « ses entités, dont les fonds appartiennent à l'Irak en vertu de la résolution de l'ONU et notamment la société de droit irakien IRAQI Airways et la société de droit irakien Al Arabi Trading Company».



Statuant sur la contestation de ces mesures conservatoires en vertu de l'article R512-1 à 3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution de Nanterre par jugement contradictoire du 15 mai 2018, a :


Constaté que la société de droit hollandais Instrubel NV a donné mainlevée des saisies conservatoires réalisées sur les actifs de la société Iraqi Airways;

Débouté l'État d'Irak, la société Al Arabi Trading Company et la société Iraqui Airways de leur demande tendant à l'annulation des autres saisies conservatoires de droits d'associés et de valeurs mobilières et de créances pratiquées par acte du 20/01/2014, entre les mains de l'UBAF;

Condamné in-solidum l'État d'Irak, la société Al Arabi Trading Company et la société Iraqui Airways à payer à la société de droit hollandais Instrubel NV la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné in-solidum l'État d'Irak, la société Al Arabi Trading Company et la société Iraqui Airways aux dépens ;

Rappelé que le présent jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.




La Société Al Arabi Trading Company, la société Iraqui Airways et la République d'Irak ont formé appel du jugement par déclaration du 20 juin 2018.



Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe le 13 janvier 2020 auxquelles il est expressément renvoyé, les appelantes demandent à la cour de :




Infirmer en totalité le jugement du Juge de l'Exécution de Nanterre du 15 mai 2018.

Débouter Instrubel NV de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

Prononcer l'annulation des 4 saisies conservatoires de créance et de droits d'associés pratiquées le 20 janvier 2014 entre les mains de l'Union de Banques Arabes et Françaises sur le fondement des sentences partielles et définitives ;

Condamner la société Instrubel NV au paiement d'une somme de 20.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck LAFON, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.




L'Etat d'Irak ne soutient plus en cause d'appel qu'il n'aurait pas à répondre des dettes souscrites du chef de ses Ministères de la Défense et de l'Industrie, ni que les sociétés Al Arabi Trading Company et Iraqui Airways ne seraient pas des émanations d'Etat. Mais il demande l'annulation des saisies, au motif que contrairement à l'interprétation qu'en donne la société Instrubel NV, la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité de l'ONU et l'article 4 du Règlement Européen 1210/2003, n'ont pas emporté un transfert de propriété à l'Etat iraquien, des biens de la société Al Arabi Trading Company, ni une présomption de propriété. Le gel des avoirs listés est une simple mesure conservatoire prise après la chute de [T] [Y] rendant les biens indisponibles, dans l'attente de leur transfert au Fonds de Développement pour l'Irak, destiné à financer la reconstruction de l'Etat Irakien, afin qu'ils ne soient pas dilapidés en profitant de la confusion de la période transitoire. Cette mesure conservatoire devait aussi permettre aux personnes intéressées de la contester et de faire valoir leurs droits. Peu importe que la société Al Arabi Trading Company n'ait pas sollicité sa radiation. Tant que ses biens n'ont pas été transférés au FDI, ils demeurent sa propriété, et ne peuvent être saisis par des créanciers de l'Etat d'Irak. Le législateur français a d'ailleurs décidé que le transfert au FDI se fera au terme d'une procédure proche de l'expropriation. Subsidiairement, Instrubel ne pourrait saisir que sa créance sur l'Etat d'Irak, entre les mains de la société Al Arabi Trading Company, qui ne pourra jamais être considérée comme débitrice des sommes résultant des sentences arbitrales. Il y a à cet égard une contradiction dans le libellé des actes de saisie, qui contrevient aux dispositions de l'article L211-1 du code des procédures civiles d'exécution, et doit conduire à l'annulation des saisies.



Subsidiairement, les appelants soutiennent que les ressources saisies ne pouvaient faire l'objet d'une mesure de saisies au jour où elles ont été pratiquées. En effet, le dispositif français résultant de l'arrêté du 25 mai 2011 publié le 2 juin 2011, supposait que les créanciers des entités listées déclarent leurs créances entre le 2 juin 2011 et le 2 août 2011, ce que n'a pas fait la société Instrubel NV, qui a perdu son droit à faire valoir une créance sur les avoirs des sociétés saisies. Le FDI ayant été clôturé entre temps, les bien restés gelés après l'entrée en vigueur le 2 février 2013 du Règlement UE n°85/2013 sont placés en attente de leur transfert aux mécanismes successeurs du FDI, et demeurent insaisissables.





Par dernières conclusions transmises au greffe le 8 janvier 2020 auxquelles il est expressément renvoyé, la société Instrubel NV demande à la cour de :

A titre principal,


Dire et Juger irrecevables Iraqi Airways, Al Arabi Trading Company et l'Irak en leur action en mainlevée et par conséquent les débouter de toutes leurs prétentions ;


A titre subsidiaire,


Confirmer le jugement du 15 mai 2018 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions ;

Dire et Juger irrecevable la demande nouvelle au titre de la nullité des saisies conservatoires pour ne pas avoir été diligentées entre les mains d'Al Arabi Trading formée en cause d'appel par Iraqi Airways, Al Arabi Trading Company et l'Irak,

Débouter Iraqi Airways, Al Arabi Trading Company et l'Irak de l'intégralité de leurs demandes,

Les Condamner in solidum à lui verser une somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.




Au soutient de ses prétentions, elle fait valoir qu'elle a donné mainlevée des saisies portant sur les biens de la société Iraqi Airways, qui n'est plus recevable à contester les saisies subsistantes au préjudice de la société Al Arabi Trading Company et de l'Etat d'Irak. La société Al Arabi Trading Company est elle-même irrecevable en ce que l'UBAF a été déchargée de toute obligation la concernant en versant l'équivalent des fonds saisis à un autre créancier Heerema, ce qui rend la saisie de la société Instrubel NV sur les mêmes actifs sans portée. L'Etat d'Irak est quant à lui irrecevable à contester des saisies concernant des actifs dont il prétend ne pas être propriétaire. Subsidiairement, sur le fond, les biens et avoirs ont été gelés par application de la résolution de l'ONU n°1483, en vue de leur transfert immédiat au FDI. Au plan national, les avoirs de la société Al Arabi Trading Company tenus en compte chez UBAF font l'objet de l'annexe I de l'arrêté du 25 mai 2011, lequel a été abrogé à la suite de la Clôture du FDI, et figurent désormais à l'annexe de l'arrêté du 31 juillet 2017, qui les maintient gelés. Cette société fait partie de celles qui ont été identifiées par l'ONU comme entités fictives servant de paravent ayant permis à l'ancien régime Irakien d'assurer son approvisionnement militaire. Il ne peut donc être contesté que les biens de cette société ont toujours été ceux de l'Etat Irakien. Les mécanismes successeurs du FDI attendent seulement leur mise à disposition, sans priver les créanciers munis d'un titre exécutoire du droit de prendre des garanties en saisissant ces biens, en vertu de la protection offerte par l'article 6 de la CEDH. Depuis l'abrogation au 30 juin 2011, de l'article 10 du règlement 1210/2003 qui prévoyait une immunité d'exécution spécifique aux les valeurs et actif gelés et ceux du FDI, ils peuvent faire l'objet de saisies. Seul le paiement de la créance sera subordonné à une autorisation préalable de la Direction Générale du Trésor. La société Instrubel NV estime remplir les conditions posées par l'article 6 du règlement 1210/2003 dans sa rédaction actuelle, pour présenter une demande de dégel des valeurs saisies.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 janvier 2020.



L'audience de plaidoirie a été fixée au 22 janvier 2020 et le prononcé de l'arrêt au 20 février 2020 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;




MOTIFS



-Sur les exceptions d'irrecevabilité opposées par la société Instrubel NV :



En demandant à la cour de constater l'irrecevabilité de l'action en mainlevée des saisies conservatoires contestées en cause d'appel, la société Instrubel NV entretien une certaine confusion entre l'irrecevabilité de l'appel lui-même, et celle des demandes formulées en appel.



En ce qui concerne la société Iraqui Airways, le jugement dont appel a constaté la mainlevée préalable des saisies portants sur les actifs la concernant, et il n'apparait pas que cette société aurait formulé d'autres demandes ayant été rejetées. Elle n'a donc aucun intérêt à poursuivre la réformation du jugement qui lui est entièrement favorable, et c'est bien son appel en tant que tel qui est irrecevable.



L'Etat d'Irak et la société Al Arabi Trading Company ont quant à eux été déboutés de l'ensemble de leurs demandes en première instance, et sont donc parfaitement recevables à défendre leur position en appel.



Sur la recevabilité des demandes de l'Etat d'Irak : dans la mesure où ce sont les biens de l'Etat d'Irak qui sont recherchés par l'effet des saisies contestées, celui-ci, même s'il oppose l'inefficacité de la mesure qui porterait sur des biens ne lui appartenant pas, a un intérêt indiscutable à discuter le bien fondé des saisies ; et ce d'autant plus, que dans le cadre du dispositif du gel des avoirs devant revenir à l'Etat d'Irak dans le but de lui permettre de financer sa reconstruction, il est tout à la fois comptable des condamnations prononcées avant l'instauration et la reconnaissance du nouveau régime d'Irak, et concurrent des créanciers de l'ancien régime, susceptibles de prendre des garanties sur ces avoirs gelés.



Sur la recevabilité des demandes de la société Al Arabi Trading Company : une fois la saisie devenue infructueuse par l'effet d'une autre saisie concurrente, force est de constater que la société Instrubel NV ne justifie pas avoir donné mainlevée de l'ensemble des saisies validées par le premier juge. A défaut d'un acte de mainlevée et de renonciation aux condamnations de première instance, qui seul aurait privé de tout effet utile le jugement dont appel, et privé par voie de conséquence l'appel lui-même de tout objet, les demandes demeurent recevables, même si en pratique, la garantie de paiement dont le créancier a entendu s'assurer le bénéfice, risque d'avoir disparu au moment de demander la conversion des mesures conservatoires.





-Sur le bien-fondé des saisies conservatoires :



L'acceptation par l'Etat d'Irak, de l'aide de l'ONU pour favoriser sa reconstruction après la chute du régime de [T] [Y] tout en assurant la continuité de l'Etat, a pour corollaire l'engagement du nouveau régime à assumer ses obligations, y compris en reconnaissant et exécutant les dettes contractées sous l'empire des gouvernements antérieurs.



L'Etat d'Irak, en cause d'appel, ne discute plus le fait qu'il est bien le débiteur des condamnations prononcées par les sentences arbitrales rendues exécutoires en France, dont la société Instrubel NV poursuit l'exécution.



Seule est discutée, la possibilité juridique pour le créancier, de saisir les comptes qui l'ont été entre les mains de l'UBAF, en tant qu'ils sont libellés au nom de la société Al Arabi Trading Company, et en tant qu'il s'agit d'avoirs gelés en vertu de la résolution 1483 (2003) du Conseil de Sécurité de l'ONU, et de l'article 4 du Règlement de l'UE 1210/2003.



Pour répondre à ces deux questions, il convient de rappeler à l'aune des objectifs poursuivis par l'ONU, et que l'UE a entendu mettre en 'uvre intégralement, que le gel de ces avoirs est une mesure visant à éviter efficacement une repossession ou une utilisation de ces avoirs, par les personnes et entités sanctionnées à raison de leurs activités dictées par le régime dictatorial condamné par la communauté internationale.



1-Sur la contestation relative à la titularité des avoirs et comptes saisis :



L'article 4 du Règlement 1210/2003 distingue ces avoirs en fonction de deux catégories d'entités dont les biens font l'objet du gel. D'ou leur présentation à l'annexe III et à l'annexe IV.

Les entités listées à l'annexe IV prévue par l'article 4.2 du Règlement (qui seules intéressent le débat s'agissant de la société Al Arabi Trading Company), ont été sélectionnées et retenues par un Comité de Sanction mis en place par l'ONU, qui a reçu pour mission d'identifier l'origine des fonds, avoirs financiers et ressources économiques sortis d'Irak ou acquis hors d'Irak par [T] [Y] ou autres hauts responsables de l'Ancien régime et les membres de leurs familles, y compris les entités leur appartenant ou agissant en leur nom, ou selon leurs instructions ou se trouvant sous leur contrôle direct.



Etaient donc visées d'une part les richesses de l'Etat Irakien captées ou détournées au profit du régime de [T] [Y], dans des conditions caractérisant une confusion de patrimoine, et d'autre part, les actifs demeurés sous contrôle effectif des anciens dignitaires, mais affectés à des entités distinctes dans le seul but de servir de paravent aux activités de l'Etat.











C'est à cette catégorie qu'a été rattachée la société Al Arabi Trading Company, présumée n'avoir servi qu'à masquer aux yeux de la communauté internationale les activités illicites directement menées à l'étranger par l'ancien régime irakien.



Or, la société Al Arabi Trading Company n'a utilisé aucune des procédures ménagées par le dispositif international pour apporter la preuve de la licéité de ses activités et de son indépendance par rapport à l'Etat Irakien. Elle n'offre pas davantage à la présente procédure d'apporter cette preuve. Par ailleurs, en soutenant que les actifs de cette société auront vocation à lui revenir, l'Etat d'Irak reconnait lui-même que le Comité ayant identifié les entités de l'annexe IV précitée, ne s'est pas trompé de cible en y inscrivant la société Al Arabi Trading Company, dont les actifs ont vocation à alimenter le Fonds destiné à la reconstruction de l'Etat. Enfin la défense commune des appelants au présent procès ne fait que renforcer la confusion des intérêts entre elles. Dans ces conditions, au travers de l'écran constitué par cette société, les richesses économiques gelées, sont demeurées celles de l'Etat d'Irak.



Ainsi, en cherchant à se payer de sa créance contre l'Etat d'Irak sur les fonds placés dans les livres de l'UBAF sur des comptes au nom de la société Al Arabi Trading Company, la société Instrubel NV ne se trompe pas de débiteur. Le moyen de l'Etat d'Irak consistant à dire que la société Al Arabi Trading Company aurait dû être traitée en simple qualité de tiers saisie, qui n'est pas une demande nouvelle en cause d'appel, n'est pas fondé. Et les saisies ont valablement été dénoncées à la fois à l'Etat d'Irak et à la société Al Iraqi Trading.



2-Sur la contestation portant sur la saisissabilité de biens objets de la mesure de gel :



Il résulte de l'articulation des articles 4, 6 et 10 du Règlement 2010/2003 que le caractère saisissable ou pas des biens et avoirs frappés par la mesure de gel, ne résultait ni de l'article 4, ni de l'article 6, mais seulement de l'article 10. Le préambule du règlement avait spécifiquement précisé que l'interdiction reprise à cet article, de procédure judiciaire et de toute saisie de certains biens parmi lesquels les biens gelés en vertu de l'article 4, n'était qu'une mesure temporaire pour faciliter la reconstruction économique et la restructuration de la dette, et contribuer à éliminer la menace que la situation faisait alors peser sur la paix et la sécurité internationale. Et de fait, l'article 18 du même règlement a fixé la limite de l'application de l'article 10 dans le temps au 30 juin 2011. Il n'apparait pas qu'un texte ultérieur ait prorogé la protection au dela de cette date. Les saisies pratiquées après cette date ne sont donc pas prohibées.



Par ailleurs, le fait que la saisie ait été pratiquée avant le dégel des actifs en vue de leur transfert aux mécanismes successeurs du FDI, n'est nullement un obstacle à la mise en place d'une mesure conservatoire dont l'intérêt pour le créancier muni d'un titre exécutoire, est de prendre rang en vue d'un paiement prioritaire une fois que les fonds auront été rendus disponibles.







C'est exactement ce qui s'est produit au profit de la société Hereema Zwijndercht BV, lorsque par décision du 5 février 2018 (pièce 8 de l'intimée) le Ministère de l'Economie et des Finances Français estimant remplies les conditions énumérées par l'article 6 al1 du Règlement 1210/2003, a autorisé le dégel des fonds détenus par l'UBAF au nom de la société Al Arabi Trading Company, dans la limite du montant de sa saisie du 9 mars 2012.



La société Instrubel NV n'ayant saisi conservatoirement les mêmes comptes que le 20 janvier 2014, soit en rang ultérieur, si aucun autre créancier ne vient revendiquer un rang plus favorable, la mesure ne sera efficace que sur le solde s'il en subsiste un.



Le jugement déféré doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.



Les appelants, hormis la société Iraqui Airways supporteront les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à la société Instrubel NV la somme de 12 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS, LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort



DECLARE l'appel en tant qu'interjeté par la société Iraqui Airways irrecevable,



REJETTE les autres exceptions d'irrecevabilité opposées par la société Instrubel NV,



CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,



CONDAMNE solidairement l'Etat d'Irak et la société Al Arabi Trading Company à payer à la société Instrubel NV la somme de 12000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE solidairement l'Etat d'Irak et la société Al Arabi Trading Company aux dépens d'appel.



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le greffier,Le président,

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