17 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-40.042

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00549

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Interprétation jurisprudentielle constante - Principe d'interdiction d'édiction d'arrêts de règlement - Principe de séparation des pouvoirs - Disposition législative - Absence - Irrecevabilité


QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code du travail - Article L. 4121-1 - Code civil - Article 1147 - Interprétation jurisprudentielle constante - Principe de réparation intégrale du préjudice - Principes de responsabilité civile - Principe de séparation des pouvoirs - Formulation de la question - Défaut de précision de la question - Irrecevabilité - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

SOC.

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 17 février 2016




IRRECEVABILITÉ
et NON-LIEU À RENVOI


M. FROUIN, président



Arrêt n° 549 FS-P+B

Affaire n° J 15-40.042




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le jugement rendu le 27 novembre 2015 par le conseil de prud'hommes de Brest (section industrie), transmettant à la Cour de cassation deux questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 1er décembre 2015 ;

Rendu dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

1°/ la Société bretonne de réparation navale (Sobrena), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par la société d'exercice libérale à responsabilité limitée EMJ, agissant en la personne de M. [D] [Q], en qualité de mandataire liquidateur,

2°/ le Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 3],

D'autre part,

M. [T] [K], domicilié [Adresse 2] ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 février 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Chollet, conseiller doyen, MM. Ludet, Mallard, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, MM. Schamber, Ricour, conseillers, MM. Alt, Flores, Mmes Wurtz, Ducloz, Brinet, MM. David, Silhol, Belfanti, Mme Ala, conseillers référendaires, Mme Robert, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat du CGEA de [Localité 1], de Me Blondel, avocat de M. [K], l'avis de Mme Robert, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que la société EMJ, liquidateur de la Société bretonne de réparation navale, et le CGEA ont été attraits devant la juridiction prud'homale à la requête de treize des anciens salariés de cette société, lesquels sollicitent l'indemnisation de leurs préjudices spécifiques d'anxiété ; qu'ils ont successivement demandé de transmettre au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ;

Attendu que la première question transmise est ainsi rédigée :

« La constitutionnalité de la jurisprudence constante de la Cour de cassation relative à l'indemnisation du préjudice d'anxiété en ce qu'elle pose en principe l'existence de présomptions irréfragables au bénéfice des salariés et que, ce faisant, la Cour rend des arrêts de règlement en violation de la loi des 16 et 24 août 1790 ainsi que de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 34 de la Constitution et du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs ? »

Mais attendu que la question prioritaire de constitutionnalité proposée, qui ne vise aucune disposition législative et se borne à contester une règle jurisprudentielle sans préciser le texte législatif dont la portée serait de nature à porter atteinte à la loi des 16 et 24 août 1790, à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à l'article 34 de la Constitution et au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, est irrecevable ;

Attendu que la seconde question transmise est ainsi rédigée :

« Les articles L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil, ainsi que le principe de la réparation intégrale du préjudice, sont-ils conformes aux principes de la responsabilité civile consacrés par notre bloc de constitutionnalité, et au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, en l'état de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ? » ;

Que toutefois, la question posée par la partie le CGEA dans son mémoire distinct est :

« Tels qu'interprétés par la Cour de cassation dans ses arrêts ci-dessus énoncés, les articles L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil, ainsi que le principe de la réparation intégrale du préjudice, sont-ils conformes aux principes de la responsabilité civile consacrés par notre bloc de constitutionnalité, et au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, en l'état de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ? » ;

Que si la question posée peut être "reformulée" par le juge à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, il n'appartient pas au juge de la modifier ; que, dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise ;

Attendu que les articles L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil ainsi que le principe de la réparation intégrale du préjudice sont applicables au litige et qu'ils n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu qu'en ce qu'elle invoque la violation des principes de la responsabilité civile consacrés par notre bloc de constitutionnalité, la question n'apparaît pas suffisamment précise pour répondre aux exigences des articles 23-4 et suivants de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et déterminer les droits et libertés garantis par la Constitution auxquels les dispositions législatives critiquées porteraient atteinte ;

Et attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle, d'autre part, que la mise en oeuvre par les juridictions de l'ordre judiciaire de la responsabilité d'employeurs tenus en vertu du contrat de travail à une obligation de sécurité de résultat n'enfreint pas le principe de la séparation des pouvoirs ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLES la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Sobrena et celle posée par le CGEA en ce qu'elle invoque la violation des principes de la responsabilité civile consacrés par notre bloc de constitutionnalité ;

DIT N'Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par le CGEA pour le surplus ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déclare irrecevable la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille seize.

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