16 mars 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-81.377

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:CR00652

Texte de la décision

N° P 15-81.377 F-D

N° 652


ND
16 MARS 2016


REJET


M. GUÉRIN président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
M. [B] [V],


contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2015, qui, pour agression sexuelle aggravée et exhibition sexuelle, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;











La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 janvier 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M .Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de Me CARBONNIER, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;

Vu les mémoires en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et 34 de la Constitution ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [B] [V] coupable d'agression sexuelle sur mineure de 15 ans et exhibition sexuelle, l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis avec mise à l'épreuve, a constaté l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et s'est prononcée sur les intérêts civils ;

"alors que le prévenu a prétendu qu'il ne pouvait être jugé à l'issue d'une enquête, dès lors que, celle-ci ne présentait pas des garanties équivalentes à une instruction, au regard des droits de la défense et des droits de recours qu'elle assure ; qu'en cet état, la déclaration d'inconstitutionnalité qui ne manquera pas d'intervenir sur la question prioritaire de constitutionnalité par ailleurs invoquée, entraînera l'annulation de toute la procédure concernant le prévenu et à tout le moins renvoi du parquet à mieux se pourvoir, en saisissant un juge d'instruction" ;

Attendu que, par arrêt du 9 septembre 2015, la chambre criminelle de la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. [V] relative aux articles 75, 79 et 80 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen est devenu sans objet ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [V] coupable d'agression sexuelle sur mineure de 15 ans, [U] [E], et l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis avec mise à l'épreuve, a constaté l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et l'a condamné à indemniser les époux [E] ;

"aux motifs que les déclarations de [U] [E] et d'[G] [D], en présence de leurs parents puis devant les enquêteurs, la psychologue et le médecin chargé de l'examen gynécologique doivent être considérés comme constantes, même si la première a déclaré à ce dernier que M. [V] l'avait touchée devant, sans plus faire mention d'une pénétration avec le doigt ; qu'en effet, « outre que ces faits ont été évoqués brièvement devant le médecin qui n'était pas chargé de recueillir plus précisément les déclarations de la plaignante déjà longtemps entendue par les enquêteurs, il n'est pas indifférent de relever qu'elle a ajouté « j'ai eu un peu mal », propos qui n'auraient guère de signification en l'absence de pénétration» ; que «le médecin a d'ailleurs eu notion d'un attouchement sexuel non appuyé puisqu'il conclut que l'absence de lésion traumatique de l'hymen n'exclut pas un tel attouchement » ; que «si une telle conclusion ne constitue pas un élément à charge contre le prévenu, elle ne permet pas davantage d'écarter la parole de l'enfant» ;

"1°) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable d'agression sexuelle sur mineure de quinze ans, en estimant que les faits de pénétration digitale étaient établis ; qu'en décidant ainsi, alors que le prévenu poursuivi pour des «attouchements de nature sexuelles» constitutifs d'agression sexuelle n'avait pas accepté d'être jugé sur de tels faits, la cour d'appel a excédé sa saisine et méconnu les texte et principe susvisés ;

"2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel a estimé que les faits de pénétration digitale sur [U] [E] étaient
établis ; qu'elle a ajouté que si l'expert avait conclu qu'il n'existait aucune trace de pénétration traumatique, celui-ci n'excluait des attouchements non appuyés, ce qui confirmait les faits dont avaient fait état la jeune fille pendant l'enquête et devant ses parents ; qu'en cet état, en estimant que le prévenu avait imposé à la jeune fille une pénétration digitale que l'expert excluait, comme elle le rappelait, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires ;

"3°) alors qu'en rappelant les termes de l'expertise qui concluait à l'absence de preuve d'une pénétration, ce qui n'excluait pas des attouchements non appuyés, la cour d'appel qui retient pourtant que la preuve d'une pénétration digitale est rapportée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

"4°) alors que les faits de pénétration digitale étaient établis par les déclarations constantes de l'enfant, quand elle constatait que l'expert médical avait précisé, dans son rapport, que la jeune fille ne faisait pas état de pénétration, mais seulement d'attouchements, et que de fait, il n'existait aucune trace d'une pénétration digitale, la cour d'appel s'est à nouveau prononcée par des motifs contradictoires" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'il est reproché à M. [V] d'avoir commis des attouchements sexuels sur un enfant, [U] [E], âgée de huit ans au moment des faits et cousine de sa compagne ; que, pour déclarer le prévenu coupable du délit d'agression sexuelle aggravée, l'arrêt prononce par des motifs partiellement repris au moyen ;

Qu'en l'état de ces énonciations, dont il ne résulte pas que la preuve d'un viol soit établie avec certitude, même si l'enfant, lors de sa première déclaration, a décrit des faits pouvant être interprétés comme une pénétration digitale, la cour d'appel a, sans outrepasser les limites de la prévention, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 222-32 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré M. [V] coupable d'exhibition sexuelle, l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis avec mise à l'épreuve, a constaté l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et, sur l'action civile, l'a condamné à indemniser les époux [D], pris en qualité de représentants légaux de leur fille et en leur nom propre ;

"aux motifs que les déclarations de [U] [E] et d'[G] [D], en présence de leurs parents puis devant les enquêteurs, la psychologue et le médecin chargé de l'examen gynécologique doivent être considérés comme constantes ; que «quant aux déclarations d'[G] [D], elles sont parfaitement explicites en ce qu'elles mentionnent que si M. [V] se touchait le sexe en sa présence en mettant la main dans son pantalon, elle avait aperçu une fois un bout de peau de son sexe alors qu'il le tripotait » ; que « rapportant les propos de sa soeur, [K] [D] a été encore plus explicite en précisant que sa soeur lui avait dit que M. [V] "tirait sur son zizi et qu'elle avait déjà vu des parties de son zizi" ;

"et aux motifs adoptés que si la preuve de la corruption de mineur ne peut être rapportée, il ressort des déclarations d'[G] [D], de l'absence de connaissance qu'elle avait de la sexualité en lien avec son âge et des interrogations que cela a engendré chez elle, que celle-ci a été clairement exposée à la vision du sexe de M. [V] ; que, bien que l'exposition ait eu lieu dans un local privé, elle s'apparente à un outrage à la pudeur dès lors qu'elle a pu être involontairement aperçu par un tiers à défaut de précautions suffisantes (Crim. 5 juin 1920) ; qu'en exposant ainsi son sexe alors que la jeune fille se trouvait dans la même pièce que lui, même sans lui demander de le regarder, ni lui adresser de parole particulières, M. [V] s'est rendu coupable des faits d'exhibition sexuelle ;

"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en estimant que les propos d'[G] [D] devaient être considérés comme constants au vu des actes de l'enquête, quand il résulte des termes mêmes du procès-verbal de synthèse, que la jeune fille avait fait état de « bisous sur la bouche » devant le médecin l'ayant examiné, alors qu'auparavant elle n'avait fait état que de « bisous sur la joue », révélant le défaut de constance des propos de la jeune fille, la cour d'appel qui s'appuie sur les résultats de l'enquête qui contredisent ses affirmations sur la constante des propos de la victime alléguée a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors que les faits d'exhibition doivent être commis dans un lieu accessible au regard du public ; que lorsque les actes impudiques sont commis dans un lieu privé, ils ne sont publics que si plusieurs personnes peuvent en être témoins ; qu'en considérant que les faits avaient été commis dans un lieu accessible au public, en relevant qu'[G] [D] était présente lorsque le prévenu avait laissé apparaître une partie de son sexe dans le studio d'enregistrement du logement de sa compagne, la cour d'appel n'a pas caractérisé la condition de publicité au sens de l'article 222-32 du code pénal ;

"3°) alors que l'exhibition sexuelle suppose pour être constituée que le corps ou la partie du corps volontairement exposé à la vue d'autrui soit ou paraisse dénudé ; que la cour d'appel n'a pas constaté que le prévenu aurait volontairement exposé une partie de son sexe à la vue de la jeune fille, laquelle a dit qu'elle n'avait vu qu'une fois, une partie du sexe du prévenu" ;

Attendu qu'il est reproché au prévenu d'avoir exhibé ses parties sexuelles devant un enfant de neuf ans alors qu'il se trouvait dans un studio d'enregistrement aménagé à son domicile ; que pour déclarer le prévenu coupable du délit d'exhibition sexuelle, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Qu'en l'état de ces énonciations, et dés lors que les faits ont été commis en présence d'un témoin involontaire, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 14, § 3, g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-19 et 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. [V] à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis avec mise à l'épreuve ferme ;

"aux motifs que le casier judiciaire de M. [V] ne comportait pas, à la date des faits, aucune condamnation ; que cependant, sa personnalité ne peut manquer d'inquiéter au regard des conclusions de l'expertise psychiatrique selon lesquelles, dans l'hypothèse où les faits seraient avérés, la propension du sujet à une forme provocatrice d'indistinction des valeurs traduirait tout au moins des tentations perverses, sur fond d'immaturité, plutôt que le désespoir affiché, rendant alors nécessaire une injonction de soin ; que par ailleurs, les faits commis, notamment, sur la personne de [U] [E] ont entraîné un traumatisme psychologique important et ruiné par ailleurs l'unité de toute une famille ; que dès lors, tenant compte à la fois des caractéristiques de la personnalité du condamné et de la gravité des faits commis, le premier juge a pu, en dernier recours et dès lors que toute autre peine aurait été inadéquate, condamner M. [V], toujours en déni de sa responsabilité, à une peine d'emprisonnement pour partie ferme et pour une autre partie assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans comportant des obligations de se soumettre à des soins, d'indemniser les victimes, de s'abstenir d'exercer une activité professionnelle bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ainsi que d'entrer en contact avec les victimes ;

"1°) alors que ne saurait constituer, au regard des articles 14, § 3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant la présomption d'innocence et les droits de la défense, un motif de nature à justifier le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis, le fait que le prévenu ne reconnaisse pas sa culpabilité ; qu'en estimant que la peine d'emprisonnement ferme était justifiée à l'égard d'un prévenu toujours en déni de toute responsabilité, alors que tout prévenu a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

"2°) alors que toute autre peine que l'emprisonnement était inadéquate, sans préciser en quoi un sursis total comportant les mêmes obligations que celles qui lui étaient imposées dans le cadre du sursis partiel par ailleurs prononcé n'était pas adéquat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour condamner M. [V] à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis et mise à l'épreuve, l'arrêt attaqué prononce par les motifs partiellement repris au moyen, retenant en outre que sa défense l'a mis dans l'impossibilité de prononcer un aménagement de la peine d'emprisonnement ferme, en l'absence de toutes informations utiles à cet égard ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal dans sa version en vigueur au 1er octobre 2014 ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que M. [V] devra payer aux parties civiles au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mars deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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