14 avril 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-24.131

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00516

Texte de la décision

COMM.

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 14 avril 2016




NON-LIEU A RENVOI


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 516 FS-D

Pourvoi n° Q 15-24.131







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 21 janvier 2016 présenté par la société Madinina créances, société anonyme, dont le siège est chez [Adresse 3],

à l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 27 février 2015 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la mutuelle Harmonie fonction publique, venant aux droits de la SMAR, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [R] [M],


3°/ à Mme [G] [K], épouse [M],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

4°/ à la Mutuelle générale des personnels du ministère de l'agriculture et des organismes rattachés (SMAR), dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 avril 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Zanoto, Mme Vallansan, MM. Marcus, Remenieras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, conseillers, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, Jollec, Barbot, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Madinina créances, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu qu'à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 27 février 2015, la société Madinina créances demande, par mémoire spécial, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article 1699 du code civil qui permet à celui contre lequel on a cédé un droit litigieux de s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite est-il contraire au droit de propriété consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la même Déclaration d'une part en ce qu'il prive le cessionnaire de son droit de propriété sur la créance acquise sans que la nécessité publique l'exige évidemment et, à tout le moins, en ce qu'il porte une atteinte à ce droit non justifiée par un motif d'intérêt général et non proportionnée à l'objectif poursuivi et, d'autre part, en ce qu'il ne prévoit pas une indemnité correspondant à la valeur de la créance ? »

Attendu que si la question posée par la société Madinina a trait à la constitutionnalité de l'article 1699 du code civil au regard de la protection conférée par la Constitution tant au droit de propriété qu'à la liberté d'entreprendre, elle ne précise pas en quoi ce texte porterait atteinte à cette liberté ; que le mémoire spécial ne comporte, à cet égard, aucune motivation ;

Que la question, en ce qu'elle invoque une atteinte portée par l'article 1699 du code civil à la liberté d'entreprendre, telle qu'elle est garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 est, en conséquence, irrecevable ;

Attendu que la disposition arguée d'inconstitutionnalité au regard des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 relatifs au droit de propriété est applicable au litige, dès lors que c'est sur le fondement de l'article 1699 du code civil que la cour d'appel, après avoir dit que l'économie de la cession résultant de l'acte du 23 et 24 mai 2000 rendait possible la détermination du prix réel correspondant à la cession des prêts de M. et Mme [M] et que les conditions du retrait litigieux étaient remplies, a condamné la société Madinina créances à payer à la mutuelle Harmonie fonction publique, venant aux droits de la Mutuelle générale des personnels du ministère de l'agriculture et des organismes rattachés, des dommages-intérêts pour lui avoir fait perdre la chance d'exercer son droit de retrait litigieux en s'opposant à la communication de l'acte de cession de créances ;

Que cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux, l'atteinte portée au droit de propriété du cessionnaire d'un droit de créance par l'exercice du retrait étant, à la fois, justifiée par des motifs d'intérêt général, en ce qu'elle permet d'éviter la spéculation sur les créances litigieuses et d'abréger les instances engagées en vue de leur paiement, et proportionnée à ce double objectif, puisque le retrayé reçoit la somme à laquelle il a lui-même évalué la créance, après avoir mesuré les coûts associés à son recouvrement, la chance d'obtenir tout ou partie de son montant nominal et le risque d'exercice du retrait par le débiteur cédé ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT IRRECEVABLE la question, en ce qu'elle invoque une atteinte à la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

DIT N'Y AVOIR LIEU, POUR LE SURPLUS, DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.

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