14 mai 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/08796

Chambre 1-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 14 mai 2020



N° 2020/196













N° RG 19/08796



N° Portalis DBVB-V-B7D-BELJ6







SA MAAF ASSURANCES





C/



[G] [S] [Z] [J]



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me DUFLOT CAMPAGNOLI



Me LUCAUD-OHIN













DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de GRASSE en date du 06 Mai 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/00289.





APPELANTE



SA MAAF ASSURANCES

dont le siège social est [Adresse 4]



représentée et assistée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Audrey OLLIVRY LECA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMÉES



Madame [G] [S] [Z] [J]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/9101 du 23/08/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 5]

[Localité 2]



représentée et assistée par Me Philomène LUCAUD-OHIN, avocat au barreau de NICE substituée par Me Caroline DEPOUEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES

dont le siège social est [Adresse 3]



assignée et non comparante









*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 24 Février 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Catherine OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La cour était composée de :



madame Geneviève TOUVIER, présidente,

madame Virginie BROT, conseillère,

madame Catherine OUVREL, conseillère,



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2020.







ARRÊT



Réputé contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mai 2020 après prorogation en raison de l'état d'urgence sanitaire.



Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***



EXPOSÉ DU LITIGE



Le 18 octobre 2014, madame [G] [S] [Z] [J], passagère d'un bus, a été victime d'un accident survenu en Espagne impliquant un bus portugais assuré par Fidelidade et un bus français assuré par MTA.



Par ordonnance réputée contradictoire en date du 6 mai 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a :


ordonné une expertise médicale de madame [G] [S] [Z] [J] et désigné le docteur [Y],

condamné la société Maaf Assurances à payer à madame [G] [S] [Z] [J] la somme de 1 500 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice,

condamné la société Maaf Assurances à payer à madame [G] [S] [Z] [J] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

déclaré la présente ordonnance opposable à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-maritimes,

laissé les dépens à la charge de la société Maaf Assurances.




Selon déclaration reçue au greffe le 29 mai 2019, la société Maaf Assurances a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes les dispositions de l'ordonnance déférée dûment reprises.



Par dernières conclusions transmises le 31 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Maaf Assurances demande à la cour de :


réformer l'ordonnance entreprise,

constater qu'elle n'est pas l'assureur de l'autobus litigieux, mais le représentant 4ème directive,

déclarer madame [G] [S] [Z] [J] irrecevable à agir à son endroit,


A titre principal :


ordonner sa mise hors de cause,

débouter madame [G] [S] [Z] [J] de toutes ses demandes,


A titre subsidiaire :


réformer l'ordonnance en ce que la loi applicable n'est pas la loi française,

déclarer madame [G] [S] [Z] [J] irrecevable à agir,

débouter madame [G] [S] [Z] [J] de ses demandes,


En tout état de cause :


réformer la décision en l'état de contestations sérieuses et renvoyer madame [G] [S] [Z] [J] à mieux se pourvoir,

débouter madame [G] [S] [Z] [J] de ses demandes,

condamner madame [G] [S] [Z] [J] au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.




La société Maaf Assurances indique en l'occurrence qu'elle n'est l'assureur d'aucun des deux autobus impliqués et explique n'être intervenue auprès de madame [G] [S] [Z] [J] qu'en sa qualité d'assureur 4ème directive par référence à la directive 2000/26/CE du 16 mai 2000, et tel que désigné par l'assureur portugais de l'autobus responsable. Elle indique être uniquement chargée, comme représentant de l'assureur responsable, dans ce cadre du règlement du sinistre, sans pouvoir être tenu à réparation, ni assignée à ce titre. Elle invoque à ce titre la jurisprudence européenne (CJUE 15 décembre 2016). Elle en déduit l'irrecevabilité de l'action de madame [G] [S] [Z] [J] à son endroit. À titre subsidiaire, la société Maaf Assurances indique que la loi applicable est la loi du pays de survenue de l'accident (article 3 de la convention de La Haye du 4 mai 1971). En tout état de cause, l'appelante fait état de contestations sérieuses.



Par dernières conclusions transmises le 25 septembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, madame [G] [S] [Z] [J] sollicite de la cour qu'elle :


confirme en totalité l'ordonnance entreprise,

condamne la société Maaf International Assurances à lui payer la somme de 2 000 euros en application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre les dépens.




Madame [G] [S] [Z] [J] soutient que la société Maaf Assurances est bien le correspondant de l'assureur du véhicule impliqué et responsable et met en avant le fait que la société Maaf Assurances a diligenté une expertise amiable dès juillet 2015. Elle ne conteste pas que la société Maaf Assurances soit l'assureur 4ème directive mais considère qu'en l'état modifié du droit par la directive 2009/103/CE, elle est tenue à indemnisation à son endroit. Elle invoque à ce titre l'article L 310-2-2 et l'article L 211-9 du code des assurances. S'agissant de la loi applicable, elle soutient qu'il n'appartient pas au juge des référés de la définir et estime la convention de La Haye de 1971 inapplicable.



La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes régulièrement intimée à personne habilitée le 12 juillet 2019, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu. Elle a produit ses débours le même jour.



L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 10 février 2020.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur les demandes dirigées par madame [G] [S] [Z] [J] contre la société Maaf Assurances



Aux termes de l'article 4 de la directive 2000/26/CE du 16 mai 2000, toutes les entreprises d'assurance couvrant les risques liés à la responsabilité civile des véhicules terrestres à moteur sont tenues de nommer un représentant chargé du règlement des sinistres dans chaque Etat membre autre que celui où elles ont reçu leur agrément administratif. Le représentant est chargé de réunir toutes les informations nécessaires en relation avec les dossiers d'indemnisation ou de prendre les mesures nécessaires pour négocier le règlement des sinistres. L'exigence relative à la désignation d'un représentant n'exclut pas le droit pour la personne lésée ou son entreprise d'assurance d'engager directement des procédures contre la personne ayant causé l'accident ou son entreprise d'assurance.



Ces dispositions ont été reprises dans l'article 21 de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, dans des termes identiques. Elles ont été transposées en droit français par la loi n° 2003-706 du 1er août 2013, dans l'article L 310-2-2 du code des assurances qui dispose que toute entreprise d'assurance soumise au contrôle de l'Etat en vertu des dispositions du troisième alinéa (2°) de l'article L. 310-1 et ayant obtenu un agrément lui permettant de couvrir les risques de responsabilité civile résultant de l'emploi de véhicules terrestres à moteur, à l'exclusion de la responsabilité du transporteur, désigne librement dans chacun des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen un représentant qui a pour mission de traiter et régler, dans l'Etat de résidence de la personne lésée, les sinistres résultant d'un accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule qu'elle assure, survenu sur le territoire d'un des Etats désignés ci-dessus, à l'exclusion de l'Etat de résidence de la personne lésée, et ayant causé des préjudices à cette personne.



Le représentant a également pour mission de traiter et régler, dans l'Etat de résidence de la personne lésée, les sinistres résultant d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule assuré par l'entreprise d'assurance qui l'a désigné, survenu sur le territoire d'un Etat tiers dont le bureau national d'assurance a adhéré au régime de la carte internationale d'assurance et ayant causé des préjudices à une personne résidant dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen.



Or, dans un arrêt du 15 décembre 2016, au sujet de l'application de la directive 2000/26/CE, la CJUE a indiqué que l'article 4 de cette directive doit être interprété en ce sens qu'il n'impose pas aux Etats membres de prévoir que le représentant chargé du règlement des sinistres puisse être assigné lui-même, en lieu et place de l'entreprise d'assurance qu'il représente, devant la juridiction nationale saisie d'un recours en indemnisation intenté par une personne lésée entrant dans le champ de la directive.



Cette interprétation vaut depuis 2009 sous l'empire de la directive 2009/103/CE qui a repris à l'identique à ce sujet les dispositions précédentes à ce titre.



En outre, le droit français de transposition ne prévoit qu'un mécanisme de représentation, qui certes permet au représentant de procéder à l'indemnisation de la victime dans un cadre amiable, mais ne prévoit aucunement que le représentant soit débiteur de l'indemnisation due à la victime. L'objectif recherché par ces dispositions est de simplifier les procédures aboutissant à l'indemnisation des victimes, au sein de l'Espace économique européen, mais ni la directive ni le droit français n'institue le représentant comme deuxième débiteur de l'indemnisation. Il ne se déduit d'aucun de ces textes le droit pour la victime de diriger l'action judiciaire qu'elle engage exclusivement contre le représentant de l'assureur, ni d'obtenir sa condamnation au paiement même provisionnel.



En l'occurrence, il résulte des pièces produites que la société Maaf Assurances est, depuis le 1er janvier 2009, le représentant dit 4ème directive, par référence aux textes sus-visés, en charge des sinistres en France de la compagnie d'assurance portugaise, la Fidelidade Mundial.



Or, le 18 octobre 2014, madame [G] [S] [Z] [J] a été victime en Espagne d'un accident de la circulation impliquant un bus français et un bus portugais, assuré par la Fidelidade Mundial. La réalité et l'imputabilité des blessures subies par madame [G] [S] [Z] [J], en tant que passagère transportée, notamment à la main gauche, à l'hémiface gauche et au dos, ne sont pas contestées.



A ce titre, la société Maaf Assurances a échangé plusieurs courriers avec madame [G] [S] [Z] [J] en 2016 et 2017. Elle a également diligenté une expertise amiable confiée au docteur [E], expertise réalisée le 20 juillet 2015. Elle a indiqué également par courrier du 19 juin 2017 à madame [G] [S] [Z] [J] qu'en l'état de la procédure pénale en cours en Espagne et de la détermination non effective des responsabilités, l'affaire se réglerait probablement judiciairement, et elle l'a invitée à faire valoir ses droits dans le cadre de cette procédure en Espagne.



Si la société Maaf Assurances avait nécessairement pour mission en tant que représentant 4ème directive de procéder à l'ensemble de ces échanges et démarches amiables, cela n'a pas pu lui conférer un rôle de débiteur direct de l'indemnisation des préjudices soufferts par madame [G] [S] [Z] [J].



L'action dirigée par madame [G] [S] [Z] [J] contre la société Maaf Assurances se heurte donc à une contestation sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher.



L'ordonnance entreprise doit donc être infirmée tant s'agissant de la demande d'expertise que de la demande de provision, les prétentions étant toutes dirigées à l'endroit de la société Maaf Assurances.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Madame [G] [S] [Z] [J] qui succombe au litige sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. De même, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Maaf Assurances au paiement d'une indemnité à ce titre. Une indemnité de 1 000 euros sera mise sur ce fondement à la charge de madame [G] [S] [Z] [J] en cause d'appel.



De même, l'intimée supportera les dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a été déclarée commune et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-maritimes,



Statuant à nouveau et y ajoutant :



Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par madame [G] [S] [Z] [J] contre la société Maaf Assurances tendant à l'organisation d'une expertise et à l'octroi d'une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices issus de l'accident du 18 octobre 2014 en Espagne,



Déboute madame [G] [S] [Z] [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,



Condamne madame [G] [S] [Z] [J] à verser à la société Maaf Assurances une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel,



Condamne madame [G] [S] [Z] [J] au paiement des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,





Le greffier,La présidente,

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