28 juin 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-40.208

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00747

Texte de la décision

COMM.

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 28 juin 2016




RENVOI


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 747 FS-D

Affaire n° K 16-40.208







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'arrêt rendu le 1er avril 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 8 avril 2016, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

M. R... K..., domicilié [...] ,

D'autre part,

1°/ le procureur général près la cour d'appel de Paris, service financier et commercial, domicilié [...] ,

2°/ la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. L... V..., en qualité de mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée Action d'ingénierie en procédures collectives (AIPC),

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 21 juin 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, MM. Zanoto, Guérin, Marcus, Remeniéras, Mme Bélaval, conseillers, M. Lecaroz, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, Jollec, Barbot, conseillers référendaires, M. Le Mesle, premier avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. K..., l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

L'article L. 653-5, 6° du code du commerce est-il conforme à la Constitution au regard du principe de nécessité et de proportionnalité des peines et de la règle non bis in idem ?

Attendu qu'aux termes de ce texte, le tribunal qui a ouvert une procédure collective peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1, et notamment de toute personne physique dirigeante de droit ou de fait d'une personne morale, contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables lui en font l'obligation, ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

Attendu que cette disposition est applicable au litige, dès lors que c'est sur son fondement que le tribunal de commerce de Créteil, qui avait ouvert la liquidation judiciaire de la SARL Action d'ingénierie, a, par un jugement du 28 janvier 2015, prononcé contre son gérant, M. [...], la sanction de la faillite personnelle pour une durée de 10 ans, tandis que, par un jugement du 11 juillet 2014, le tribunal correctionnel de Paris avait prononcé contre l'intéressé la sanction de l'interdiction de gérer pour une durée de trois ans en répression des délits d'omission d'établissement des comptes annuels du 1er janvier 2008 au 16 mars 2009 et de banqueroute par abstention de tenue de comptabilité pour la période postérieure ;

Attendu que la disposition contestée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Mais attendu que la question de savoir si l'article L. 653-5, 6° du code de commerce, qui permet au tribunal de la procédure collective de prononcer une mesure d'interdiction de gérer ou de faillite personnelle pour des faits qui, pour partie, ont déjà fondé une condamnation définitive de la même personne à la faillite personnelle ou à l'interdiction de gérer, prononcée à titre de peine complémentaire par la juridiction répressive, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines, est sérieuse ;

D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille seize.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.