6 juillet 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-17.346

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2016:C100851

Titres et sommaires

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Fixation - Limites - Lien direct et caractère certain du préjudice - Défaut - Cas - Avoué - Préjudice de carrière économique et accessoires

Aux termes de l'article 13, alinéa 1, de la loi du 25 janvier 2011, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation fixée par le juge de l'expropriation, dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. L'article L. 13-13 de ce code, en vigueur à la date d'entrée en vigueur de la loi du 25 janvier 2011, dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. Selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-624 du 20 janvier 2011, laquelle s'impose, en application de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, à toutes les autorités juridictionnelles, le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, initialement prévus à l'article 13 précité, ne peuvent être indemnisés, étant purement éventuels, sans que soit méconnue l'exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Après avoir énoncé que l'indemnisation du préjudice subi par les avoués du fait de la loi ne saurait permettre l'allocation d'indemnités ne correspondant pas à ce préjudice ou excédant la réparation de celui-ci et constaté, d'abord, que la loi ne supprimait pas l'activité correspondant à la profession d'avoué, ensuite, que les anciens avoués pouvaient exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats et bénéficier notamment, à ce titre, du monopole de la représentation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils avaient établi leur résidence professionnelle, le Conseil constitutionnel a décidé que les préjudices de cette nature n'étaient pas indemnisables, comme étant sans lien direct avec la nature des fonctions d'officier ministériel supprimées et dépourvus de caractère certain, de sorte que l'article 13 était contraire à la Constitution, en ce qu'il avait prévu leur indemnisation. Par suite, toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du 20 janvier 2011. Il résulte de ces éléments que, dès lors que le préjudice direct, matériel et certain qui doit être intégralement indemnisé, en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut être constitué par l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice, la cour d'appel qui refuse d'accueillir la demande d'indemnisation au titre de préjudices de même nature invoqués par d'anciens avoués, loin de violer les articles 13, alinéa 1, de la loi du 25 janvier 2011 et L. 13-13 précités, en fait l'exacte application

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avoué - Expropriation pour cause d'utilité publique - Indemnité - Fixation - Limites - Détermination

CHOSE JUGEE - Autorité erga omnes - Décision du Conseil constitutionnel

POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Décision du Conseil constitutionnel - Portée


OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avoué - Expropriation pour cause d'utilité publique - Indemnité - Fixation - Limites - Détermination - Convention européenne des droits de l'homme - Protocole additionnel - Article 1er - Protection de la propriété - Compatibilité

Aux termes de la deuxième phrase de l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97, 29 mars 2006), la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée au regard de cette disposition. Elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. En particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété. Cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir une charge spéciale et exorbitante. Sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue, en principe, une atteinte excessive. Un défaut total d'indemnisation ne se saurait justifier, en application de l'article 1er du Protocole n° 1, que dans des circonstances exceptionnelles, mais cette disposition ne garantit pas dans tous les cas le droit à une réparation intégrale. Des objectifs légitimes d'utilité publique, tels que ceux que poursuivent des mesures de réforme économique ou de justice sociale, peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien (CEDH, Scordino c. Italie, précité ; Lallement c. France, n° 46044/99, 11 avril 2002). Justifie légalement sa décision, la cour d'appel : qui recherche si la suppression du monopole de représentation des avoués devant les cours d'appel a ménagé un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, en ne faisant pas peser sur les personnes intéressées de charge disproportionnée ; qui constate que la loi du 25 janvier 2011 a supprimé le monopole de représentation des avoués dans un but d'intérêt public de simplification de la procédure et de réduction de son coût ; qui rappelle que la décision du 20 janvier 2011, par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, ne peut faire l'objet d'une indemnisation, est fondée sur le respect des exigences constitutionnelles de bon emploi des deniers publics et de l'égalité devant les charges publiques, qui ne serait pas assuré si était allouée à des personnes privées une indemnisation excédant le montant de leur préjudice ; qui retient, en premier lieu, que la loi du 25 janvier 2011, intégrant les avoués dans la profession d'avocat, a été adoptée à la suite de deux rapports présentés au Président de la République, remettant en cause la justification de la double intervention de l'avoué et de l'avocat en cause d'appel, ainsi qu'en raison des exigences de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, en deuxième lieu, que le législateur a confié au juge de l'expropriation, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le soin d'évaluer, au jour du jugement, selon une date de référence fixée à la date d'entrée en vigueur de la loi, le préjudice subi par les avoués du fait de celle-ci, en troisième lieu, qu'à cette date, l'avoué, privé du monopole de postulation devant la cour d'appel, mais à qui la loi a conféré le titre d'avocat et reconnu de plein droit une spécialisation en procédure d'appel, conserve son outil de travail, dès lors qu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats susceptibles de devenir des concurrents, en quatrième lieu, qu'il peut, en conséquence, postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépendait, plaider devant toutes les juridictions, donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé, en cinquième lieu, que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir aux services des anciens avoués pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant, en sixième lieu, que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place et, en dernier lieu, que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique, et déduit de ces constatations et appréciations qu'au regard des objectifs d'utilité publique de simplification de la procédure et de réduction de son coût poursuivis par la réforme de la représentation devant les cours d'appel, la suppression du monopole de représentation des avoués prévu par la loi du 25 janvier 2011 constitue une mesure d'ingérence justifiée dans le droit au respect des biens, dès lors qu'elle présente un caractère proportionné au regard de l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention, ce dont il résulte que les anciens avoués, auteurs de demandes d'indemnisation, n'ont pas supporté de charge disproportionnée en n'obtenant pas la réparation des divers préjudices par eux imputés à la loi, dont l'absence d'indemnisation est, de surcroît, fondée sur leur caractère indirect et incertain

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier Protocole additionnel - Article 1er - Protection de la propriété - Violation - Défaut - Cas - Loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011


CASSATION - Expropriation pour cause d'utilité publique - Arrêt fixant l'indemnité - Pourvoi - Recevabilité - Indivisibilité à l'égard du commissaire du gouvernement - Défaut - Portée

Est recevable, bien qu'il ne soit pas dirigé contre le commissaire du gouvernement auprès de la juridiction de l'expropriation, le pourvoi formé contre l'arrêt d'une cour d'appel qui fixe une indemnité au titre de la suppression de la profession d'avoué, dès lors que, l'arrêt n'étant pas prononcé au profit du commissaire du gouvernement ou contre lui, les dispositions de l'article 615 du code de procédure civile ne sont pas applicables

CASSATION - Parties - Défendeur - Pluralité de défendeurs - Pourvoi interjeté contre un seul - Litige indivisible - Défaut - Portée

CASSATION - Pourvoi - Recevabilité - Litige indivisible - Défaut - Portée

INDIVISIBILITE - Applications diverses - Exclusion - Expropriation - Décision fixant l'indemnité - Décision non prononcée au profit ou à l'encontre du commissaire du gouvernement


OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avoué - Expropriation pour cause d'utilité publique - Indemnité - Fixation - Limites - Applications diverses

Aux termes de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Il résulte de l'article 13, alinéa 1, de la loi du 25 janvier 2011 que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la loi du 25 janvier 2011 ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation. En revanche, selon la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2011, le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, étant indirects et incertains, ne peuvent être indemnisés, sans que soit méconnue l'exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. En conséquence, viole ces dispositions, ainsi que l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui accueille des demandes d'indemnité de remploi, de frais d'archivage et de charges ordinales formées par une société civile professionnelle d'avoués, alors que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel précitée

CHOSE JUGEE - Autorité erga omnes - Décision du Conseil constitutionnel

POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Décision du Conseil constitutionnel - Portée

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier Protocole additionnel - Article 1er - Protection de la propriété - Egalité devant les charges publiques - Violation - Applications diverses

Texte de la décision

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2016




Rejet
et Cassation partielle


Mme BATUT, président



Arrêt n° 851 FS-P+B+I+R

Pourvois n°Q 15-17.346
G 15-19.341JONCTION








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Statuant sur le pourvoi n° Q 15-17.346 formé par :

1°/ M. [J] [V], domicilié [Adresse 4],

2°/ Mme [N] [I] épouse [A], domiciliée [Adresse 3],

contre un arrêt rendu le 2 avril 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige les opposant :

1°/ au Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ au commissaire du gouvernement d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, [Adresse 2],

3°/ à la Direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation ;

II - Statuant sur le pourvoi n° G 15-19.341 formé par :

- le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué,

contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant :

1°/ à la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à la SCP [S]-[X], [V] et [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de ses liquidateurs amiables, Mme [N] [I] épouse [A] et M. [J] [V],

3°/ à Mme [N] [I] épouse [A],

4°/ à M. [J] [V],

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs au pourvoi n° Q 15-17.346 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi n° G 15-19.341 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 juin 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Truchot, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, Duval-Arnould, Teiller, M. Avel, conseillers, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Cailliau, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Truchot, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de M. [V] et de Mme [I], en nom et en qualité de liquidateurs amiables de la SCP [S]-[X], [V] et [I], de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat du Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué, l'avis de M. Cailliau, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte au Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué de ce qu'il se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, Mme [I] et M. [V] ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d'avocat et fixé les règles et la procédure d'indemnisation applicables ; qu'ayant refusé l'offre d'indemnisation qui leur avait été notifiée par la commission prévue à l'article 16 de la loi, la société civile professionnelle [S]-[X], [V] et [I], précédemment titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel de Caen, en liquidation amiable (la SCP), Mme [I] et M. [V], anciens avoués associés de la SCP, ont saisi le juge de l'expropriation en paiement de diverses indemnités ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 15-17.346 :

Attendu que Mme [I] et M. [V] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 « portant réforme de la représentation devant les cours d'appel » prévoit que « les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique » ; qu'aux termes de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation auquel il est expressément renvoyé, les « indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation » en sorte que la loi du 25 janvier 2011, dans sa rédaction issue de la censure opérée par le Conseil constitutionnel le 20 janvier 2011, a réservé la possibilité, pour les avoués, d'obtenir l'indemnisation intégrale des préjudices directs, matériels et certains causés par l'expropriation de fait résultant de la suppression de leur profession ; qu'en l'espèce, M. [V] et Mme [I] sollicitaient l'indemnisation de leurs préjudices de perte de revenus, de trouble dans les conditions d'existence, de trouble professionnel et de perte de droits à la retraite, préjudices dont ils démontraient que la matérialité était incontestable ; qu'en refusant d'indemniser intégralement ces préjudices, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 « portant réforme de la représentation devant les cours d'appel », ensemble l'article L. 13-13 du code de l'expropriation dans sa version applicable au cas d'espèce ;

2°/ que, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré, comme étant contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, l'article 13 de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel au motif que celui-ci, tout en fixant au 31 mars 2012 la date à laquelle l'indemnité allouée aux avoués devait être arrêtée, accordait aux avoués, sans considération de la situation propre de chacun d'eux, un droit à obtenir l'indemnisation de « préjudices économiques et [d']autres préjudices accessoires toutes causes confondues », lesquels préjudices, à ses yeux, présentaient, à cette date, un caractère « éventuel » ; qu'en déboutant Mme [I] et M. [V] de leurs demandes tendant notamment à l'indemnisation de leurs pertes de revenus, de leur perte de droit à la retraite ainsi que des troubles qu'ils avaient subis dans leurs conditions d'exercice et dans l'exercice de leur activité professionnelle, au prétexte qu'elle était placée dans l'impossibilité de « faire application d'une disposition déclarée inconstitutionnelle » par le Conseil constitutionnel cependant que Mme [I] et M. [V] ne sollicitaient pas la réintégration, dans l'ordonnancement juridique, de la norme que le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, jugée contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en sollicitant l'indemnisation de préjudices éventuels mais, ayant subi en fait des préjudices certains et quantifiables, en demandaient la réparation, conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 et au principe de réparation intégrale posé par l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ¿ principe dont le Conseil constitutionnel n'a, à aucun moment, constaté le caractère inconstitutionnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en estimant qu'il résultait de la décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 que serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques l'indemnisation intégrale, sur le fondement de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, des préjudices financiers subis par les avoués dont le caractère certain serait, comme en l'espèce, incontestablement établi au jour où le juge de l'expropriation serait amené à statuer, la cour d'appel l'a dénaturée et méconnu l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

4°/ qu'à supposer même qu'il puisse être retenu contre la lettre et l'esprit de la loi du 25 janvier 2011 que cette loi n'autoriserait pas l'indemnisation des préjudices de perte de revenus, de trouble dans les conditions d'existence, de trouble professionnel et de perte de droits à la retraite revendiqués par Mme [I] et M. [V], et dont la matérialité était incontestablement établie, son application devrait alors être écartée comme contraire aux articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions du Conseil constitutionnel n'ont d'autorité qu'en ce qui concerne la constitutionnalité des lois ; que l'autorité attachée aux décisions du Conseil constitutionnel ne limite pas la compétence du juge ordinaire pour exercer son contrôle de conventionnalité (CC Déc. n° 2010 ¿ 605 DC) ; que sauf à procéder à un contrôle indirect de constitutionnalité des traités, le juge ordinaire ne peut se prévaloir de l'autorité attachée à une décision de non-conformité d'une loi rendue par le Conseil constitutionnel pour refuser d'apprécier la compatibilité d'une disposition législative avec les dispositions spécifiques d'une Convention internationale ; qu'en estimant que l'autorité de la chose décidée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 lui interdisait de vérifier la conformité de la loi, telle qu'elle résultait de la censure du Conseil constitutionnel, au regard des exigences spécifiques de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les articles 55 et 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

5°/ que dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a censuré, comme étant contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, l'article 13 de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel au motif que celui-ci, tout en fixant au 31 mars 2012 la date à laquelle l'indemnité allouée aux avoués devait être arrêtée, accordait aux avoués un droit à obtenir l'indemnisation de « préjudices économiques et [d']autres préjudices accessoires toutes causes confondues » qui, à ses yeux, présentaient, à cette date, un caractère « éventuel » ; qu'en déboutant Mme [I] et M. [V] de leurs demandes tendant notamment à l'indemnisation de leurs pertes de revenus et de leurs pertes de droits à la retraite au prétexte qu'elle était placée dans l'impossibilité de « faire application d'une disposition déclarée inconstitutionnelle » par le Conseil constitutionnel en raison de l'autorité conférée à cette décision par l'article 62 de la Constitution, cependant que Mme [I] et M. [V] ne sollicitaient pas la réintégration, dans l'ordonnancement juridique, de la norme que le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, jugée contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en sollicitant l'indemnisation de préjudices éventuels mais, ayant subi en fait des préjudices certains et quantifiables dont la loi n'assurerait pas la réparation, reprochaient à celle-ci de ne pas assurer un juste équilibre entre la privation de propriété qu'ils subissaient et les considérations d'intérêt général qui l'animaient puis demandaient l'application du principe de réparation intégrale tel que consacré par la Cour européenne des droits de l'homme, sur le fondement de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention éponyme, principe dont le Conseil constitutionnel n'a, à aucun moment, constaté le caractère inconstitutionnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en estimant qu'il résultait de la décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 que serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques l'indemnisation intégrale, par le juge de l'expropriation, des préjudices financiers subis par les avoués dont le caractère certain serait, comme en l'espèce, incontestablement établi au jour où celui-ci serait amené à statuer, la cour d'appel l'a dénaturée et méconnu l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

7°/ que le juge ordinaire doit s'efforcer d'interpréter les décisions du Conseil constitutionnel, comme toute norme, en conformité avec les stipulations de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en refusant de rechercher si, interprétée à la lumière des stipulations de la Convention européenne, la décision rendue par le Conseil constitutionnel n'avait pas pu en réserver l'application et ne permettait pas, en particulier, aux avoués d'invoquer le principe de réparation intégrale tel que consacré par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'ils justifiaient, devant le juge de l'expropriation, d'un préjudice certain et incontestable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

8°/ que, saisie d'une exception d'inconventionnalité tendant à contester la conformité d'une loi emportant privation de propriété sur le fondement de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge est tenu de vérifier, au regard de la situation concrète dans laquelle le demandeur se trouve placé, si l'indemnité à laquelle il peut prétendre en application de la loi est proportionnée à l'atteinte qu'il subit et aux considérations d'intérêt général qui animent le législateur interne ; que pour refuser d'écarter les dispositions contestées de la loi du 25 janvier 2011, dont l'effet serait de limiter l'indemnisation de Mme [I] et M. [V] à la seule perte du droit de présentation, la cour d'appel a relevé en substance qu'« au jour de l'entrée en vigueur de la loi », l'avoué perdait certes le bénéfice de son monopole mais que « de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué », que « des anciens partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place » et que l'« évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes professionnels à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique » ; qu'après avoir relevé les considérations d'intérêt général ayant motivé la suppression de la profession d'avoué et la limitation de leur indemnisation, la cour d'appel a encore relevé que la loi du 25 janvier 2011 procédait d'une « immixtion justifiée, voire obligatoire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement les préjudices directement liés à la perte du droit de présentation, dans un contexte de forte contraintes budgétaires » et jugé que Mme [I] et M. [V] devaient être « déboutés de leur demande d'indemnisation du préjudice économique allégué tenant au déséquilibre d'exploitation allégué, à leur perte de revenus et de droits à la retraite » ; qu'en procédant ainsi, par une analyse abstraite de la situation des avoués, alors qu'il lui appartenait de vérifier, au regard de la situation concrète de Mme [I] et M. [V], si la loi contestée leur assurait une juste et équitable réparation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention ;

9°/ qu'en se situant au jour de l'entrée en vigueur de la loi pour vérifier si celle-ci assurait un juste équilibre entre la nécessaire protection du droit de propriété et les considérations d'intérêt général qu'elle poursuivait cependant qu'il lui appartenait, afin d'apprécier in concreto la conventionnalité de la loi déférée, de se placer au jour où elle statuait afin de vérifier si, à cette date, Mme [I] et M. [V] ne justifiaient pas avoir subi des préjudices incontestables dont la loi, telle qu'interprétée par le Fonds d'indemnisation, ne permettait pas une juste réparation et si au regard de leur situation concrète à cette date, la loi ne les privait pas d'une juste réparation des préjudices qu'ils devaient subir, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention ;

10°/ qu'en statuant ainsi alors qu'il lui appartenait également de se situer au jour où elle statuait pour vérifier, au cas concret, si Mme [I] et M. [V] n'avaient pas, en l'état des dispositions de la loi du 25 janvier 2011 telles qu'interprétées par le Fonds d'indemnisation, été indûment privés de leur droit d'accès au juge en se trouvant placés dans l'impossibilité de demander en justice l'indemnisation des préjudices qu'ils avaient personnellement subis du fait de la suppression de leur profession, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11°/ que les Etats membres à la Convention européenne des droits de l'homme sont tenus d'assurer un juste équilibre entre la nécessaire protection du droit de propriété et toute considération d'intérêt général dont ils poursuivent la réalisation ; qu'en l'espèce, Mme [I] et M. [V] faisaient valoir qu'à supposer que la loi du 25 janvier 2011 ne leur ouvrît que la réparation de la perte de leur droit de présentation et leur refusât, notamment, l'indemnisation de leur perte de revenus et de leur perte de droits à retraite, qui, en l'état de leur situation particulière, étaient substantielles, il convenait d'en apprécier la conventionnalité au regard des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ils démontraient avoir subi en fait une perte de revenus importante, le résultat net dégagé par l'activité de Mme [I] sur l'année 2012 s'étant même révélé négatif ; qu'ils ajoutaient qu'au regard de leur situation concrète, ils n'étaient manifestement pas en mesure de recouvrer des revenus identiques à ceux que leur assurait leur profession d'avoués en l'état des revenus importants que générait cette activité monopolistique et tarifée, de la surpopulation manifeste du barreau caennais au sein duquel ils exerçaient, du revenu moyen de l'avocat bas normand qui était bien moindre que celui qu'il percevait en leur qualité d'avoués ; qu'ils ajoutaient que, selon les statistiques dont le contenu n'était pas contesté, ils ne pourraient atteindre ces revenus moyens que dans une dizaine d'année et qu'à cet égard également, leur perte de revenus à terme était certaine ; qu'ils ajoutaient que la baisse de revenus actuelle qu'ils avaient subie et la baisse certaine qu'ils accuseraient à terme leur était d'autant plus dommageable qu'ils devaient supporter, en pure perte, la charge du remboursement des emprunts qu'ils avaient contractés pour faire l'acquisition de leur droit de présentation, charge qui s'élevait au 1er janvier 2012 aux sommes de 131 495,38 euros et 145 597,38 euros ; que la perte de revenus de M. [V] était estimée à la somme de 2 381 513 euros et celle de Mme [I] à celle de 1 609 060 euros ; que le préjudice qu'ils subissaient au titre de leur perte de droit à la retraite était évalué aux sommes respectives de 149 840 euros et 117 272 euros ; qu'en déboutant cependant M. [V] et Mme [I] de leurs demandes tendant à ce qu'il soit fait exception à l'application de la loi du 25 janvier 2011, ainsi interprétée, comme ne respectant pas le juste équilibre imposé par les stipulations de la Convention européenne des droits de l'homme, et en leur refusant, à la faveur de l'application de cette loi, l'indemnisation de tout préjudice, réserve faite de la seule perte de leur droit de présentation, la cour d'appel a violé les articles 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6, § 1, de cette Convention ;

12°/ qu'à admettre, à la faveur d'une dénaturation de l'arrêt attaqué, qu'en relevant que « Considérant sur l'indemnisation prévue par la loi des parts en industrie, qu'un même bénéfice ne pouvant être réparti deux fois, il convient de ne retenir que les situations où l'avoué bénéficiait de parts en industrie lui permettant de percevoir une part des bénéfices supérieure à celle à laquelle lui donnait droit sa participation dans le capital social ; que dans le cas contraire, il ne résulte pour lui aucun préjudice supplémentaire de la disparition de ces parts » et que « les avoués requérants ne se trouvant pas dans cette situation, ne justifient d'aucun préjudice à ce titre et doivent être déboutés de ce chef de demande, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la communication requise des offres d'indemnisation faites par la commission, qui est inutile », la cour d'appel ait estimé que Mme [I] et M. [V] ne justifiaient pas avoir accusé une perte de revenus qui viendrait s'ajouter à la perte de leur droit de présentation, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du code de procédure civile en ne s'expliquant pas sur le bilan de la SCP pour l'exercice 2011, les déclarations 2035 des années 2005 à 2010 de Mme [I] et M. [V], sur les comptes de résultat provisoires de Mme [I] et M. [V] produits aux débats ainsi que les comptes de résultats de M. [V] au 31 août 2014 et de Mme [I] au 31 août 2014, qui démontraient que depuis l'entrée en vigueur de la loi, ceux-ci avaient incontestablement accusé une perte significative de revenus ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation fixée par le juge de l'expropriation, dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Que l'article L. 13-13 de ce code, alors en vigueur, dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;

Que, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-624 du 20 janvier 2011, laquelle s'impose, en application de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, à toutes les autorités juridictionnelles, le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, initialement prévus à l'article 13 précité, ne peuvent être indemnisés, étant purement éventuels, sans que soit méconnue l'exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'ainsi, après avoir énoncé que l'indemnisation du préjudice subi par les avoués du fait de la loi ne saurait permettre l'allocation d'indemnités ne correspondant pas à ce préjudice ou excédant la réparation de celui-ci et constaté, d'abord, que la loi ne supprimait pas l'activité correspondant à la profession d'avoué, ensuite, que les anciens avoués pouvaient exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats et bénéficier notamment, à ce titre, du monopole de la représentation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils avaient établi leur résidence professionnelle, le Conseil constitutionnel a décidé que les préjudices de cette nature n'étaient pas indemnisables, comme étant sans lien direct avec la nature des fonctions d'officier ministériel supprimées et dépourvus de caractère certain, de sorte que l'article 13 était contraire à la Constitution, en ce qu'il avait prévu leur indemnisation ;

Que, par suite, toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du 20 janvier 2011 ;

Qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors que le préjudice direct, matériel et certain qui doit être intégralement indemnisé, en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut être constitué par l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice, la cour d'appel, en refusant d'accueillir la demande d'indemnisation au titre de préjudices de même nature invoqués par Mme [I] et M. [V], loin de violer les articles 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 et L. 13-13 précités, en a fait, sans dénaturer la décision du Conseil constitutionnel ni méconnaître les termes du litige, l'exacte application ;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de la deuxième phrase de l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;

Que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97, 29 mars 2006), la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée au regard de cette disposition ; qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété ; que cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir une charge spéciale et exorbitante ; que, sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue, en principe, une atteinte excessive ; qu'un défaut total d'indemnisation ne saurait se justifier, en application de l'article 1er du Protocole n° 1, que dans des circonstances exceptionnelles, mais que cette disposition ne garantit pas dans tous les cas le droit à une réparation intégrale ; que des objectifs légitimes d'utilité publique, tels que ceux que poursuivent des mesures de réforme économique ou de justice sociale, peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien (CEDH, Scordino c. Italie, précité ; Lallement c. France, n° 46044/99, 11 avril 2002) ;

Que la cour d'appel a recherché si la suppression du monopole de représentation des avoués devant les cours d'appel avait ménagé un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, en ne faisant pas peser sur les personnes intéressées de charge disproportionnée ;

Qu'elle a, d'abord, constaté que la loi du 25 janvier 2011 avait supprimé le monopole de représentation des avoués dans un but d'intérêt public de simplification de la procédure et de réduction de son coût ;

Qu'elle a, ensuite, rappelé que la décision du 20 janvier 2011, par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, ne pouvaient faire l'objet d'une indemnisation, est fondée sur le respect des exigences constitutionnelles de bon emploi des deniers publics et de l'égalité devant les charges publiques, qui ne serait pas assuré si était allouée à des personnes privées une indemnisation excédant le montant de leur préjudice ;

Qu'elle a, enfin, retenu, en premier lieu, que la loi du 25 janvier 2011, intégrant les avoués dans la profession d'avocat, avait été adoptée à la suite de deux rapports présentés au Président de la République, remettant en cause la justification de la double intervention de l'avoué et de l'avocat en cause d'appel, ainsi qu'en raison des exigences de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, en deuxième lieu, que le législateur avait confié au juge de l'expropriation, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le soin d'évaluer, au jour du jugement, selon une date de référence fixée à la date d'entrée en vigueur de la loi, le préjudice subi par les avoués du fait de celle-ci, en troisième lieu, qu'à cette date, l'avoué, privé du monopole de postulation devant la cour d'appel, mais à qui la loi avait conféré le titre d'avocat et reconnu de plein droit une spécialisation en procédure d'appel, conservait son outil de travail, dès lors qu'il pouvait continuer d'exercer son activité, quand bien même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats susceptibles de devenir des concurrents, en quatrième lieu, qu'il pouvait, en conséquence, postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépendait, plaider devant toutes les juridictions, donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé, en cinquième lieu, que de nombreuses parties continuaient, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir aux services des anciens avoués pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant, en sixième lieu, que des partenariats entre avocats et anciens avoués pouvaient être mis en place et, en dernier lieu, que l'évolution des revenus des avoués dépendait pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique ;

Que la cour d'appel a déduit de ces constatations et appréciations, sans dénaturer la décision du Conseil constitutionnel, ni méconnaître l'objet du litige, ni indûment priver Mme [I] et M. [V] de leur droit d'accès au juge, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention, qu'au regard des objectifs d'utilité publique de simplification de la procédure et de réduction de son coût poursuivis par la réforme de la représentation devant les cours d'appel, la suppression du monopole de représentation des avoués prévue par la loi du 25 janvier 2011 constituait une mesure d'ingérence justifiée dans le droit au respect des biens, dès lors qu'elle présentait un caractère proportionné au regard de l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention, ce dont il résultait que Mme [I] et M. [V] n'avaient pas supporté de charge disproportionnée en n'obtenant pas la réparation des divers préjudices par eux imputés à la loi, dont l'absence d'indemnisation était, de surcroît, fondée sur leur caractère indirect et incertain ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° 15-19.341, contestée par la défense :

Attendu que la SCP soutient que le pourvoi du Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué est irrecevable, en ce qu'il n'est pas dirigé contre le commissaire du gouvernement ;

Mais attendu que la décision fixant une indemnité au titre de la suppression de la profession d'avoué n'étant pas prononcée au profit du commissaire du gouvernement ou contre lui, les dispositions de l'article 615 du code de procédure civile ne sont pas applicables ; que, dès lors, le pourvoi est recevable ;

Sur le premier moyen de ce pourvoi, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :

Vu l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, ensemble l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 et l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; qu'il résulte du deuxième que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la loi du 25 janvier 2011 ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation ; qu'en revanche, selon la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2011, le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, étant indirects et incertains, ne peuvent être indemnisés, sans que soit méconnue l'exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Attendu que, pour accueillir la demande d'indemnité de remploi formée par la SCP, l'arrêt retient que, s'agissant de l'indemnisation de la perte du droit de présentation, les textes applicables en matière d'expropriation, auxquels renvoie la loi, prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi, calculée à partir de l'indemnité principale et destinée à couvrir les frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature ; qu'il ajoute qu'il est admis, en matière d'expropriation, qu'il n'est pas nécessaire de justifier le remploi et que l'indemnité est due au cas même où, en raison de sa nature particulière, le bien ne serait pas susceptible de remplacement, que cette indemnité, directement complémentaire de l'indemnité principale comme étant calculée en fonction du montant de celle-ci, est due également en cas de cessation d'activité et qu'il n'est pas contestable que la réforme de la représentation devant les cours d'appel, aboutissant à la suppression de la profession d'avoué, impose aux anciens avoués de se réorganiser, le cas échéant de changer de locaux par suite de réduction du personnel, de matériels, de support sur les plans matériel et juridique et de supporter des charges fiscales ;

Qu'en statuant ainsi, alors que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel précitée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi :

Vu l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, ensemble l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 et l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour accueillir les demandes d'indemnités pour frais d'archivage et charges ordinales formées par la SCP, l'arrêt retient qu'il convient de prendre en considération les charges occasionnées par la loi, qui ont fait l'objet de propositions de la part de la commission d'indemnisation ; qu'il ajoute que la SCP justifie ainsi de ces frais et charges, directement liés à la suppression du droit de présentation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel précitée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° 15-19.341 :

REJETTE le pourvoi n° 15-17.346 ;

DÉCLARE RECEVABLE le pourvoi n° 15-19.341 ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'indemnité de Mme [I] et M. [V] au titre de la suppression de la profession des avoués, l'arrêt rendu le 2 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris (n° 49/2015) ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme [I], M. [V] et la société civile professionnelle [S]-[X], [V] et [I] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. [V] et Mme [I] épouse [A], demandeurs au pourvoi n° Q 15-17.346

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Maître [I] et [V] de leurs demandes indemnitaires et dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

AUX MOTIFS QUE : « les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ; Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ; Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ; Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ; Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ; Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ; Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ; Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ; Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. [R] (2008) et [O] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ; Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ; Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : « les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi... » a été privé par la décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots « du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues », de même que des mots « en tenant compte de leur âge » ; Considérant sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par la SCP [S], Maîtres [I] et [V], que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ; Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 13 qu'une demande d'indemnisation, adressée directement au juge de l'expropriation, sans avoir été soumise préalablement à la commission, serait irrecevable ; Considérant dès lors que la recevabilité des demandes de la SCP [S]-[V]-[I], de Maîtres [I] et [V], qui n'ont pas accepté les offres qui leur ont été faites par la commission d'indemnisation, n'est pas contestable ; Considérant sur les demandes personnelles des avoués que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés par le juge ordinaire, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution, disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; Considérant que si le juge ordinaire est certes compétent pour apprécier la Conventionnalité des lois, il ne peut fait application de dispositions jugées inconstitutionnelles, les décisions du Conseil constitutionnel et leurs motifs prévalant, dans l'ordre juridique interne, sur les dispositions Conventionnelles ; Considérant en tout état de cause, que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ; Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique ; Considérant que la suppression du monopole de postulation devant leur cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, voire obligatoire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement les préjudices directement liés à la perte du droit de présentation, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, étant souligné que le droit mis à la charge du justiciable en cause d'appel est insuffisant à assurer le financement et la trésorerie des sommes à revenir aux avoués ; Considérant que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au-delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir si la réforme n'était pas survenue ; Considérant sur l'indemnisation prévue par la loi des parts en industrie, qu'un même bénéfice ne pouvant être réparti deux fois, il convient de ne retenir que les situations où l'avoué bénéficiait de parts en industrie lui permettant de percevoir une part des bénéfices supérieure à celle à laquelle lui donnait droit sa participation dans le capital social ; que dans le cas contraire, il ne résulte pour lui aucun préjudice supplémentaire de la disparition de ces parts ; Considérant que les avoués requérants ne se trouvant pas dans cette situation, ne justifient d'aucun préjudice à ce titre et doivent être déboutés de ce chef de demande, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la communication requise des offres d'indemnisation faites par la commission, qui est inutile ; Considérant que Maîtres [I] et [V] doivent être déboutés de leur demande de remboursement des intérêts d'emprunts professionnels, dès lors que ceux-ci pouvaient être remboursés par anticipation et que leur décision à cet égard résulte d'un choix personnel de gestion ; Considérant qu'ils ne peuvent se plaindre d'avoir à continuer de traiter après la réforme les dossiers ouverts auparavant, dès lors qu'ils ont pu percevoir corrélativement les émoluments correspondants ; Considérant qu'au vu de la décision du Conseil constitutionnel et de ce qui précède, ils doivent être également déboutés de leur demande d'indemnisation du préjudice économique allégué tenant au déséquilibre d'exploitation allégué, à leur perte de revenus et de droits à la retraite ; que le jugement doit être infirmé sur ces deux derniers points, ainsi que sur l'indemnité pour frais irrépétibles allouée à Maîtres [I] et [V] ; Considérant qu'en matière d'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte que la demande de dommages et intérêts visant les troubles dans les conditions d'existence présentée par Maîtres [I] et [V] ne peut être accueillie, le jugement étant confirmé sur ce point » ;

1°/ ALORS QUE l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 « portant réforme de la représentation devant les Cours d'appel » prévoit que « les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique » ; qu'aux termes de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation auquel il est expressément renvoyé, les « indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation » en sorte que la loi du 25 janvier 2011, dans sa rédaction issue de la censure opérée par le Conseil Constitutionnel le 20 janvier 2011, a réservé la possibilité, pour les avoués, d'obtenir l'indemnisation intégrale des préjudices directs, matériels et certains causés par l'expropriation de fait résultant de la suppression de leur profession ; qu'en l'espèce, Maîtres [V] et [I] sollicitaient l'indemnisation de leurs préjudices de perte de revenus, de trouble dans les conditions d'existence, de trouble professionnel et de perte de droits à la retraite, préjudices dont ils démontraient que la matérialité était incontestable ; qu'en refusant d'indemniser intégralement ces préjudices, la Cour d'appel a violé l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 « portant réforme de la représentation devant les Cours d'appel », ensemble l'article L. 13-13 du code de l'expropriation dans sa version applicable au cas d'espèce ;

2°/ ALORS QUE dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, le Conseil Constitutionnel a partiellement censuré, comme étant contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, l'article 13 de la loi portant réforme de la représentation devant les Cours d'appel au motif que celui-ci, tout en fixant au 31 mars 2012 la date à laquelle l'indemnité allouée aux avoués devait être arrêtée, accordait aux avoués, sans considération de la situation propre de chacun d'eux, un droit à obtenir l'indemnisation de « préjudices économiques et [d']autres préjudices accessoires toutes causes confondues » lesquels préjudices, à ses yeux, présentaient, à cette date, un caractère « éventuel » ; qu'en déboutant Maîtres [I] et [V] de leurs demandes tendant notamment à l'indemnisation de leurs pertes de revenus, de leur perte de droit à la retraite ainsi que des troubles qu'ils avaient subis dans leurs conditions d'exercice et dans l'exercice de leur activité professionnelle, au prétexte qu'elle était placée dans l'impossibilité de « faire application d'une disposition déclarée inconstitutionnelle » par le Conseil Constitutionnel cependant que Maîtres [I] et [V] ne sollicitaient pas la réintégration, dans l'ordonnancement juridique, de la norme que le Conseil Constitutionnel avait, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, jugée contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en sollicitant l'indemnisation de préjudices éventuels mais, ayant subi en fait des préjudices certains et quantifiables, en demandaient la réparation, conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 et au principe de réparation intégrale posé par l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ¿ principe dont le Conseil Constitutionnel n'a, à aucun moment, constaté le caractère inconstitutionnel, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QU'en estimant qu'il résultait de la décision 2010-624 DC du 20 janvier 2011 que serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques l'indemnisation intégrale, sur le fondement de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, des préjudices financiers subis par les avoués dont le caractère certain serait, comme en l'espèce, incontestablement établi au jour où le juge de l'expropriation serait amené à statuer, la Cour d'appel l'a dénaturée et méconnu l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

4°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'à supposer même qu'il puisse être retenu contre la lettre et l'esprit de la loi du 25 janvier 2011 que cette loi n'autoriserait pas l'indemnisation des préjudices de perte de revenus, de trouble dans les conditions d'existence, de trouble professionnel et de perte de droits à la retraite revendiqués par Maîtres [I] et [V], et dont la matérialité était incontestablement établie, son application devrait alors être écartée comme contraire aux articles 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que les décisions du Conseil Constitutionnel n'ont d'autorité qu'en ce qui concerne la constitutionnalité des lois ; que l'autorité attachée aux décisions du Conseil Constitutionnel ne limite pas la compétence du juge ordinaire pour exercer son contrôle de conventionnalité (C.C. Déc. n° 2010 ¿ 605 D.C) ; que sauf à procéder à un contrôle indirect de constitutionnalité des traités, le juge ordinaire ne peut se prévaloir de l'autorité attachée à une décision de non-conformité d'une loi rendue par le Conseil Constitutionnel pour refuser d'apprécier la compatibilité d'une disposition législative avec les dispositions spécifiques d'une Convention internationale ; qu'en estimant que l'autorité de la chose décidée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 lui interdisait de vérifier la conformité de la loi, telle qu'elle résultait de la censure du Conseil Constitutionnel, au regard des exigences spécifiques de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la Cour d'appel a violé les articles 55 et 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

5°/ ALORS EN OUTRE QUE dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, le Conseil Constitutionnel a censuré, comme étant contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, l'article 13 de la loi portant réforme de la représentation devant les Cours d'appel au motif que celui-ci, tout en fixant au 31 mars 2012 la date à laquelle l'indemnité allouée aux avoués devait être arrêtée, accordait aux avoués un droit à obtenir l'indemnisation de « préjudices économiques et [d']autres préjudices accessoires toutes causes confondues » qui, à ses yeux, présentaient, à cette date, un caractère « éventuel » ; qu'en déboutant Maîtres [I] et [V] de leurs demandes tendant notamment à l'indemnisation de leurs pertes de revenus et de leurs pertes de droits à la retraite au prétexte qu'elle était placée dans l'impossibilité de « faire application d'une disposition déclarée inconstitutionnelle » par le Conseil Constitutionnel en raison de l'Autorité conférée à cette décision par l'article 62 de la Constitution, cependant que Maîtres [V] et [I] ne sollicitaient pas la réintégration, dans l'ordonnancement juridique, de la norme que le Conseil Constitutionnel avait, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, jugée contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en sollicitant l'indemnisation de préjudices éventuels mais, ayant subi en fait des préjudices certains et quantifiables dont la loi n'assurerait pas la réparation, reprochaient à celle-ci de ne pas assurer un juste équilibre entre la privation de propriété qu'ils subissaient et les considérations d'intérêt général qui l'animaient puis demandaient l'application du principe de réparation intégrale tel que consacré par la Cour EDH, sur le fondement de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention éponyme, principe dont le Conseil Constitutionnel n'a, à aucun moment, constaté le caractère inconstitutionnel, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6°/ ALORS QU'en estimant qu'il résultait de la décision 2010-624 DC du 20 janvier 2011 que serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques l'indemnisation intégrale, par le juge de l'expropriation, des préjudices financiers subis par les avoués dont le caractère certain serait, comme en l'espèce, incontestablement établi au jour où celui-ci serait amené à statuer, la Cour d'appel l'a dénaturée et méconnu l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

7°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le juge ordinaire doit s'efforcer d'interpréter les décisions du Conseil Constitutionnel, comme toute norme, en conformité avec les stipulations de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; qu'en refusant de rechercher si, interprétée à la lumière des stipulations de la Convention Européenne, la décision rendue par le Conseil Constitutionnel n'avait pas pu en réserver l'application et ne permettait pas, en particulier, aux avoués d'invoquer le principe de réparation intégrale tel que consacré par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention EDH, s'ils justifiaient, devant le juge de l'expropriation, d'un préjudice certain et incontestable, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

8°/ ALORS QUE saisie d'une exception d'inconventionnalité tendant à contester la conformité d'une loi emportant privation de propriété sur le fondement de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le juge est tenu de vérifier, au regard de la situation concrète dans laquelle le demandeur se trouve placé, si l'indemnité à laquelle il peut prétendre en application de la loi est proportionnée à l'atteinte qu'il subit et aux considérations d'intérêt général qui animent le législateur interne ; que pour refuser d'écarter les dispositions contestées de la loi du 25 janvier 2011, dont l'effet serait de limiter l'indemnisation de Maîtres [V] et [I] à la seule perte du droit de présentation, la Cour d'appel a relevé en substance qu'« au jour de l'entrée en vigueur de la loi » l'avoué perdait certes le bénéfice de son monopole mais que « de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la Cour d'appel, de recourir à un ancien avoué », que « des anciens partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place » et que l'« évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes professionnels à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique » ; qu'après avoir relevé les considérations d'intérêt général ayant motivé la suppression de la profession d'avoué et la limitation de leur indemnisation, la Cour d'appel a encore relevé que la loi du 25 janvier 2011 procédait d'une « immixtion justifiée, voire obligatoire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement les préjudices directement liés à la perte du droit de présentation, dans un contexte de forte contraintes budgétaires » et jugé que Maîtres [I] et [V] devaient être « déboutés de leur demande d'indemnisation du préjudice économique allégué tenant au déséquilibre d'exploitation allégué, à leur perte de revenus et de droits à la retraite » ; qu'en procédant ainsi, par une analyse abstraite de la situation des avoués, alors qu'il lui appartenait de vérifier, au regard de la situation concrète de Maîtres [I] et [V], si la loi contestée leur assurait une juste et équitable réparation, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention ;

9°/ ALORS EN OUTRE QU'en se situant au jour de l'entrée en vigueur de la loi pour vérifier si celle-ci assurait un juste équilibre entre la nécessaire protection du droit de propriété et les considérations d'intérêt général qu'elle poursuivait cependant qu'il lui appartenait, afin d'apprécier in concreto la conventionnalité de la loi déférée, de se placer au jour où elle statuait afin de vérifier si, à cette date, Maîtres [I] et [V] ne justifiaient pas avoir subi des préjudices incontestables dont la loi, telle qu'interprétée par le fonds d'indemnisation, ne permettait pas une juste réparation et si au regard de leur situation concrète à cette date, la loi ne les privait pas d'une juste réparation des préjudices qu'ils devaient subir, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention ;

10°/ ALORS QU' en statuant ainsi alors qu'il lui appartenait également de se situer au jour où elle statuait pour vérifier, au cas concret, si Maîtres [I] et [V] n'avaient pas, en l'état des dispositions de la loi du 25 janvier 2011 telles qu'interprétées par le fonds d'indemnisation, été indûment privés de leur droit d'accès au juge en se trouvant placés dans l'impossibilité de demander en justice l'indemnisation des préjudices qu'ils avaient personnellement subis du fait de la suppression de leur profession, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

11°/ ALORS QUE les états membres à la Convention Européenne des droits de l'Homme sont tenus d'assurer un juste équilibre entre la nécessaire protection du droit de propriété et toute considération d'intérêt général dont ils poursuivent la réalisation ; qu'en l'espèce, Maîtres [I] et [V] faisaient valoir qu'à supposer que la loi du 25 janvier 2011 ne leur ouvrît que la réparation de la perte de leur droit de présentation et leur refusât, notamment, l'indemnisation de leur perte de revenus et de leur perte de droits à retraite, qui, en l'état de leur situation particulière, étaient substantielles, il convenait d'en apprécier la conventionnalité au regard des articles 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à la CESDH; qu'ils démontraient avoir subi en fait une perte de revenus importante, le résultat net dégagé par l'activité de Maître [I] sur l'année 2012 s'étant même révélé négatif (conclusions, p. 70s.) ; qu'ils ajoutaient qu'au regard de leur situation concrète, ils n'étaient manifestement pas en mesure de recouvrer des revenus identiques à ceux que leur assurait leur profession d'avoués en l'état des revenus importants que générait cette activité monopolistique et tarifée, de la surpopulation manifeste du barreau caennais au sein duquel ils exerçaient, du revenu moyen de l'avocat bas normand qui était bien moindre que celui qu'il percevait en leur qualité d'avoués ; qu'ils ajoutaient que selon les statistiques dont le contenu n'était pas contesté, ils ne pourraient atteindre ces revenus moyens que dans une dizaine d'année et qu'à cet égard également, leur perte de revenus à terme était certaine (conclusions, p. 72s.) ; qu'ils ajoutaient que la baisse de revenus actuelle qu'ils avaient subie et la baisse certaine qu'ils accuseraient à terme leur était d'autant plus dommageable qu'ils devaient supporter, en pure perte, la charge du remboursement des emprunts qu'ils avaient contractés pour faire l'acquisition de leur droit de présentation, charge qui s'élevait au 1er janvier 2012 aux sommes de 131.495,38 euros et 145.597,38 euros (conclusions, p. 74s.) ; que la perte de revenus de Maître [V] était estimée à la somme de 2.381.513 euros et celle de Maître [I] à celle de 1.609.060 euros (ibid) ; que le préjudice qu'ils subissaient au titre de leur perte de droit à la retraite était évalué aux sommes respectives de 149.840 euros et 117.272 euros (ibid) ; qu'en déboutant cependant Maîtres [V] et [I] de leurs demandes tendant à ce qu'il soit fait exception à l'application de la loi du 25 janvier 2011, ainsi interprétée, comme ne respectant pas le juste équilibre imposé par les stipulations de la Convention Européenne des droits de l'Homme et en leur refusant, à la faveur de l'application de cette loi, l'indemnisation de tout préjudice, réserve faite de la seule perte de leur droit de présentation, la Cour d'appel a violé les articles 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 6§1 de cette Convention ;

12°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'à admettre, à la faveur d'une dénaturation de l'arrêt attaqué, qu'en relevant que « Considérant sur l'indemnisation prévue par la loi des parts en industrie, qu'un même bénéfice ne pouvant être réparti deux fois, il convient de ne retenir que les situations où l'avoué bénéficiait de parts en industrie lui permettant de percevoir une part des bénéfices supérieure à celle à laquelle lui donnait droit sa participation dans le capital social ; que dans le cas contraire, il ne résulte pour lui aucun préjudice supplémentaire de la disparition de ces parts » et que « les avoués requérants ne se trouvant pas dans cette situation, ne justifient d'aucun préjudice à ce titre et doivent être déboutés de ce chef de demande, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la communication requise des offres d'indemnisation faites par la commission, qui est inutile » (arrêt, p. 13), la Cour d'appel ait estimé que Maître [V] et [I] ne justifiaient pas avoir accusé une perte de revenus qui viendrait s'ajouter à la perte de leur droit de présentation, la Cour d'appel aurait violé l'article 455 du code de procédure civile en ne s'expliquant pas sur le Bilan de la SCP pour l'exercice 2011, les Déclarations 2035 des années 2005 à 2010 de Maîtres [V] et [I], sur les comptes de résultat provisoires de Maîtres [I] et [V] produits aux débats ainsi que les comptes de résultats de Maître [V] au 31 Août 2014 et de Maître [I] au 31 Août 2014, qui démontraient que depuis l'entrée en vigueur de la loi, les exposants avaient incontestablement accusé une perte significative de revenus.Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué, demandeur au pourvoi n° G 15-19.341

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé à la date du jugement entrepris l'indemnité due par le FIDA à la SCP [S]-[X], [V], [I] représentée par ses liquidateurs amiables au titre de la suppression de la profession des avoués, à la somme de 1 369 083 euros, dont la somme de 1 208 777 euros au titre du droit de présentation ;

AUX MOTIFS QUE le législateur a confié au juge de l'expropriation le soin de fixer l'indemnisation du droit de présentation et, le cas échéant, des parts en industrie de l'avoué exerçant en société, conformément aux dispositions des articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation ; que s'agissant de la valeur du droit de présentation, le juge de l'expropriation est libre de choisir la méthode qui lui apparaît la plus appropriée pour la déterminer ; qu'il ne saurait lui être imposé de se conformer à un barème, fût-celui prévu par l'article 6 du décret du 1er avril 2011, applicable à la seule commission d'indemnisation, faute de quoi il était inutile de prévoir le recours au juge ; que la valeur de la charge doit être déterminée, ainsi d'ailleurs que le prévoit la circulaire de la direction des affaires civiles et du sceau, relative à la constitution des dossiers de cessions des offices publics et/ou ministériels, conformément aux usages de la profession et aux considérations économiques, c'est-à-dire selon la loi du marché ; qu'ainsi, l'indemnité doit être égale à la somme qui aurait été perçue par l'avoué si le droit de présentation avait été cédé dans le cadre d'une cession ordinaire ; qu'il est suffisamment établi par les attestations versées aux débats que les cessions de charges d'avoué ont été faites, depuis de nombreuses années, partout où les avoués existaient en France, essentiellement selon la méthode dite du produit demi-net (moyenne sur cinq ans des différences entre le produit brut de l'office et certaines charges limitativement énumérées, à savoir loyers des locaux professionnels, salaires et charges sociales ou encore taxe professionnelle) avec application d'un coefficient dit de cour, tenant aux conditions économiques dans la cour d'appel à laquelle appartient l'avoué ; qu'il n'est pas démontré que la Chancellerie aurait, à l'occasion des cessions intervenues, refusé le prix ainsi obtenu ; qu'il convient par ailleurs de prendre en considération les données sur la période la plus récente précédant la mise en oeuvre de la loi ; qu'au vu des justificatifs versés aux débats par la SCP, il convient, selon le calcul fait par le premier juge, que la cour fait sien, de retenir le chiffre de 1 208 777 euros, de sorte que le jugement querellé doit être confirmé sur ce point (arrêt, p. 11) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Commission nationale d'indemnisation des avoués a offert à la SCP [S]-[X], [V], [I] au titre de la perte du droit de présentation, une indemnité principale de 1 111 788 euros ; que le montant de cette offre résulte de l'application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2011-361 du 1er avril 2011 qui précise : « Le montant de l'offre correspondant à l'indemnisation de la perte du droit de présentation est calculé en prenant pour base la moyenne entre, d'une part, la recette nette moyenne des cinq derniers exercices comptables dont les résultats sont connus de l'administration fiscale à la date de la publication de la loi et, d'autre part, trois fois le solde moyen d'exploitation des mêmes exercices. La recette nette est égale à la recette encaissée par l'office, retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le compte des clients et des honoraires rétrocédés. Le solde d'exploitation est égal aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices, augmentées des frais financiers et des pertes diverses et diminuées du montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des impôts » ; que les années considérées par la commission sont les années 2006 à 2010 ; que de son côté, la SCP se référant aux usages de la profession lors des cessions d'études d'avoués dans toute la France, demande que l'indemnité soit fixée selon la méthode des produits demi-nets ; que la méthode à partir du produit « demi-net » consiste à retenir les recettes totales (produits bruts) desquelles sont déduits les loyers, les salaires et cotisations sociales (hors associés) et la taxe professionnelle, et d'appliquer à ce « produit demi-net », un multiplicateur censé refléter les conditions économiques locales ; qu'ici, la SCP demande l'application d'un multiplicateur de 2,16 ¿ soit selon elle, le multiplicateur moyen des cessions opérées dans la cour d'appel de Caen entre 1999 et 2003 ; que la SCP [S]-[X], [V] et [I] accepte que les années de référence soient les années 2006 à 2010 ; que les parties s'accordent dont pour considérer que selon la méthode choisie, le montant de l'indemnité principale ressort comme suit : -selon la méthode prescrite par le décret du 1er avril 2011 : 1 111 788 euros, -selon la méthode dite des produits demi-nets : 1 208 777 euros (soit 550 619 euros de produits demi-nets affectés du coefficient multiplicateur de 2,16) ; que l'une et l'autre ont vocation à déterminer la valeur vénale du droit de présentation ; que pour fixer l'indemnité, le juge de l'expropriation est libre d'adopter la méthode d'évaluation qui lui paraît la plus appropriée ; qu'en l'espèce, il est admis que la valorisation du droit de présentation (« finance » de l'office) n'était soumise à aucune règle ; que seule prévalait la loi de l'offre et de la demande, les parties ¿ le cédant et le cessionnaire, déterminant librement entre elles, le montant de cette finance ; que le Garde des sceaux ne pouvait s'opposer à cette volonté commune que si le prix lui paraissait « anormal » au regard des usages de la profession et des circonstances économiques locales ; que quand bien même la chancellerie, dans une circulaire du 26 juin 2006 a pu suggérer un ajustement de la méthode de valorisation en usage, soit la méthode des produits demi-nets, il est constant que les cessions d'offices d'avoués ont dans leur écrasante majorité, été valorisées selon la méthode dite du produit demi-net ; que par une attestation en date du 6 décembre 2011, la présidente de la chambre des avoués près la cour d'appel de Caen, Mme [L] [F] atteste que « sur les 12 dernières années les cessions des études d'avoués près la cour d'appel de Caen ont été réalisées selon la méthode d'évaluation des produits demi-nets avec application d'un coefficient oscillant entre 2,02 et 2,30, soit un coefficient moyen de 2,16 » ; que ces cessions dans le ressort de la cour d'appel de Caen ont été contrôlées et acceptées par le parquet ; que l'indemnité due à la SCP doit être fixée à hauteur de la somme qu'elle aurait perçue si elle avait cédé son droit de présentation dans le cadre d'une cession ordinaire ; que dans la mesure où aucune méthode ne s'impose comme reflétant plus justement la valeur de ce droit de présentation, dans la mesure où les usages professionnels qui recourent à la méthode du produit demi-net sont avérés et n'ont pas été contestés en leur temps par la Chancellerie, dans la mesure où l'office de la SCP [S]-[X], [V] et [I] ne présente aucune caractéristique défavorable ¿ le volume de son activité depuis de nombreuses années est soutenu et cohérent, il représente plus de 40 % de l'activité de la cour d'appel de Caen, il convient de retenir la méthode proposée par la SCP, étant observé que le juge de l'expropriation retient de manière générale la méthode qui se révèle la plus favorable à l'exproprié ; que l'indemnité due au titre de la perte du droit de présentation est dès lors fixée à la somme de 1 208 777 euros (jugement, p. 17) ;

1°) ALORS QUE la méthode d'évaluation de la perte du droit de présentation, prévue par l'article 6 du décret n° 2011-361 du 1er avril 2011 relatif aux modalités de l'indemnisation prévue par la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, s'impose au juge de l'expropriation saisi d'un recours contre l'offre faite en application de ces dispositions par le FIDA ; qu'en s'estimant libre de choisir la méthode d'évaluation qui lui apparaît la plus appropriée, la cour d'appel a violé l'article 6 de ce décret ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions, le FIDA faisant valoir que l'application de la méthode d'évaluation dite du produit demi-net pour fixer le montant de l'indemnité au titre de la perte du droit de présentation entraîne une rupture d'égalité entre les avoués ayant accepté l'offre de la commission d'indemnisation et ceux l'ayant refusée ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé à la date du jugement entrepris l'indemnité due par le Fonds d'indemnisation des avoués à la SCP [S]-[X], [V], [I] représentée par ses liquidateurs amiables au titre de la suppression de la profession des avoués, à la somme de 1 369 083 euros, dont la somme de 119 728 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

AUX MOTIFS QUE le renvoi par le législateur de l'indemnisation de l'avoué au juge de l'expropriation n'implique pas que la charge d'avoué ait fait l'objet d'une expropriation mais seulement que le législateur a choisi de retenir le régime d'indemnisation applicable en matière d'expropriation ; que s'agissant de l'indemnisation de la perte du droit de présentation, les textes applicables en matière d'expropriation, auxquels renvoie la loi, prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi, calculée à partir de l'indemnité principale, destinée à couvrir les frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature ; qu'il est admis en matière d'expropriation qu'il n'est pas nécessaire de justifier le remploi et que l'indemnité est due au cas même où, en raison de sa nature particulière, le bien ne serait pas susceptible de remplacement ; que cette indemnité directement complémentaire de l'indemnité principale, car calculée en fonction du montant de celle-ci, est due également en cas de cessation d'activité ; qu'il suffit, comme en l'espèce, de ne pas se trouver dans un cas d'exclusion prévue par l'article R. 13-46 du code de l'expropriation ; qu'il n'est pas contestable que la réforme de la représentation devant les cours d'appel, aboutissant à la suppression de la profession d'avoué, impose aux anciens avoués de se réorganiser, le cas échéant de changer de locaux par suite de réduction de personnel, de matériels, de support sur les plans matériel et juridique et de supporter des charges fiscales, le Parlement ayant en définitive supprimé les exonérations fiscales et sociales prévues par le Sénat ; que la cour approuve et fait sien le calcul fait par le premier juge évaluant, comme en matière d'expropriation de fonds de commerce, à la somme de 119 728 euros, cette indemnité de remploi ; qu'il convient de confirmer la décision de première instance sur ce point (arrêt, p. 18) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article R. 13-46 du code de l'expropriation applicable à l'indemnisation des avoués en vertu des dispositions de la loi du 25 janvier 2011, « L'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale. Toutefois, il ne peut être prévu de remploi si les biens étaient notoirement destinés à la vente, ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique (¿) » ; que le commissaire au gouvernement ne peut refuser cette indemnité de remploi au motif que les avoués, par définition, ne pourront acquérir un bien similaire à celui qu'ils ont perdu ; que d'une part, l'indemnité de remploi est accordée par le juge de l'expropriation quand bien même il n'y a pas de remploi effectif de l'indemnité dans l'acquisition d'un bien similaire à celui d'un exproprié, l'exproprié n'étant pas tenu de justifier de ce remploi ; que d'autre part, des frais seront exposés pour l'acquisition d'une clientèle d'avocat ou pour tout autre bien de nature professionnelle ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire exception pour les avoués dans l'allocation de l'indemnité de remploi ; que le législateur a entendu au contraire, conforté dans ce sens par le Conseil constitutionnel, confier au juge de l'expropriation la fixation de l'indemnité due aux avoués en appliquant les dispositions du code de l'expropriation, alors que les titulaires d'offices ministériels ou professions réglementées (avoués auprès des tribunaux de grande instance, commissaires-priseurs, courtiers, interprètes maritimes, etc¿.) ont été bénéficiaire d'une indemnité forfaitaire sans recours au juge de l'expropriation et aux dispositions du code de l'expropriation ; que le taux retenu en matière d'expropriation en matière de fonds de commerce est ici retenu, soit une indemnité de remploi, calculée sur la seule indemnité principale, celle correspondant à la valeur de l'office, à hauteur de 5% jusqu'à 23 300 euros et 10% sur le surplus ; que l'indemnité de remploi est fixée comme suit : 5% jusqu'à 23 000 euros = 1 150 euros, 10% sur le solde (1 208 777 ¿ 23 000) = 118 578 euros, total : 119 728 euros ;

1°) ALORS QU'en vertu de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution du 4 octobre 1958, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles ; que selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-264 DC du 20 janvier 2011, seule la réparation du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation doit être intégralement réparée par le juge de l'expropriation, dans la limite de la valeur des offices (pt. 20), à l'exclusion, notamment, de tous préjudices accessoires toutes causes confondues au préjudice constitué par la perte du droit de présentation (pt. 24) ; qu'en accordant néanmoins à la SCP [S]-[X], [V], [I] une indemnité de remploi, en réparation d'un préjudice accessoire au préjudice constitué par la perte du droit de représentation, la cour d'appel a méconnu l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel en violation de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, ensemble l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 ;

2°) ALORS QUE selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-264 DC du 20 janvier 2011, la suppression du privilège professionnel dont jouissent les avoués ne constitue pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il s'ensuit, ainsi que l'a constaté la cour d'appel, que le renvoi par le législateur au juge de l'expropriation pour l'indemnité au titre de la perte du droit de présentation n'implique pas que la charge de l'avoué ait fait l'objet d'une expropriation ; qu'en accordant néanmoins à la SCP [S]-[X], [V], [I] une indemnité de remploi motif pris que les textes applicables en matière d'expropriation prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi destinée à couvrir les frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature sans qu'il soit nécessaire de justifier le remploi et qui est due au cas même où le bien ne serait plus susceptible de remplacement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 ;

3°) ALORS QUE le renvoi par l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 au juge de l'expropriation pour la fixation de l'indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation n'implique pas un renvoi au droit commun de l'expropriation ; qu'en accordant à la SCP [S]-[X], [V], [I] une indemnité de remploi motif pris que les textes applicables en matière d'expropriation prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi, la cour d'appel a violé le texte précité.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé à la date du jugement entrepris l'indemnité due par le FIDA à la SCP [S]-[X], [V], [I] représentée par ses liquidateurs amiables au titre de la suppression de la profession des avoués, à la somme de 1 369 083 euros, notamment au titre des frais d'archivage et des charges ordinales ;

AUX MOTIFS QU'il convient également de prendre en considération les charges occasionnés par la loi, pour lesquelles la commission d'indemnisation a fait des propositions ; que le fait qu'elles aient été refusées n'interdit pas d'en tenir compte à titre d'élément d'appréciation ; que la SCP justifie ainsi des charges suivantes directement liées à la suppression du droit de présentation : -frais d'archivage : 26 178 euros, -charges ordinales : 14 400 euros ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la demande au titre des frais d'archivage : au vu du devis en date du 15 décembre 2011 de la société IRON MOUNTAIN il est alloué au titre des frais d'archivage, la somme de 26 178 euros, étant observé qu'à ce titre, l'offre de la Commission nationale d'indemnisation des avoués était supérieure pour s'élever à 27 795 euros ; sur la demande au titre des charges ordinales : la Commission nationale d'indemnisation des avoués a proposé au titre des « conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre nationale des avoués », une somme de 14 400 euros soit 4 800 par associés ; qu'il convient de retenir ce préjudice à hauteur de la demande, soit 14 400 euros ;

1°) ALORS QU'en vertu de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution du 4 octobre 1958, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles ; que selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-264 DC du 20 janvier 2011, seule la réparation du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation doit être intégralement réparée par le juge de l'expropriation, dans la limite de la valeur des offices (pt. 20), à l'exclusion, notamment, de tous préjudices accessoires toutes causes confondues au préjudice constitué par la perte du droit de présentation (pt. 24) ; qu'en accordant néanmoins à la SCP [S]-[X], [V], [I] une indemnité au titre des frais d'archivage, en réparation d'un préjudice accessoire à la perte du droit de présentation, la cour d'appel a méconnu l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel susvisé et violé l'article de la Constitution susvisé, ensemble l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ;

2°) ALORS QU'en vertu de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution du 4 octobre 1958, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles ; que selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-264 DC du 20 janvier 2011 l'indemnisation de tous préjudices accessoires toutes causes confondues au préjudice constitué par la perte du droit de présentation qui était prévue par l'article 13 de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel avant sa promulgation est contraire à la Constitution ; qu'en accordant néanmoins à la SCP [S]-[X], [V], [I] une indemnité au titre des charges ordinales, en réparation d'un préjudice accessoire à la perte du droit de présentation, la cour d'appel a méconnu l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel susvisé et violé l'article de la Constitution susvisé, ensemble l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel.

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