13 juillet 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-40.209

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01657

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - code du travail - articles l. 1233-1 et l. 1233-3 à l. 1233-7 - incompétence négative du législateur - egalité devant la loi - liberté d'entreprendre - dispositions déjà déclarées conformes - changement de circonstances - défaut - caractère sérieux - défaut - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel

Texte de la décision

SOC.

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTIONS PRIORITAIRES
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 13 juillet 2016




RENVOI DE LA PREMIÈRE QPC ET NON-LIEU A RENVOI DE LA SECONDE QPC


M. FROUIN, président



Arrêt n° 1657 FS-P+B

Affaire n° M 16-40.209





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le jugement rendu le 28 avril 2016 par le conseil de prud'hommes d'Amiens (section industrie), transmettant à la Cour de cassation les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 2 mai 2016, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

la société Goodyear Dunlop Tires France, dont le siège est [...] ,

En presence de :

- la société Goodyear Dunlop Tires operations, société anonyme, dont le siège est [...] ),

- la société Goodyear Dunlop Tires Europe BV, société anonyme, dont le siège est [...] ),

D'autre part,

M. V... H..., domicilié [...] , et sept cent soixante et onze autres salariés,

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 juillet 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Sabotier, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, Mmes Geerssen, Lambremon, MM. Chauvet, Maron, Déglise, Mmes Reygner, Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Mariette, Salomon, Depelley, Duvallet, M. Le Corre, Mme Prache, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société Goodyear Dunlop Tires France, l'avis de Mme Berriat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu qu'attraite en justice par sept cent soixante-douze salariés qu'elle avait licenciés pour motif économique, la société Goodyear Dunlop tires France a soulevé devant le conseil de prud'hommes deux questions prioritaires de constitutionnalité ;

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article L. 1235-3, alinéa 2, du code du travail visant à octroyer au salarié, licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, lorsque le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, porte-t-il atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe d'égalité devant la loi et à la liberté d'entreprendre ? » ;

Attendu que les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige ;

Attendu que la disposition contestée a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2007-561 DC rendue le 17 janvier 2008 par le Conseil constitutionnel ; que cependant, la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-715 DC du 5 août 2015 constitue un changement des circonstances de droit qui justifie le réexamen de la disposition législative critiquée ;

Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux, en ce que le traitement différencié des entreprises selon leur taille pour l'indemnisation du préjudice subi par leurs salariés, qui résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail, est susceptible de méconnaître le principe d'égalité devant la loi ;

D'où il suit qu'il y a lieu de renvoyer la première question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

Sur la seconde question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les articles L. 1233-1 et L. 1233-3 à L. 1233-7 du code du travail portent-ils atteinte, dans leur ensemble, aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment à l'article 34 de la Constitution, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle ? » ;

Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige ;

Mais attendu, d'abord, que les articles L. 1233-3 à L. 1233-7 du code du travail ont déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2001-455 DC rendue le 12 janvier 2002 par le Conseil constitutionnel pour ce qui concerne l'article L. 321-1 modifié par l'article 108 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 et recodifié aux articles L. 1233-3 à L. 1233-4, et dans les motifs et le dispositif de la décision n° 89-257 DC rendue le 25 juillet 1989 par le Conseil constitutionnel pour ce qui concerne l'article L. 321-1-1 modifié par l'article 25-II de la loi n° 89-549 du 2 août 1989 et recodifié aux articles L. 1233-5 à L. 1233-7 ; qu'aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait n'est depuis intervenu qui, affectant la portée des articles L. 1233-3 à L. 1233-7 critiqués, en justifierait le réexamen ;

Attendu, ensuite, que les dispositions de l'article L. 1233-1 du code du travail, dont l'objet se borne à définir les employeurs auxquels sont applicables les dispositions relatives au licenciement économique, et celles de l'article L. 1233-4-1, dont l'objet est de garantir l'effectivité du droit au reclassement du salarié, lequel découle de l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté pour partie hors du territoire national, ne heurtent aucun des principes constitutionnels invoqués ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la seconde question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la première question prioritaire de constitutionnalité ;

DIT N'Y AVOIR LIEU DE LUI RENVOYER la seconde question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille seize.

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