14 septembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-86.918

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:CR04561

Texte de la décision

N° M 15-86.918 F-D

N° 4561




14 SEPTEMBRE 2016

SL





NON LIEU À RENVOI







M. GUÉRIN président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le quatorze septembre deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoire spécial reçu le 22 juin 2016 et présenté par :


-
M. K... S..., partie civile,


à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 29 septembre 2015, qui a prononcé sur une requête en rectification d'erreur matérielle ;









Vu les observations produites ;

Attendu que les questions prioritaires de constitutionnalité sont ainsi rédigées :

1) dire "si les dispositions de l'article 7de la loi n°91-647 du I0 juillet 1991, en ce qu'elles ne délimitent pas l'attitude que doivent adopter les bureaux d'aide juridictionnelle, pour ne pas examiner de manière détaillée l'affaire ou le pourvoi en cassation objet de la demande, ni ne délimitent les éléments permettant de justifier que l'action est manifestement irrecevable ou mal fondée, le pourvoi en cassation dépourvu de tout moyen de cassation sérieux, sont conformes à l'obligation de clarté posée à l'article 34 de la Constitution de 1958" ;

2) dire "si les dispositions de l'article 7 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en ce que les bureaux d'aide juridictionnelle (leur président et vice-président statuant seul) les interprètent comme ne leur imposant pas d'expliquer en quoi ils considèrent que l'action ou le pourvoi en cassation objet de la demande, est manifestement irrecevable, dénué de fondement, ou de moyen sérieux de cassation (ce qui ne permet pas au justiciable de contester efficacement leurs décisions), sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

3) dire "si les dispositions de l'article 7 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en ce que les bureaux d'aide juridictionnelle (leur président et vice-président statuant seuls) les interprètent comme leur permettant de remettre en cause une précédente décision (qui n'a pas estimé la demande manifestement irrecevable ou mal fondée, le pourvoi en cassation dénué de moyen sérieux) en la rejetant comme manifestement irrecevable, dénuée de fondement, ou de moyen sérieux de cassation, sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

4) dire "si les dispositions du dernier alinéa de l'article 7 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en ce qu'elles ne prévoient pas le remboursement intégral des frais engagés par le demandeur à l'aide juridictionnelle qui s'est vu opposer un rejet, rendu mal fondé par la décision de la juridiction statuant sur l'affaire, sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

5) dire "si les dispositions de l'article 22 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en ce qu'elles sont interprétées par les présidents des bureaux d'aide juridictionnelle, comme leur autorisant à rejeter seul, des demandes pour des raisons autres que celles qu'elles édictent, sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

6) dire " si les dispositions de l'article 22 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en ce qu'elles permettent au magistrat président d'un bureau d'aide juridictionnelle de statuer sur une demande sans que le demandeur ait la possibilité de solliciter sa récusation, sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

7) dire "si les dispositions de l'article 22 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, en ce qu'elles ne définissent pas précisément l'identité du vice-président du bureau qui a le pouvoir de statuer seul sur une demande, sont conformes à l'obligation de clarté posée par l'article 34 de la Constitution de 1958" ;

8) dire "si les dispositions de l'article 23 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en ce qu'elles ne prévoient pas un recours contradictoire, sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

9) dire " si les dispositions de l'article 23 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en ce qu'elles sont interprétées par les autorités de recours, comme leur permettant lorsqu'ils relèvent que la décision justifiée par des motifs autres que les dispositions de l'article 7de la loi du 10 juillet 1991, est mal fondée, comme leur autorisant de rejeter la demande au visa de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 en lieu et place du bureau (de son président ou de son vice-président), ce, sans possibilité de recours pour le justiciable, sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

10) dire si "les dispositions de l'article 23 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, qui ne permettent aucun recours contre l'ordonnance statuant sur recours (alors même que les dispositions de l'article 7 reconnaissent qu'une telle décision peut être mal fondée), alors que les autorités telle la Cour de cassation, s'accordent le droit de contester et de refuser d'appliquer une telle décision, et alors que son bénéficiaire n'a aucun moyen d'en demander l'exécution effective, sont conformes aux droits à un procès équitable et à un recours effectif, tels que garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789" ;

Attendu que les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure en ce que la demande d'aide juridictionnelle formée par le requérant dans le cadre de son pourvoi a été rejetée, et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ;

Attendu que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ; qu'il s'en déduit que les première et septième questions posées sont irrecevables ;

Attendu que tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une telle disposition, sous la réserve que cette jurisprudence a été soumise à la cour suprême compétente ; que les interprétations des dispositions des articles 7, 22 et 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique qu'auraient effectuées les bureaux d'aide juridictionnelle, leur président ou vice-président, ainsi que les autorités devant lesquelles leurs décisions peuvent être déférées, ne remplissent pas cette condition ; que, par conséquent, les deuxième, troisième, cinquième et neuvième questions posées ne sont pas recevables ;

Attendu que les quatrième, sixième, huitième et dixième questions, en ce qu'elles allèguent que les dispositions des articles 7, 22 et 23 de la loi susvisée méconnaissent les droits au recours effectif devant une juridiction et à un procès équitable garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789, ne présentent pas un caractère sérieux, dès lors qu'il n'est porté aucune atteinte à la substance même du droit d'accès à un tribunal ; qu'en effet, d'une part, le remboursement des frais, dépens et honoraires engagés par le demandeur auquel l'aide juridictionnelle n'a pas été accordée, à concurrence de l'aide juridictionnelle dont il aurait bénéficié compte tenu de ses ressources, lorsque le juge a fait droit à son action, tel qu'il est prévu par l'article 7, dernier alinéa de la loi du 10 juillet 1991, suffit à assurer le respect de ce droit ; que, d'autre part, la décision rendue par le président du bureau d'aide juridictionnelle, qui ne peut être récusé, dès lors qu'il n'exerce pas une fonction juridictionnelle, est susceptible de recours devant une autre autorité définie par l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, ce qui constitue une garantie légale substantielle ; qu'enfin, les principes de valeur constitutionnelle n'imposent pas qu'un tel recours, qui n'est pas de nature juridictionnelle et qui tend seulement à ce qu'il soit prononcé sur l'octroi ou non du bénéfice de l'aide juridictionnelle, fasse l'objet d'une procédure contradictoire, ni que la décision prise à la suite de ce recours puisse faire l'objet d'un nouveau recours ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DÉCLARE irrecevables les première, deuxième, troisième, cinquième, septième et neuvième questions prioritaires de constitutionnalité ;

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les autres questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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