28 septembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-40.235

Première chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2016:C101183

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION

CH.B




______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 28 septembre 2016




NON-LIEU A RENVOI


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1183 FS-D

Affaire n° Q 16-40.235







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le jugement rendu le 6 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue à la Cour de cassation le 7 juillet 2016, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

1°/ la société France télévisions-Antenne 2, dont le siège est [...] , prise en la personne de ses représentants légaux M. G... F... et Mme X... W...,

2°/ M. A... O..., domicilié [...] ,

3°/ Mme X... W..., domiciliée [...] ,

4°/ la société 17 Juin média production, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en la personne de son président M. R... M...,

D'autre part,

- Mme K... S..., domiciliée [...] ,

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 septembre 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Azar, conseillers référendaires, M. Cailliau, avocat général, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme W... et de la société 17 Juin média production, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société France télévisions Antenne 2, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme S..., l'avis de M. Cailliau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que Mme S... a assigné M. O... et Mme W..., ainsi que les sociétés France télévisions-Antenne 2 et 17 Juin média production, en indemnisation du préjudice résultant du rappel, dans une émission télévisée et dans des annonces de programmes, de sa condamnation, pour recel de malfaiteur, à six mois d'emprisonnement avec sursis, alors qu'elle était amnistiée par l'effet de l'article 7 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 et que l'article 26 de cette même loi interdisait qu'il en soit fait mention ; que la société 17 Juin média est intervenue volontairement à l'instance ; que M. O..., Mme W..., les sociétés France télévisions-Antenne 2 et 17 Juin média production ont soulevé l'inconstitutionnalité de l'article 26 de la loi précitée ;

Attendu que le tribunal a transmis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article 26 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie est-il contraire :

- à la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, compte tenu de la généralité de l'interdiction qu'il prévoit,
- au droit à un procès équitable, principe à valeur constitutionnelle, fondé sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et aux droits de la défense figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qu'il pose une présomption irréfragable de culpabilité de toute personne qui rappelle, sous quelque forme que ce soit, une condamnation pénale amnistiée ? » ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ; qu'elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Et attendu, en premier lieu, que la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Attendu, en second lieu, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux, d'abord, en ce que l'atteinte portée à la liberté d'expression apparaît nécessaire, adaptée, et proportionnée à l'objectif d'intérêt général de rétablissement de la paix politique et sociale poursuivi par la loi d'amnistie, dès lors qu'en permettant qu'il soit fait référence aux faits qui ont motivé la condamnation amnistiée, elle ne présente pas un caractère général et absolu, ensuite, en ce qu'aucune atteinte n'est portée au droit à un procès équitable et au respect des droits de la défense par l'incrimination ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille seize.

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