18 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-84.940

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CR05159

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Droit pénal - Autre - Code pénal - Articles 431-3, alinéa 1, et 431-4, alinéa 1 - Liberté de manifestation - Droit d'expression collective des idées et des opinions - Incompétence négative - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

N° M 15-84.940 F-P+B

N° 5159


18 OCTOBRE 2016

SL


NON LIEU À RENVOI



M. GUÉRIN président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 1er août 2016 et présentée par M. [V] [J], à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 1er juillet 2015, qui, pour participation sans arme à un attroupement après sommation de se disperser et violence aggravée, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'un travail d'intérêt général ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;


Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

"les dispositions de l'article 431-3, alinéa 1, et 431-4, alinéa 1, du code pénal, qui permettent à des autorités administratives de dissiper un rassemblement sur la voie publique dès lors qu'elles estiment qu'il est susceptible de troubler l'ordre public et qui exposent à une sanction pénale toute personne non armée qui n'obtempérerait pas à l'ordre de se disperser, portent-elles une atteinte disproportionnée, d'une part, à la liberté de manifestation, d'autre part, au droit d'expression collective des idées et des opinons, et, en tout cas, faute d'un encadrement suffisant, caractérisent-elles l'incompétence négative du législateur affectant ces droits et libertés que la Constitution garantit ?" ;

Attendu que les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;

Qu'en effet, d'une part, les dispositions des articles 431-3, alinéa 2, du code pénal, et L. 211-9 du code de la sécurité intérieure, auxquelles renvoient les articles 431-3, premier alinéa, du code pénal et 431-4, premier alinéa, du même code, ont acquis rétroactivement une valeur législative par l'effet de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, qui les a ratifiées ;

D'où il suit que le grief pris d'une méconnaissance, par le législateur, de sa compétence, est sans objet ;

Que, d'autre part, l'ensemble des textes visés dans la question, dont le premier définit l'attroupement comme un rassemblement de personnes susceptible de troubler l'ordre public et le second réprime la participation d'une personne, sans arme, à un tel attroupement après les sommations de se disperser, prévues par le second alinéa de l'article 431-3 et l'article L. 211-9 précités, sont suffisamment clairs et précis pour que leur interprétation, qui entre dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque d'arbitraire ;

Qu'enfin, les dispositions contestées, en ce qu'elles incriminent la méconnaissance d'une injonction de dispersion d'un attroupement adressée par les représentants de la force publique, dans l'exercice de leurs pouvoirs de police administrative, dont l'objet est de concilier la prévention des atteintes à l'ordre public, nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle, et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, dont la liberté individuelle, la liberté de manifester et le droit d'expression collective des idées et opinions, ne méconnaissent pas le principe selon lequel l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle, dès lors qu'il revient à celle-ci, en dernier lieu, de s'assurer que le rassemblement a le caractère d'un attroupement au sens précité, de sorte que le juge saisi de poursuites pénales doit vérifier l'effectivité du risque de trouble à l'ordre public créé par le rassemblement ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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