20 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-28.904

Troisième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2016:C301144

Texte de la décision

CIV. 3

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2016




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1144 FS-D

Pourvois n°H 14-28.904
K 15-17.342JONCTION









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Statuant sur le pourvoi n° H 14-28.904 formé par :

1°/ la société Hobby, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ Mme [E] [C], domiciliée [Adresse 2],

contre un arrêt rendu le 9 octobre 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (11e chambre B), dans le litige les opposant à M. [T] [H], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de tuteur de Mme [K] [O] veuve [M],

défendeur à la cassation ;

II - Statuant sur le pourvoi n° K 15-17.342 formé par :

1°/ la société Hobby, société à responsabilité limitée,

2°/ Mme [E] [C],

contre le même arrêt rendu dans le litige les opposant à M. [V] [G], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de tuteur de Mme [K] [O] veuve [M],

défendeur à la cassation ;

Les demanderesses aux pourvois invoquent, à l'appui de chacun de leurs recours, un moyen unique identique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 septembre 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Brenot, MM. Echappé, Parneix, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, M. Barbieri, Mme Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Corbel, Meano, Collomp, M. Jariel, Mme Djikpa, conseiller référendaires, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Hobby et de Mme [C], l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n° H 14-28.904 et K 15-17.342 ;

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 145-1 et R. 201-5 du code de commerce, ensemble l'article 1843 du code civil ;

Attendu que, pour dire que l'apport du droit au bail était inopposable à la bailleresse, que le congé délivré à Mme [C] était valable et la société Hobby dénuée de titre d'occupation, l'arrêt retient que, si l'article 1690 du code civil n'impose aucun délai pour effectuer la signification de l'apport de droit au bail, la signification effectuée au mois de mars 2012 par Mme [C] ne saurait produire effet dès lors qu'à cette date celle-ci n'était plus en mesure de procéder à la cession en raison de la validité du congé pour défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés qui lui avait été délivré le 12 août 2005 ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la société Hobby, selon statuts signés et enregistrés le 18 mai 2000, avait, par acte déclaratif, repris les engagements souscrits pour son compte par Mme [C], de sorte qu'elle était réputée bénéficiaire d'un bail commercial depuis le 1er novembre 1997 et qu'à la date du congé délivré par le bailleur, cette société était immatriculée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne MM. [H] et [G], ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. [H] et [G], ès qualités, à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme [C] et la société Hobby ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen identique produit aux pourvois n° H 14-28.904 et K 15-17.342 par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Hobby et Mme [C]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé la cession ou l'apport de droit au bail de Mme [E] [C] à la société Hobby inopposable à la bailleresse, d'avoir, en conséquence, jugé que la société Hobby n'était pas titulaire d'un bail commercial sur les locaux litigieux, d'avoir ordonné l'expulsion de la société Hobby et de tous occupants de son chef et d'avoir condamné Mme [E] [C] et la société Hobby au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel jusqu'à la libération effective des lieux, en deniers ou en quittance ;

AUX MOTIFS QUE les appelants se prévalent du non-respect de la clause qui subordonne la transmission du droit au bail à l'autorisation expresse préalable et écrite du bailleur ; la clause intitulée « cession-sous-location » insérée dans les baux des 7 janvier 1998 et 1er mars 2001 stipule plus précisément « compte tenu du caractère précaire et saisonnier de la présente location le preneur ne pourra en aucun cas céder son droit au présent bail ni en faire apport à une société sans autorisation expresse préalable et par écrit du bailleur ; que l'accord du bailleur en cas de cession du droit au bail n'est requis qu'en raison, expressément mentionnée, du caractère précaire et saisonnier de la location, le bail ayant été requalifié à raison précisément de ce que les baux avaient été à tort qualifiés de précaire et de saisonnier, la clause précitée a été réduite à néant ; le bailleur n'est en outre pas fondé à invoquer contre l'occupant la clause régulatrice du droit de cession insérée dans des conventions successives qui ont été déclarées irrégulières ; que Mme [M] fait en revanche valoir que les formalités prévues par l'article 1690 du code civil n'ont pas été respectées de sorte que la cession du droit au bail en dehors de la présence ou de l'agrément du bailleur lui est inopposable ; que les intimées objectent que l'accomplissement des formalités prévues par l'article 1690 du code civil ne s'impose pas pour rendre la cession du droit au bail opposable au propriétaire des lors que ce dernier a non seulement eu connaissance de cette cession mais qu'il l'a acceptée également sans équivoque ; que les premiers juges ont répertoriés les éléments produits par la société Hobby depuis l'arrêt du 7 février 2008 au soutien de son affirmation que le bail commercial de Mme [E] [C] lui a été transmis rappelant ainsi que la société Hobby a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 15 mai 2000 avec comme siège sociale et lieu du principal établissement le [Adresse 4] ; que la société a fait l'objet d'une immatriculation secondaire le 5 octobre 2000 d'une immatriculation secondaire au registre du commerce d'Antibes avec la même adresse et pour adresse de l'établissement secondaire [Adresse 3] où se situent les locaux litigieux ; que les statuts de la société Hobby signés le 18 avril 2000 et enregistrés comportent en annexe un état des actes accomplis pour le compte de la société en formation avant la signature des statuts, qu'il mentionnent à la date de leur signature que Mme [C] déclare avoir passé avoir passé pour le compte de la société en formation notamment un bail commercial de courte durée pour le local situé [Adresse 5] consenti jusqu'au 31 janvier ; Mme [K] [M], représentée, objecte cependant à juste titre que pour se prévaloir de la reprise des actes passés pour le compte de la société en formation, Mme [E] [C] doit avoir agi non seulement pour le compte de cette dernière, mais encore avoir formellement agi en ce sens ; or Mme [E] [C] a conclu les baux dérogatoires en son nom personnel sans jamais mentionner l'existence de la société Hobby ; Mme [M] représentée fait précisément observer que le bail signé le 1er mars 2001, soit postérieurement à la constitution de la société Hobby a encore été conclu par Mme [E] [C] en son nom personnel ; que les intimées se prévalent de ce que Mme [K] [M] a encaissé les loyers versés dans un premier temps par Mme [E] [C] puis par la société Hobby sans émettre aucune contestation ou interpeller l'auteur de ces versements sur le fondement juridique de ces derniers ; que pour autant, si la cession peut être l'objet d'une acceptation tacite de la part du bailleur notamment par la délivrance de quittances de loyer, cette acceptation doit être dénuée d'équivoque ; que sont uniquement produites les quittances d'indemnités d'occupation qui ne peuvent être regardées comme traduisant l'acceptation dénuée d'équivoque de la part du bailleur de la cession opérée et de considérer la société Hobby comme sa locataire ; que le fait que la société Hobby ait effectuée des paiements de loyers ne saurai d'avantage en l'absence d'acte positif de Mme [K] [M] caractériser l'acceptation dénuée d'équivoque requise ; que si l'article 1690 du code civil n'impose aucun délai pour effectuer la signification de l'apport de droit au bail, la signification effectuée au mois de mars 2012 par Mme [E] [C] ne saurait produire d'effet dès lors qu'à cette date celle-ci n'était plus en mesure de procéder à la cession en raison de la validité du congé délivré ;

1°) ALORS QUE le preneur à bail commercial est libre, en l'absence de clause contraire, de céder son bail ; que l'apport d'un droit au bail à une société constitue une cession de bail ; qu'en l'espèce, Mme [C], titulaire du droit au bail commercial depuis le 1er novembre 1997, ainsi que cela a été jugé par arrêt irrévocable du 7 février 2007, a apporté ce droit au bail à la société unipersonnelle Hobby qu'elle a constituée, ainsi que le mentionnent les statuts du 18 avril 2000 ; que la cour d'appel a énoncé, pour remettre en cause cette cession de bail, que Mme [C] aurait dû préciser agir pour le compte de la société (arrêt, p. 7 § 8) lors de la signature du bail du 1er mars 2001 (arrêt, p. 7 avant dernier §) ; que cependant, la cession de droit au bail réalisée le 18 avril 2000 ne pouvait être remise en cause par la signature postérieure par Mme [C] de la convention précaire irrégulière du 1er mars 2001 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier sa décision, la cour d'appel a violé l'article 1717 du code civil ;

2°) ALORS QUE la cession du droit au bail est opposable au bailleur quelle que soit la date à laquelle elle est réalisée, lorsque les formalités de l'article 1690 ont été accomplies ; qu'en l'espèce, Mme [C] et la société Hobby faisaient valoir que la cession de droit au bail intervenue le 18 avril 2000 avait été signifiée par actes d'huissier des 14 février, 22 et 30 mars 2012 aux bailleurs ; que pour juger que ces actes ne pouvaient produire d'effets et n'avaient pas rendu opposable aux bailleurs la cession de bail intervenue, la cour d'appel a énoncé qu'à la date des significations de la cession Mme [C] n'était plus, du fait du congé délivré le 12 août 2005, « en mesure de procéder à la cession » (arrêt, p. 8 § 6) ; qu'il résultait de ces constatations que seules les significations de la cession de bail étaient intervenues postérieurement à la délivrance du congé, et non la cession elle-même, qui était intervenue le 18 avril 2000 ; qu'en retenant cependant que les significations n'avaient pu rendre la cession opposable aux bailleurs, la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et a violé l'article 1690 du code civil ;

3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la cession de bail est opposable au bailleur même en l'absence des formalités de signification lorsque le bailleur a manifesté, sans équivoque son intention d'agréer le cessionnaire ; qu'en l'espèce, Mme [C] et la société Hobby faisaient valoir que la société Hobby avait procédé au paiement des loyers depuis la date de sa création, en 2000, et que les bailleresses avaient fait signifier le 9 avril 2014 un commandement de payer à la société Hobby, visant le bail commercial et l'extrait du compte locataire de la société Hobby et précisant qu'à défaut de paiement, le bail serait résilié de plein droit ; qu'en signifiant ce commandement de payer à la société Hobby, prise en sa qualité de locataire, en visant le contrat de bail et en mentionnant qu'à défaut de paiement ce bail serait résilié de plein droit, les bailleurs avaient agréé sans équivoque la société Hobby et ils ne pouvaient donc pas se prévaloir de l'absence de signification de la cession de bail ; qu'en se bornant à énoncer que le paiement d'indemnités d'occupation était insuffisant pour établir l'agrément du bailleur, sans rechercher, comme il lui était demandé (concl. p. 7), s'il résultait de ce commandement de payer l'agrément sans équivoque des bailleurs à la cession intervenue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1690 du code civil.

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