20 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-13.450

Troisième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2016:C301140

Texte de la décision

CIV.3

CGA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2016




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1140 FS-D

Pourvoi n° E 15-13.450







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [V] [M], domicilié [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 13 août 2014 par la cour d'appel de Douai (chambre 1 section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [U], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Mme [X] [I] épouse [U], domiciliée [Adresse 1],

défendeurs à la cassation ;

M. et Mme [U] ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 septembre 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Echappé, conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum conseiller doyen, Mme Brenot, M. Parneix, Mmes Andrich, Dagneaux, Provost-Lopin, M. Barbieri, Mme Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Corbel, Meano, Collomp, M. Jariel, Mme Djikpa, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Echappé, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [M], de Me Balat, avocat de M. et Mme [U], l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 août 2014), qu'en 2010, M. et Mme [U] ont acquis une parcelle AW[Cadastre 2], contigüe à la propriété de M. [M], et ont obtenu de leur vendeur une convention d'occupation précaire sur la parcelle voisine AW[Cadastre 1] ; que, dès 2008, M. [M] avait fait édifier sur ces deux parcelles en friche une clôture et un portail ; qu'en 2011, M. et Mme [U] l'ont assigné en démolition de ces ouvrages et en dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que l'exécution est poursuivie aux risques du créancier ; que celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir infirmé le jugement, assorti de l'exécution provisoire, en ce qu'il avait ordonné la démolition de la clôture édifiée par M. [M] sur la parcelle AW[Cadastre 1], a rejeté la demande de celui-ci tendant à être indemnisé des frais de démolition exposés en exécution de la décision de première instance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement, assorti de l'exécution provisoire, ayant été signifié à la requête de M. et Mme [U] à M. [M] le 21 août 2013, celui-ci était tenu de l'exécuter et que cette exécution était poursuivie aux risques du créancier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [M] tendant à être indemnisé des frais que lui a occasionnés la démolition de la clôture implantée sur la parcelle AW [Cadastre 1], l'arrêt rendu le 13 août 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. et Mme [U] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [U] et les condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [M], demandeur au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. [M] tendant à être indemnisé des frais que lui a occasionnés la démolition de la clôture en exécution de la décision de première instance

AUX MOTIFS QUE, sur la demande de M. et Mme [U] tendant à la condamnation sous astreinte de M. [M] à détruire la clôture et le portail qu'il a établis sur la parcelle AW [Cadastre 2] ainsi que sur la parcelle AW [Cadastre 1], la demande de M. et Mme [U] relative à la parcelle A W [Cadastre 1] ne peut prospérer sur le fondement des articles 544 et suivants du code civil, traitant du droit de propriété et de sa protection, dès lors que ceux-ci ne sont pas propriétaires de ladite parcelle ; que la convention d'occupation précaire dont ils bénéficient sur ce fonds ne les subroge nullement au propriétaire pour exercer les actions destinées à protéger son droit de propriété ; que, par ailleurs, l'article 2278 du code civil dispose que la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte et la menace ; qu'en vertu de l'article 1264 du code de procédure civile, les actions possessoires sont ouvertes dans l'année du trouble à ceux qui, paisiblement, possèdent ou détiennent depuis au moins un an ; que toutefois, l'action en réintégration contre l'auteur d'une voie de fait peut être exercée alors même que la victime de la dépossession possédait ou détenait depuis au moins un an ; que Monsieur et Madame [U], qui n'apportent pas la preuve de la date à laquelle Monsieur [M] a installé les ouvrages litigieux, ne réfutent pas l'affirmation de celui-ci selon laquelle cette installation est antérieure à la convention d'occupation précaire dont ils bénéficient depuis le 1er juillet 2010 ; que l'action qu'ils ont introduite devant le tribunal d'instance de Lille par acte du 11 juin 2011, qu'ils ont, comme cela vient d'être dit, expressément fondée sur les articles 544 et suivants du code civil et qu'ils maintiennent à titre principal sur ce fondement devant la cour, n'est pas une action en réintégration, que s'ils affirment que leurs fondements juridiques n'étaient pas limitatifs puisqu'ils visaient les articles 544 et suivants du code civil, ils ne peuvent sérieusement soutenir que cela incluait tous les articles suivants jusqu'à l'article 2278 inclus, ce qui n'aurait aucun sens, et que s'ils déclarent désormais fonder à titre subsidiaire leurs poursuites sur ce dernier fondement, c'est à bon droit que l'appelant soutient que cette action possessoire formée par conclusions signifiées le 23 avril 2014 est irrecevable au regard de l'article 1264, précité, du code de procédure civile ; qu'en revanche, il ressort des pièces versée aux débats, en particulier du plan et des photographies commentées produits par M. [M] lui-même (pièces 1 et 2, notamment 2g), que celui-ci a clôturé la butte située sur les parcelles AW [Cadastre 1] et [Cadastre 2], « pour sécuriser sa propriété » selon ses conclusions, et que cette clôture s'étend, au nord et à l'est, sur la parcelle AW [Cadastre 2], propriété des époux [U], et même coupe cette dernière, ce qui doit interdire l'accès à son extrémité en forme de triangle ; que c'est dès lors à juste titre, au moins en ce qui concerne la parcelle AW [Cadastre 2], que le premier juge a ordonné à M. [M] de retirer cette clôture et que le jugement doit être confirmé sur ce point ; que cela ne concerne pas le portillon qui, selon le constat de Me [T] du 4 novembre 2011, donne de la propriété de M. [M] sur la parcelle A [Cadastre 1] ; que l'ensemble des pièces du dossier révèlent que l'usage que fait M. [M] de parcelles qui ne lui appartiennent pas et le conflit de voisinage qui en résulte causent à M. et Mme [U] un préjudice de jouissance et moral indéniable, de sorte que le tribunal a légitimement fait droit à la demande de dommages et intérêts de ces derniers mais qu'il convient de majorer l'indemnité allouée par le premier juge qui ne constitue pas une réparation satisfaisante de ce préjudice ; que les considérations qui précèdent conduisent au rejet de la demande de dommages et intérêts de M. [M] comme de sa demande tendant à être indemnisé des frais que lui a occasionnés la démolition de la clôture en exécution de la décision de première instance ;

ALORS QUE l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge par lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables ; qu'en rejetant la demande de M. [M] tendant à être indemnisé des frais que lui avait occasionnés la démolition de la clôture en exécution de la décision de première instance, quand elle a infirmé cette décision en ce qu'elle avait ordonné, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la démolition de la clôture installée sur la parcelle AW186, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. [M] à payer à M. et Mme [U] la somme de deux mille cinq cents euros (2.500) à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'ensemble des pièces du dossier révèlent que l'usage que fait M. [M] de parcelles qui ne lui appartiennent pas et le conflit de voisinage qui en résulte causent à M. et Mme [U] un préjudice de jouissance et moral indéniable, de sorte que le tribunal a légitimement fait droit à la demande de dommages et intérêts de ces derniers mais qu'il convient de majorer l'indemnité allouée par le premier juge qui ne constitue pas une réparation satisfaisante de ce préjudice ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'en outre, M. [M] sera condamné à payer aux époux [U] une somme de 1.000 € en réparation du préjudice subi par ceux-ci en raison de l'empiétement qui les prive de la jouissance d'une partie de leur bien ;

1) ALORS QUE la responsabilité civile délictuelle suppose une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux ; que l'état de nécessité exclut le caractère fautif de l'acte ; qu'en retenant la responsabilité de M. [M], sans rechercher, comme elle y était invitée, si celui-ci n'avait pas édifié cette clôture pour sécuriser sa propriété contre l'intrusion de personnes par la butte alors non clôturée, établissant l'état de nécessité sous l'emprise duquel il avait édifié la clôture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2) ALORS QUE la responsabilité civile délictuelle suppose une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux ; qu'en retenant l'existence d'un préjudice moral et de jouissance pour les époux [U], sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'existence de la clôture édifiée par M. [M], en 2008, ne leur était pas connue lors de l'acquisition de la parcelle AW [Cadastre 2] en 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U], demandeurs au pourvoi incident

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la démolition de la clôture aux frais de M. [M] mais uniquement en ce qui concerne la partie de cette clôture située sur la parcelle AW n° [Cadastre 2] ;

AUX MOTIFS QUE la demande de M. et Mme [U] relative à la parcelle AW [Cadastre 1] ne peut prospérer sur le fondement des articles 544 et suivants du code civil, traitant du droit de propriété et de sa protection, dès lors que ceux-ci ne sont pas propriétaires de ladite parcelle ; que la convention d'occupation précaire dont ils bénéficient sur ce fonds ne les subroge nullement au propriétaire pour exercer les actions destinées à protéger son droit de propriété ;

ALORS QU' en affirmant que la convention d'occupation précaire dont bénéficiaient M. et Mme [U] sur la parcelle AW n° [Cadastre 1] ne les subrogeait pas dans les droits du propriétaire pour exercer les actions destinées à protéger son droit de propriété (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 6), cependant que la convention en cause autorisait expressément les occupants précaires à clôturer la parcelle AW n° [Cadastre 1], ce dont il se déduit nécessairement que ceux-ci se trouvaient subrogés dans les droits du propriétaire pour faire respecter les limites de cette parcelle et étaient recevables à demander que M. [M] soit condamné à démonter la clôture édifiée sur celle-ci, la cour d'appel a dénaturé la convention d'occupation précaire du 12 juillet 2010 et a violé ce faisant l'article 1134 du code civil et le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

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