14 décembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-40.242

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:SO02392

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - relations collectives de travail - code du travail - articles l. 3121-38 à l. 3121-41 et l. 3121-43 à l. 3121-48 - interprétation jurisprudentielle constante - liberté d'entreprendre - liberté contractuelle - droit au maintien des conventions légalement conclues - droit de propriété - principe de garantie des droits - caractère sérieux - défaut - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel

Texte de la décision

SOC.

COUR DE CASSATION



JL


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 14 décembre 2016




NON-LIEU A RENVOI


M. FROUIN, président



Arrêt n° 2392 FS-P+B

Affaire n° X 16-40.242







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le jugement rendu le 22 septembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Lyon, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 30 septembre 2016, dans l'instance mettant en cause :

d'une part,

- la société SAS Acies Consulting Group, dont le siège est [...] ,

d'autre part,

1°/ M. G... R..., domicilié [...] ,

2°/ Mme U... B..., domiciliée [...] ,

3°/ Mme V... K..., domiciliée [...] ,

4°/ M. W... L..., domicilié [...] ,

5°/ M. P... N..., domicilié [...] ,

6°/ M. Q... I..., domicilié [...] ,

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 décembre 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Flores, conseiller référendaire rapporteur, M. Chollet, conseiller doyen, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, MM. Rinuy, Schamber, Ricour, Mme Van Ruymbeke, conseillers, M. Alt, Mmes Ducloz, Brinet, MM. David, Belfanti, Mme Ala, M. Duval, conseillers référendaires, M. Liffran, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Flores, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société SAS Acies Consulting Group, l'avis de M. Liffran, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

"Les dispositions de l'article L. 212-15-3 du code du travail, devenu articles L. 3121-38 et suivants du code du travail et plus spécialement les articles L. 3121-38 à L. 3121-41 relatifs à la mise en place des conventions de forfait et les articles L. 3121-43 à L. 3121-48 relatifs aux conventions de forfait en jours sur l'année dans leur rédaction applicable au litige et dans la portée qu'en retient la Cour de cassation, au regard d'une jurisprudence constante, en ce qu'elles sanctionnent par la nullité rétroactive les conventions de forfait en jours conclues en application d'un accord collectif qui ne serait pas de nature à garantir une amplitude et une charge de travail raisonnables et une bonne répartition dans le temps du travail du salarié ne sont-elles pas contraires au bloc de constitutionnalité et notamment à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et notamment :
- à la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
- à la liberté contractuelle et le droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues, découlant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
- au droit de propriété découlant des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789
Au surplus ces dispositions dans leur rédaction applicable au litige et dans la portée qu'en retient la Cour de cassation, au regard d'une jurisprudence constante, sont rétroactives et dès lors ne sont-elles pas contraires :
- à la garantie des droits imposés par l'article 16 de la Déclaration de 1789, en ce qu'elles s'appliquent à des contrats antérieurement conclus, sans qu'un intérêt général suffisant ne le justifie et mettent en cause les effets qui pouvaient en être légitimement attendus
- pour les mêmes raisons, au principe de liberté contractuelle, en tant qu'il implique le maintien de l'économie des conventions en cours légalement conclues, ce caractère s'appréciant à la date de leur conclusion (articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789)" ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 212-15-3, devenu L. 3121-38, du code du travail, telles qu'interprétées par la Cour de cassation à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne permettent de déroger aux règles relatives à la durée du travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, mettent en oeuvre l'exigence constitutionnelle du droit à la santé et au repos qui découle du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que la nullité vient sanctionner une convention individuelle de forfait en jours qui ne répond pas aux exigences légales ; que la portée donnée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation aux dispositions législatives critiquées ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise et ne méconnaît aucun des principes constitutionnels applicables invoqués ; que ces dispositions législatives, ainsi interprétées, ne mettant en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.

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