28 février 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-83.779

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CR00482

Texte de la décision

N° V 16-83.779 F-D

N° 482




28 FÉVRIER 2017

FAR





NON LIEU À RENVOI







M. GUÉRIN président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________






LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoire spécial reçu le 1er décembre 2016 et présenté par :


--
Mme Sandrine X... épouse Y...,
M. Patrick Y...,


à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 18 mai 2016, qui, dans l'information suivie contre M. Patrick Z..., Mme Paloma A... et M. Ioan B... des chefs d'exécution de travail dissimulé, prêt illicite de main d'oeuvre et marchandage, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant une saisie pénale ;




La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bonnal , conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bonnal, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;


Vu les observations produites ;

Attendu que les questions prioritaires de constitutionnalité sont ainsi rédigées :

1) "Les dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale sont-elles contraires à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce que la notion de «pièces de la procédure se rapportant à la saisie » mises à la disposition de l'appelant d'une ordonnance de saisie pénale n'est pas assez claire et précise pour connaître avec certitude les pièces de procédure qui seront effectivement soumises à un débat contradictoire devant la juridiction d'appel ?" ;


2) "Les dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale portent-elles atteinte aux droits de la défense, au principe du contradictoire et aux exigences du procès équitable résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que l'appelant dépourvu du statut de mis en examen ou de témoin assisté dispose seulement des pièces se rapportant à la saisie pour critiquer une ordonnance prise à la lumière de l'ensemble des pièces de la procédure, et qu'il se trouve, de surcroît, en situation d'infériorité par rapport au ministère public qui dispose, quant à lui, de l'ensemble de ces pièces ?" ;

3) "Les dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale portent-elles atteinte au droit à un recours effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce que le régime du recours contre l'ordonnance de saisie pénale ne permet pas à l'appelant dépourvu du statut de mis en examen ou de témoin assisté, dont l'accès aux pièces de la procédure est restreint, de pouvoir critiquer utilement la motivation de l'ordonnance ?" ;

4) "Les dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale méconnaissent-elles le principe d'égalité devant la loi, résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce que l'appelant dépourvu de statut dans l'instruction n'a accès qu'aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie, tandis que la personne mise en examen ou bénéficiant du statut de témoin assisté, aura accès à l'ensemble des pièces de la procédure, et ce bien que tous se trouvent placés dans la même situation du point de vue de la mesure de saisie prononcée à leur encontre ?" ;

5) "Les dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale portent-elles atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs des infractions en ce que ce texte prévoit la notification, aux tiers ayant des droits sur les biens, de l'ordonnance de saisie dont la motivation peut, en cas d'ouverture d'une information judiciaire, faire état d'éléments issus de l'instruction relatifs notamment aux éléments à charge retenus à l'encontre des personnes subissant la saisie ?" ;

6) "Les dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale portent-elles atteinte au principe de la présomption d'innocence, garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles prévoient la notification, aux tiers ayant des droits sur les biens, de l'ordonnance de saisie dont la motivation peut faire état d'éléments issus de l'enquête ou de l'instruction visant les personnes subissant cette saisie et retenant des éléments à charge à l'encontre de ces derniers ?" ;

7) "Les dispositions de l'article 706-151 du code de procédure pénale portent-elles atteinte au droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles permettent la saisie portant sur la valeur totale d'un immeuble indivis, y compris à l'égard de l'indivisaire qui n'est pas visé par l'enquête ou l'instruction ?" ;

Attendu que les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure, la décision de saisie pénale immobilière ayant été prononcée sur leur fondement, et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ;

Et attendu que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux ;

Que, pour ce qui concerne les quatre premières, l'appelant d'une décision ordonnant une saisie pénale immobilière qui est partie à la procédure pénale, de même que le ministère public, sont dans des situations différentes de l'appelant qui est tiers à ladite procédure ; que l'article 706-150 du code de procédure pénale, en limitant l'accès au dossier de la procédure de ce tiers aux seules pièces se rapportant à la saisie qu'il conteste, pièces qui sont ainsi clairement désignées, garantit un juste équilibre entre le droit de celui-ci à un recours effectif devant la chambre de l'instruction contre la décision de saisie d'un immeuble sur lequel il a des droits, d'une part, et la nécessité de protéger le secret de l'enquête et de l'instruction, d'autre part ;

Que, s'agissant des cinquième et sixième questions, ce même article 706-150, en prévoyant que la saisie est prononcée par une ordonnance motivée, qui est notifiée non seulement au ministère public et au propriétaire du bien saisi, mais également aux tiers qui ont des droits sur ce bien, opère une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre les exigences d'équité de la procédure que ces obligations garantissent, d'une part, et la nécessité de protéger le secret de l'enquête et de l'instruction comme la présomption d'innocence des personnes mises en cause, d'autre part ;

Qu'enfin, l'article 706-151 du code de procédure pénale, objet de la septième et dernière question, en ce qu'il prévoit que la saisie porte sur la valeur totale de l'immeuble, tend à garantir le caractère effectif de cet acte conservatoire et, ainsi, de la peine de confiscation susceptible d'être prononcée, laquelle peut porter sur des biens divis ou indivis, ainsi que le prévoit l'article 131-21 du code pénal, sans constituer une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires non visés par la procédure pénale, qui ne sont pas, du seul effet de la saisie, privés de leur droit de propriété et peuvent saisir l'autorité judiciaire compétente d'une demande de restitution en application des dispositions des articles 41-4, 99 et 479 du code de procédure pénale ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit février deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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