28 juin 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-81.848

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CR01514

Texte de la décision

N° W 16-81.848 F-D

N° 1514


FAR
28 JUIN 2017


CASSATION


M. GUÉRIN président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________








LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
L'association de Pharmacie Rurale APR, partie civile,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 3 mars 2016, qui, dans la procédure suivie contre M. Yves X... du chef d'abus de confiance, a constaté l'extinction de l'action publique et déclaré irrecevable sa constitution de partie civile ;






La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 mai 2017, poursuivie le 18 mai 2017, où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Y..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 314-1 du code pénal, 8, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a constaté l'extinction de l'action publique pour cause de prescription et, par voie de conséquence, déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association Pharmacie Rurale ;

"aux motifs que sur l'action publique ; qu'aux termes des deux citations délivrées par le ministère public et par la partie civile, il est reproché à M. X... d'avoir, à Paris, entre le 1er janvier 2006 et le 30 novembre 2010, en sa qualité de président de l'association Pharmacie Rurale, détourné des fonds, valeurs ou biens quelconque, en l'espèce des fonds, pour un montant de 113 822,78 euros selon la citation du ministère public, de 459 638,86 euros selon la citation de la partie civile, qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge de les rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, en l'espèce de faire des moyens de l'association un usage conforme aux besoins de l'APR et dans son intérêt ; que sur la prescription, en matière d'abus de confiance, la prescription de l'action publique ne court qu'à compter du jour où le détournement est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en l'espèce, il est reproché au prévenu d'avoir détourné les fonds de l'association Pharmacie Rurale qui lui étaient confiés dans le cadre de ses fonctions de président de ladite association ; qu'il est constant que l'enquête diligentée par le ministère public à compter du 26 mars 2012, l'a été sur la base d'une plainte déposée le 6 mars 2012 par un adhérent de l'association, M. Albin A..., devenu depuis le président, visant des faits d'abus de confiance commis entre le 1er janvier 2006 et le 30 novembre 2010, le plaignant affirmant que ce n'était que grâce à une procédure de référé ayant pour objet la nomination d'un administrateur ad hoc de l'association, qu'il avait pu avoir connaissance des bilans des années 2008 et 2009 et connaissance du montant démesuré des frais engagés par le président de l'association ; qu'au regard des éléments du dossier sus-énoncés, des débats et des pièces communiquées à la cour, M. Albin A..., représentant de la partie civile, ne saurait sérieusement soutenir que ce n'est qu'à partir de novembre 2010, date de l'assignation en référé, qu'il a eu connaissance du montant et des modalités des frais du président de l'association alors que, conformément aux règles de fonctionnement des associations, les comptes et le bilan étaient présentés chaque année au conseil d'administration, produites par la défense, faisant état, lors de la réunion du conseil d'administration et lors de l'assemblée générale, de la présentation des comptes par l'expert comptable, de la communication de la communication des recettes et des dépenses et du vote à l'unanimité des rapports moral et financier ; que M. A..., si l'on s'en réfère aux procès-verbaux du conseil d'administration figurant en procédure, était constamment présent entre 1998 et 2009, et il ne saurait d'avantage soutenir qu'il ignorait tout des bilans, que seule une simple plaquette était communiquée aux administrateurs, sans qu'il n'y ait de débats, laissant ainsi supposer une dissimulation, alors qu'il apparaît, qu'à partir de 2004, selon les rapports financiers de l'expert comptable produits par la partie civile, l'association présentait chaque année un exercice déficitaire ; que, d'autre part, aux termes du courriel envoyé par M. A... le 1 octobre 2008, aux membres du bureau de l'association également membres du conseil d'administration, courriel produit de manière contradictoire par la défense devant la cour, il apparaît que M. A... avait une parfaite connaissance des bilans, puisqu'il fait référence aux bilans de 2005 et de 2006, référence à la ligne 625115 intitulée « Frais du président » et que l'objet de son mail est, compte tenu des difficultés de l'association qui envisageait la vente d'un bien immobilier, une réflexion sur une réduction des dépenses après un examen des deux postes les plus élevés, le salaire de la secrétaire et les frais du président en rappelant le montant de ces derniers pour 2005 (100 261 euros) et pour 2007 (108 221 euros), indiquant que le niveau d'indemnité du président de l'APR n'a rien de choquant dans l'absolu mais qu'il participe au déficit ; que la cour observe que la ligne 625115, citée par M. A... dans son courriel, figure au compte de résultat du bilan au titre des charges d'exploitation ; qu'en conséquence, en 2008, et en tout cas le 15 octobre 2008, M. A... avait une connaissance objective du niveau d'indemnité du président et des modalités de son versement, étant rappelé qu'en avril 2009, la somme versée au président avait été réduite de moitié, une connaissance partagée par les membres du bureau et du conseil d'administration ainsi qu'en font état dans leurs attestations certains destinataires du courriel, rédacteurs des attestations produites dans lesquelles ils parlent de la prise en charge des frais mensuels forfaitisés du président ; qu'alors qu'aucun élément de dissimulation n'est établi, force est de constater qu'entre le 15 octobre 2008, date à laquelle il est établi que M. A... avait connaissance, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, des faits qu'il a dénoncés dans sa plainte du 6 mars 2012, et le 26 mars 2012, date à laquelle le procureur de la République a ordonné une enquête, plus de trois ans se sont écoulés ; qu'en conséquence l'action publique est éteinte et le jugement sera infirmé ; que sur l'action civile en raison de la prescription de l'action publique, la constitution de partie civile de l'association Pharmacie Rurale sera déclarée irrecevable et le jugement sera infirmé en ses dispositions civiles ;

"1°) alors qu'en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; que les instructions du procureur de la République tendant à faire procéder à une enquête préliminaire constituent un acte de poursuite interruptif ; qu'en l'espèce, le tribunal correctionnel a été saisi, par le biais d'une citation délivrée en 2013 à la requête du ministère public et d'une seconde citation délivrée le 8 avril 2014 par la partie civile, de faits d'abus de confiance commis entre le 1er janvier 2006 et le 30 novembre 2010 ; que, le 26 mars 2012, le procureur de la République a ordonné à la BRDA d'enquêter sur ces faits avant de saisir le tribunal par le biais d'une citation délivrée en 2014 ; qu'en conséquence, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 8 et 10 du code de procédure pénale, constater la prescription des faits commis entre le 26 mars 2009 et le 30 novembre 2010 et déclarer la constitution de partie civile irrecevable à leur égard ;

"2°) alors qu'en matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription de l'action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de cette action ; qu'en retenant, pour constater la prescription de l'ensemble des faits visés à la prévention, « qu'entre le 15 octobre 2008, date à laquelle il est établi que M. Albin A... avait connaissance, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, des faits qu'il a dénoncés dans sa plainte du 6 mars 2012, et le 26 mars 2012, date à laquelle le procureur de la République a ordonné une enquête, plus de trois ans se sont écoulés », sans rechercher la date de révélation des détournements commis entre le 15 octobre 2008 et le 30 novembre 2010, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Vu l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version en vigueur au moment des faits ;


Attendu que selon ce texte, en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'issue de l'enquête menée par le procureur de la République de Paris sur plainte de l'association de Pharmacie Rurale contre les agissements de son ancien président, M. X..., ce dernier a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour avoir commis des faits d'abus de confiance par l'engagement de frais injustifiés entre le 1er janvier 2006 et le 30 novembre 2010 ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable des faits reprochés ; que le prévenu, la partie civile et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour constater l'extinction de l'action publique pour cause de prescription et déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association, l'arrêt attaqué retient que, dès le 15 octobre 2008, l'association avait connaissance, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, des faits qu'elle a dénoncés dans sa plainte du 6 mars 2012 et que plus de trois ans se sont écoulés entre cette date et celle du 26 mars 2012 correspondant au moment où le procureur de la République a engagé une enquête ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que M. X... est poursuivi pour des faits dont une partie aurait été commise moins de trois ans avant que le procureur de la République n'engage une enquête, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 3 mars 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.