12 juillet 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-16.435

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02123

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - relations collectives de travail - loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 - article 31, iv - incompétence négative du législateur - principe d'égalité devant la loi - principe dit de participation - principe de protection des situations légalement acquises - droit de propriété - caractère sérieux - défaut - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel

Texte de la décision

SOC.

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 12 juillet 2017




NON-LIEU A RENVOI


M. X..., président



Arrêt n° 2123 FS-P+B

Pourvois n° R 17-16.435
S 17-16.436
T 17-16.437
U 17-16.438 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux reçus le 5 mai 2017 et présentés par Me Y... à l'occasion des pourvois n° R 17-16.435, S 17-16.436, T 17-16.437 et U 17-16.438 formés contre quatre jugements rendus le 21 février 2017 par le conseil de prud'hommes de Dijon (section commerce), dans les litiges opposant :

- la société SAPRR, société anonyme, dont le siège est [...],

à :

1°/ Mme Catherine Z..., domiciliée [...],

2°/ M. Jean-Claude A..., domicilié [...],

3°/ M. Ludovic B..., domicilié [...],

4°/ Mme Agnès C..., domicilié [...],

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 juillet 2017, où étaient présents : M. X..., président, Mme D..., conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Geerssen, MM. Chauvet, Maron, Déglise, Mme Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mme Basset, M. Pietton, conseillers, Mmes Sabotier, Salomon, Depelley, Duvallet, Barbé, M. Le Corre, Mmes Prache, Chamley-Coulet, M. Joly, conseillers référendaires, Mme Becker, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme D..., conseiller, les observations de Me Y..., avocat de la société SAPRR, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mmes Z... et C... et de MM. A... et B..., l'avis écrit de M. E..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu la connexité, joint les questions prioritaires de constitutionnalité n° 17-16.435, 17-16.436, 17-16.437 et 17-16.438 ;

Attendu qu'à l'occasion des pourvois qu'elle a formés contre quatre jugements rendus par le conseil de prud'hommes de Dijon le 21 février 2017, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône a, par mémoires distincts et motivés, demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Les dispositions de l'article 31, IV, de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, ayant abrogé les dispositions de l'article L. 3142-8 du code du travail qui faisaient obligation aux employeurs d'au moins 10 salariés de verser une rémunération aux salariés en congé de formation économique, sociale et syndicale, sans prévoir, à compter du 1er janvier 2015 (date d'entrée en vigueur de la contribution nouvelle instituée par l'article 31, I, de cette même loi, pour financer l'indemnisation des salariés en congé de formation économique, sociale et syndicale), la cessation des effets des conventions et accords collectifs antérieurement conclus :
- pour améliorer le niveau du droit à maintien de rémunération résultant alors, pour les salariés, de l'article L. 3142-8 du code du travail, et usant en cela de la faculté prévue par l'article L. 3142-14 du code du travail ;
- mais en considération d'un état du droit qui n'imposait nullement à l'employeur d'acquitter, en outre, une contribution patronale pour financer l'indemnisation des salariés en congé de formation économique, sociale et syndicale, sont-elles conformes au principe résultant de l'article 34 de la Constitution, selon lequel l'incompétence négative du législateur ne doit pas affecter par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit, à savoir en l'espèce :
(I) le principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789, et le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration de 1789, l'incompétence négative caractérisée en l'espèce ayant pour conséquence de faire naître une rupture d'égalité entre les employeurs astreints au paiement de la contribution instituée par la loi du 5 mars 2014, au détriment des employeurs liés par une convention ou un accord collectif conclu antérieurement à l'abrogation de l'article L. 3142-8 du code du travail, pour améliorer le niveau du droit à maintien de rémunération qui résultait de cet article, alors même :
a) que la volonté du législateur était, par la loi du 5 mars 2014, de substituer à l'ancien dispositif d'indemnisation (reposant sur une obligation de maintien de salaire) un nouveau dispositif d'indemnisation (reposant sur le paiement d'une contribution patronale), pour tous les employeurs, et ce à coût constant,
b) que la loi du 5 mars 2014 ne prévoit aucun dispositif de remboursement des salaires maintenus par l'employeur (le dispositif de remboursement ultérieurement institué par la loi du 17 août 2015 n'étant pas applicable aux congés de formation économique, sociale et syndicale ayant débuté avant le 1er janvier 2016), avec pour conséquence une situation de cumul d'obligations, au titre de l'année 2015, qui ne saurait être regardée comme rationnelle au regard des objectifs poursuivis par la loi du 5 mars 2014 ;
(II) la protection constitutionnelle dont bénéficient les conventions et accords collectifs, sur le fondement de l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946 (principe dit de participation) et des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (relatifs à la protection de la liberté contractuelle et des conventions légalement formées), qui interdisent notamment au législateur de faire produire aux conventions et accords collectifs d'autres effets que ceux que leurs signataires avaient entendu leur attacher, les employeurs ayant conclu des conventions et accords collectifs antérieurement à l'abrogation de l'article L. 3142-8 du code du travail, pour améliorer le niveau du droit à maintien de rémunération qui résultait de cet article, en considération d'un état du droit qui ne leur imposait pas d'acquitter une contribution patronale telle que celle instituée par la loi du 5 mars 2014, n'ayant jamais accepté que les engagements conventionnels acceptés par eux puissent se cumuler avec le versement d'une contribution patronale ayant le même objet ;
(III) la protection des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations, qui résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, dès lors que les employeurs ayant conclu une convention ou un accord collectif pour améliorer le niveau du droit à maintien de rémunération résultant alors, pour les salariés, de l'article L. 3142-8 du code du travail, étaient légitimement en droit d'espérer que la conclusion d'un tel accord épuise leurs obligations en la matière, et qu'en cas d'évolution législative ayant pour objet de leur imposer une obligation nouvelle (caractérisée en l'espèce par l'application d'une contribution patronale destinée à financer le maintien de salaire des salariés en congé de formation économique, sociale et syndicale, en lieu et place d'une obligation de maintien de salaire), cette obligation n'aurait pas vocation à s'ajouter aux obligations auxquelles ils étaient déjà soumis à ce sujet, toute autre solution ayant pour conséquence de les pénaliser en raison d'un comportement vertueux de leur part,
(IV) le droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, l'incompétence négative caractérisée en l'espèce ayant pour conséquence de reporter nécessairement sur le juge le soin de dire si le salarié est titulaire d'une créance à l'égard de l'employeur, au titre des dispositions des conventions et accords collectifs conclus antérieurement à la loi du 5 mars 2014, pour améliorer les droits résultant de l'article L. 3142-8 alors applicable,
et ce dès lors notamment qu'il appartient au seul législateur de définir les conséquences attachées à l'abrogation d'une disposition législative dont la loi prévoyait elle-même qu'elle pouvait donner lieu à la conclusion de conventions et d'accords collectifs plus favorables, à l'égard de tels accords conclus antérieurement à son abrogation ? » ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la question prioritaire de constitutionnalité n'est pas sérieuse en ce que l'abrogation de l'article L. 3142-8 du code du travail par l'article 31, IV, de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 n'a pas remis en cause les dispositions de l'article L. 3142-14 du code du travail, devenu l'article L. 2145-12 qui dispose que les conventions ou accords collectifs peuvent contenir des dispositions plus favorables que celles prévues par la sous-section relative aux congés de formation économique, sociale et syndicale, notamment en matière de rémunération, ce dont il se déduit que les conventions collectives ou accords collectifs antérieurs prévoyant, en application de l'article L. 3142-14 du code du travail, la prise en charge par l'employeur de tout ou partie du salaire demeurent, par la volonté du législateur, applicables ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

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