21 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-20.461

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2017:SO01966

Texte de la décision

SOC.

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2017




Cassation partielle


M. FROUIN, président



Arrêt n° 1966 FS-D

Pourvoi n° W 16-20.461







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'association Pôle thermal d'Amneville les Thermes, dont le siège est [...]                             les Thermes,

contre l'arrêt rendu le 17 mai 2016 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme Francine X..., domiciliée [...]                                    ,

2°/ à Pôle emploi Hagondange, dont le siège est [...]                                                    ,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 juin 2017, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, MM. Rinuy, Schamber, Ricour, Mme Van Ruymbeke, conseillers, Mme Z..., MM. A..., Silhol, Belfanti, Mme Ala, M. Duval, Mme Valéry, conseillers référendaires, M. Richard de la Tour, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de l'association Pôle thermal d'Amneville les Thermes, de Me B..., avocat de Mme X..., l'avis de M. Richard de la Tour, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1245-1 et L. 1245-5 du code du travail et l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que l'employeur, qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture sans que le salarié puisse exiger, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, sa réintégration dans l'entreprise ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'association Pôle thermal d'Amnéville les thermes en qualité d'agent de service thermal à compter du 4 septembre 2007 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes, avant le terme, le 30 novembre 2014, du dernier contrat à durée déterminée en cours ;

Attendu que pour dire que l'interruption de la relation de travail du fait de l'employeur s'analyse en un licenciement nul et ordonner la réintégration de la salariée et le paiement de sommes à titre de rappels de salaire et de congés payés, l'arrêt retient qu'il est indéniable que la salariée, qui bénéficiait depuis plus de neuf ans, régulièrement et chaque année, de contrats à durée déterminée pour des tâches d'agent de service thermal, n'a pas été renouvelée dans cette mission en 2015, qu'il convient de constater le refus par l'employeur d'embaucher à nouveau la salariée autrement que conformément à ses propres critères et non pas comme précédemment, utilisant ainsi son pouvoir de licencier afin d'imposer sa propre solution dans le litige qui les opposait et qui n'avait pas été définitivement tranché, alors même qu'il n'est argué d'aucun motif par l'employeur pour ne pas garder cette salariée à son service en 2015, que ces circonstances constituent des éléments permettant de présumer un lien de causalité entre l'action en justice et la rupture intervenue en 2015 par l'absence de conclusion d'un contrat à durée déterminée entre les parties comme elles l'avaient précédemment fait, sans que l'employeur ne donne une explication plausible à l'absence de relations de travail en 2015, autre que celle relative à l'absence de signature d'un contrat de travail à la condition pour la salariée de se désister de sa demande en requalification, cette attitude étant manifestement destinée à dissuader la salariée et, le cas échéant, ses collègues, d'ester en justice pour réclamer la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, le contrat proposé lui étant moins favorable, et à échapper, en ce qui concerne l'employeur, aux conséquences de cette requalification, qu'un tel comportement illustre une violation manifeste d'une liberté fondamentale de la salariée, résultant notamment de l'article 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme, que l'employeur ne démontre pas que sa décision a été prise pour des motifs étrangers à toute violation de la liberté fondamentale considérée ;

Qu'en statuant ainsi, en posant une présomption, alors qu'en l'absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite il appartient au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée résulte de la volonté de l'employeur de porter atteinte au droit du salarié d'obtenir en justice la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'interruption de la relation de travail le 30 novembre 2014, du fait de l'employeur, à l'occasion de l'instance en requalification des contrats à durée déterminée s'analyse en un licenciement nul et ordonne en conséquence la réintégration de Mme X... dans son emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification de l'arrêt et condamne l'employeur à payer à Mme X... les sommes de 13 316 euros brut, à titre de rappel de salaire, outre 1 331,60 euros brut au titre des congés payés, à compter du 30 novembre 2014, l'arrêt rendu le 17 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Frouin, président et M. Huglo, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour l'association Pôle thermal d'Amneville les Thermes.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 17 mai 2016 attaqué d'avoir dit que l'interruption de la relation de travail le 30 novembre 2014, du fait de l'employeur, à l'occasion de l'instance en requalification des contrats à durée déterminée s'analyse en un licenciement nul et d'avoir ordonné en conséquence la réintégration de Mme X... dans son emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de l'arrêt et condamné l'association Pôle Thermal d'Amnéville les Thermes à payer à Mme X... les sommes de 13.316 euros brut à titre de rappel de salaire, outre 1.331,60 euros brut au titre des congés payés afférents, à compter du 30 novembre 2014.et de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur a cessé de fournir du travail et de verser un salaire à Madame X... à l'expiration du contrat à durée déterminée qui a été requalifié. La seule survenance du terme du dernier contrat à durée déterminée, en raison de la requalification en contrat à durée indéterminée a pour conséquence la rupture de la relation contractuelle qui doit s'analyser en un licenciement ; qu'en l'espèce, Madame X... soutient à titre principal la nullité du licenciement dès lors que l'employeur n'a pas reconduit le contrat en 2015 contrairement aux années précédentes compte tenu de son recours en justice lui faisant ainsi perdre son emploi ce qui constitue une violation d'un droit fondamental et une violation des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et des dispositions de la convention collective ; qu'il convient de rappeler qu'en l'absence de texte, la seule possibilité pour le salarié d'obtenir la nullité du licenciement et sa réintégration est de démontrer la violation par son employeur d'une liberté fondamentale ; que Madame X... a engagé une action en justice à l'encontre de l'employeur le 8 août 2013 devant le conseil de prud'hommes de Metz, la décision étant rendue le 23 octobre 2013. Concomitamment à cette action, Madame X... était titulaire d'un contrat de travail qui s'est poursuivi jusqu'à son terme, soit le 27 octobre 2013 ; qu'elle a fait appel de ce jugement le 21 novembre 2013, a sollicité la priorité d'embauche aux termes d'une lettre recommandée avec accusé de réception du 10 décembre 2013, pour l'année 2014 conformément à l'article 3 du titre IV de la convention collective nationale du thermalisme concernant les priorités d'embauche en fonction de l'ancienneté et elle a été engagée à nouveau à compter du 10 mars 2014, ce contrat se terminant le 20 novembre 2014 ; que pendant la procédure d'appel, il y a lieu de constater qu'à la suite, de la radiation le 3 mars 2015, aucun nouveau contrat n'a été proposé à la salariée et elle a
engagé une action en référé le 3 juillet 2015 aux fins de voir ordonner à l'employeur la reprise de la relation de travail ; qu'il résulte de la procédure de référé que le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix le 16 juillet 2015 et aux termes d'une ordonnance de départage du 23 octobre 2015, sa demande a été rejetée ; qu'il n'en demeure pas moins, qu'aux termes, de cette ordonnance, il est indiqué « que les relations contractuelles entre les parties n'ont pas été renouvelées aux termes du dernier contrat saisonnier suite au refus de la salariée de signer le contrat de travail intermittent à durée indéterminée qui lui était proposé par l'employeur dans le cadre d'un projet de transaction prévoyant notamment le désistement de l'Instance en requalification », l'association Pôle Thermal d'Amnéville les Thermes confirmant à l'audience devant la cour d'appel du 22 mars 2016 qu'il avait été proposé l'acceptation d'un contrat à durée indéterminé intermittent ; qu'il est indéniable que Madame X..., qui bénéficiait depuis plus de 7 ans, régulièrement et chaque année, de contrats à durée déterminée pour des tâches d'agent de service thermal, n'a pas été renouvelée dans cette mission en 2015, non seulement à son égard mais également à l'égard de 4 autres de ses collègues, qui avaient également engagé une action aux mêmes fins ; qu'il convient de constater le refus par l'employeur d'embaucher à nouveau la salariée autrement que conformément à ses propres critères et non pas comme précédemment, utilisant ainsi son pouvoir de licencier afin d'imposer à la salariée sa propre solution dans le litige qui les opposait et qui n'avait pas été définitivement tranché, alors même qu'il n'est argué d'aucun, motif par l'employeur pour ne pas garder cette salariée à son service en 2015 ; que ces circonstances constituent des éléments permettant de présumer un lien de causalité entre l'action en justice et la rupture intervenue en 2015 par l'absence de conclusion d'un contrat à durée déterminée entre les parties comme elles l'avaient précédemment fait durant près de ans, sans que l'employeur ne donne une explication plausible à l'absence de relations de travail en 2015, autre que celle relative à l'absence de signature d'un contrat de travail à la condition pour la salariée de se désister de la demande en requalification, cette attitude étant manifestement destinée à dissuader la salariée et, le cas échéant, ses collègues, d'ester en justice pour réclamer la requalification de leur contrat de travail en contrat à durée indéterminée, le contrat proposé leur étant moins favorable, et à échapper, en ce qui concerne l'employeur, aux conséquences de cette requalification ; qu'un tel comportement illustre une violation manifeste d'une liberté fondamentale de la salariée, résultant notamment de l'article 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme ; que l'employeur ne démontre pas que sa décision a été prise pour des motifs étrangers à toute violation de la liberté fondamentale considérée et il convient de faire droit à la demande de la salariée de déclarer nul le licenciement intervenu le 30 novembre 2014, échéance du dernier contrat à durée déterminée, ainsi que d'ordonner sa réintégration dans les effectifs de l'association Pôle Thermal d'Amnéville les Thermes sous astreinte telle que définie au dispositif de la présente décision et sans qu'il y ait lieu de s'en réserver la liquidation ; qu'il convient également de lui accorder la somme de
13.316 euros brut à titre de rappel de salaire, outre la somme de 1.331,60 euros au titre des congés payés afférents, tel que sollicité, à compter du 30 novembre 2014.

ALORS QUE le contrat de travail à durée déterminée est rompu de plein droit à l'arrivée du terme ; qu'en jugeant que la rupture du contrat de travail à durée déterminée de Mme X... était nul au motif qu'elle serait intervenue en raison de l'action prud'homale en cours, quand elle avait constaté que Mme X... avait été déboutée de sa demande de requalification en première instance et que le dernier contrat saisonnier conclu avait été automatiquement rompu le 30 novembre 2014, à l'échéance de son terme, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que l'action prud'homale en cours était nécessairement étrangère à la rupture du contrat de travail intervenue de plein droit, a violé les articles L. 1245-1 et L. 1243-5 du code du travail ;

ALORS QUE la circonstance que l'employeur aurait commis une faute en refusant de réengager le salarié en contrat de travail à durée déterminée saisonnier, pour la prochaine saison, ne peut avoir aucune conséquence sur l'appréciation de la légitimité de la rupture du dernier contrat conclu à durée déterminée qui intervient de plein droit à l'arrivée de son terme ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1 et L. 1243-5 du code du travail.

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